Les approches analytiques semblent parfois considérer avec dédain les apports de la thérapie brève. Certain praticiens en thérapie brève considèrent les approches analytiques comme inefficaces voire obsolètes. Je vous invite donc à ne pas lire les lignes qui suivent, elles peuvent passer pour iconoclaste. Je vous les livre en toute simplicité.
La cliente se présente en consultation pour des crises d’angoisse qui vont jusqu’à perturber la qualité de son sommeil et génèrent à présent une anxiété à leur sujet. J’ai en face de moi une élégante femme en âge d’être raisonnablement plusieurs fois grand-mère. Après une vie bien remplie de cadre supérieur et de mère de famille, voici qu’elle se trouve en situation de demander de l’aide. Une partie de sa carrière s’est déroulée dans la recherche scientifique, et il semble qu’elle se soit approprié le discours psychanalytique. Très cultivée, elle décrit son mal être en termes d’Oedipe, de refoulement et est en quête d’un pourquoi qui aurait la magie de la soulager. Toutefois, c’est en toute conscience qu’elle vient consulter un praticien en thérapie brève.
La cure se déroule normalement : l’anxiété disparaît au terme de trois séances ; la qualité du sommeil revient. Dans la logique des poupées russes, quelques désordres annexes sont pris en charge et son confort personnel atteint un niveau inespéré selon elle. La difficulté qui la handicapait et avec laquelle elle avait appris à vivre est donc derrière elle ; il lui reste à expérimenter la vie sans cette limitation : c’est la consolidation.
Surprise ! La consolidation ne présente pas la fluidité que la qualité de la relation passée aurait laissé espérer. Mon analyse logique butte sur ce qui se passe. Je patine, car en thérapie brève, point de patient qui résiste, mais seulement des thérapeutes qui n’arrivent pas à déjouer le piège dans lequel le client est tombé, quand ce ne sont pas des thérapeutes qui sont tombés dans le piège du client. Me voici au défi de reconnaître mon échec, et de trouver une issue élégante et respectueuse à cette situation. Même si j’ai « livré » ce qu’elle était venue chercher - disparition des angoisses et retour d’un sommeil de qualité -, même si cela a été au delà de ses espérances les plus optimistes, j’ai l’affreuse sensation qu’elle prend le chemin de la rechute, prochainement ... ou plus tard.
« Que me dit-elle ? », la petite phrase magique qui me guide d’entretien en entretien et me sert à décoder les cercles vicieux devenus pathogènes, me livre subitement la clé : elle me dit qu’elle est guérie et n’y croit pas car cela a eu lieu sans manifestation émotionnelle théâtrale. Tout se passe comme si, forte de cette croyance, elle mettait en place une série de comportements destinés à se prouver qu’elle a rêvé et qu’elle va toujours mal. Dans son modèle, s’il n’y a pas de « catharsis », il n’y a pas de guérison.
Je suis donc en face d’une personne qui m’a montré en séance la trace fugace et discrète de la traversée de l’émotion liée à sa difficulté. Elle constate comme moi que les choses ont significativement changé. Elle s’en dit satisfaite. Pourtant, elle n’y croit pas et cherche à en invalider les effets positifs.
Les faits allaient à l’encontre de son bagage psychanalytique. Ses convictions jouaient comme une force de rappel. Au fil des souffrances, ses points de vue étaient devenus tout à fait cohérents avec son mal être et réciproquement. Tout se passait comme si, de son point de vue, le mal être ne pouvait disparaître puisque sa compréhension théorique première était en échec. Pourtant elle venait en thérapie brève. Il me restait donc à l’accompagner jusqu’à la confiance en sa rémission. Cette nouvelle étape devait permettre l’abandon des tentatives de sabordage de son nouveau confort de vie. Pour poursuivre, il me fallait me glisser encore plus loin dans ses représentations.
Point d’explications vaines pour essayer de la convaincre. De nouvelles expériences émotionnelles l’ont convaincue qu’elle était bien sortie d’affaire.
La thérapie brève et la psychanalyse s’étaient donc rencontrées ; il me fallait en tenir compte. Je me suis alors mis à remonter le fil de la thérapie brève vers la psychanalyse. Voici ce que j’ai trouvé.
Première surprise : un trouble anxieux ou dépressif sur cinq a pour contexte une difficulté dans la passation de témoin entre générations. L’effet de ce constat est immédiat : la prise en compte des « loyautés familiales » facilite le décryptage des pathologies associées à la passation de témoin entre génération. La construction de l’intervention correspondante en est plus aisée.
