Pour des standards professionnels - Partie 1

Par Paul-Henri Pion, psychopraticien.


Pour des standards professionnels - Partie 1

À l’heure où le film "Le Mur" défraye la chronique de nos professions, chacun est passible de s’inquiéter de voir sa pratique dénigrée, tant au niveau de ses fondements qu’au niveau de la façon dont il l’exerce.

Il me semble alors important de pouvoir se raccrocher à des invariants incontestables et opposables aux critiques. Je vous en livre quelques uns et espère vous voir contester et abonder la discussion et la validation de mes propos.

La racine visible de nos existences se trouve dans ce que l’évolution nous permet d’appréhender de notre état d’organisme vivant. C’est donc là que vais aller piocher.

Je vous propose un premier lot de données tiré des caractéristiques du vivant :

-  le mouvement  : tout être vivant est en mouvement et ne peut pas ne rien faire ; un être vivant porte en lui la préoccupation constante de pouvoir rester en mouvement : c’est la peur de mourir.

- la relation : tout être vivant est en relation avec d’autres êtres vivants et des choses inertes à son échelle. Chacun n’est qu’un nœud au sein d’un maillage. La disparition du maillage entraîne la disparition du nœud. Ceci a une double conséquence. D’une part tout mouvement est message. D’autre part tout être vivant porte en lui la préoccupation constante de pouvoir rester en relation avec le maillage auquel il participe : c’est la peur d’abandon.

- la reproduction : vivre implique de mourir et la vie assure sa pérennité au-delà de la mort par la reproduction.

Un second lot de données est issues de l’observation du fonctionnement de notre système nerveux :

-  le système nerveux cartographie en permanence l’environnement interne et externe par les voies afférentes (voies montantes) et en construit une représentation signifiante pour lui

- le système nerveux organise en permanence des configurations de mouvements en fonction des informations collectées par les voies afférentes. Ces mouvements visibles ou non visibles organisés via les voies efférentes (voies descendantes) modifient les tensions musculaires avec ou sans déplacement des pièces squelettiques. En cas d’absence de déplacement des pièces squelettiques, il sera parlé d’émotions. En cas de faible déplacement, il sera parlé de postures ou d’attitudes. Les déplacements plus visibles correspondant aux comportement.

- le système nerveux ne fait pas la différence entre une cartographie issue d’éléments mémorisés (simulation), et une cartographie réalisée sur le vif.

Enfin, une dernière donnée peut être introduite à ce stade : la mémorisation par l’organisme est contextuelle. Tout souvenir est un couple (configuration sensorielle ; configuration de mouvements)

Comment se servir de tout cela ?

La première application possible de ces différents éléments concerne les souvenirs qui dérangent.

Si le système nerveux cartographie et organise des configurations de mouvement en continu alors qu’il est incapable de différencier une simulation d’évènement alors, si je simule une situation dérangeante dans un cadre sécurisé et me centre sur les informations collectées par la voie afférente, le système nerveux ne pourra pas s’empécher d’organiser la configuration de mouvements correspondant à ce que je suis tranquillement assis dans mon fauteuil en train de penser à cette situation. La configuration de mouvements anciennement mémorisée est remplacée par la configuration de mouvements nouvelle que le système nerveux synthétise lors de cette simulation.

Vous pouvez le vérifier : faire décrire les circonstances d’