Seconde surprise : l’autonomisation du client, en particulier en phase de consolidation, peut se comprendre, sous certaines conditions, comme la construction du terme du transfert thérapeutique. Le transfert n’est pas un outil de la thérapie brève, or il se manifeste très humainement, aussi en thérapie brève. Le thérapeute a donc tout intérêt à y être familiarisé pour construire, si besoin est, une configuration destinée à en éviter les pièges, tant pour lui que pour le client.
Troisième surprise : la dynamique mise en oeuvre en thérapie brève s’apparente à la dynamique d’élaboration et de régression. L’élargissement du champ des points de vue du client par le travail organisé en thérapie brève vise à permettre une plus grande flexibilité d’adaptation du client. Pour ce faire, il y a lieu de favoriser une mobilité d’esprit accrue. La thérapie brève a recours à des métaphores et des aphorismes. Ils contribuent à cet assouplissement. Ils visent à toucher le client dans sa sensibilité. Ce faisant, ils lui font parcourir le temps et l’espace en stimulant ce qu’il porte d’enfantin en lui.
Enfin, les interventions construites en séances avec à l’origine une lecture strictement dans la logique de la thérapie brève, peuvent aussi être lues d’un point de vue analytique. Déclarer que le client présente une blessure narcissique ou qu’il offre un tableau névrotique n’est pas « thérapie brève » mais la description de ce qui conduit à ces prises de position est tout à fait utilisable pour construire l’intervention.
Ainsi, les notions de pulsion et de répétition peuvent prendre place dans la lecture des cercles vicieux envahissants voire invalidants visés par l’intervention en thérapie brève. L’intervention elle-même supporte d’être construite dans le respect des notions présentées par le champ analytique sous deux conditions :
qu’on s’en tienne aux manifestations présentes et concrètes de ce qui est lu ; c’est ainsi que l’expression d’un trouble descriptible avec une grille psychogénéalogique peut être prise en compte en thérapie brève, au même titre qu’un trouble associé à la phase « oedipienne » du développement selon une grille analytique.
que la logique de l’intervention colle à la lecture logique des éléments mis à disposition par le champ analytique, dans leur manifestations présentes.
De fait, tout cela est-il vraiment surprenant ?
La personne qui se présente en consultation, que ce soit en psychanalyse, thérapie analytique, thérapie psycho-corporelle ou thérapie brève, d’une façon ou d’une autre va voir son trouble pris en charge au travers de ses structures de mémorisation.
La cure analytique envoie le client d’association en association retrouver un événement passé mémorisé. Quand cet événement est retrouvé, s’il induit une prise de conscience claire de sa situation par le client, alors il sera décrit comme la cause du trouble présent. La conséquence de cette rencontre avec l’évènement originel pourra être une modification de la façon d’aborder la vie vers une meilleure adaptation au contexte de vie.
L’exploration psycho-corporelle vise à déclencher la rencontre de l’engramme corporel invalidant. Des techniques appropriées sont alors déployées pour le libérer. L’accompagnement de sa libération doit conduire à une amélioration du confort de vie du client et en particulier à des interactions sociales plus fluides.
L’entretien de thérapie brève crée une hyperfocalisation sur la manifestation présente d’une information mémorisée. Par ce biais, elle vise à déclencher une expérience émotionnelle nouvelle. La rencontre de cette expérience émotionnelle permet de réorienter le mouvement induit par l’information mémorisée vers une forme valide d’adaptation.
Dans les trois cas, l’accès à une configuration émotionnelle mémorisée et s’exprimant de façon dysfonctionnelle est visé. Dans les trois cas, l’effet sera apprécié par le caractère plus adapté des relations du client avec son environnement et ce qu’il estime être son confort de vie.
C’est pourquoi il me semble que le temps d’une pollinisation croisée entre ces différentes approches est venu. En particulier, avoir recours à un point de vue analytique en thérapie brève permet d’enrichir l’angle de vision. La construction de l’intervention et de la rencontre de l’expérience émotionnelle correctrice peuvent en bénéficier.
Après 16 années passées dans des postes à responsabilité en entreprise, Paul-Henri Pion s’est investi dans les métiers de la relation et de l’accompagnement de la personne. Il exerce aujourd’hui comme psychothérapeute. Sa pratique s’inscrit dans la lignée des travaux du Mental Research Institute de Palo Alto (Californie) et de son Centre de thérapie brève.
Paul-Henri Pion est psychopraticien à Courbevoie. « C’est en lâchant prise que vient la maîtrise ». Paul-Henri s’intéresse aux conditions de la performance et du bien-être humains. Sa pratique s’inscrit dans la lignée des travaux du Mental Research Institut dont il a suivi les enseignements. Économiste de formation, certifié en PNL et hypnose éricksonnienne, diplômé en psychologie, il met son expérience au service de votre bien-être.
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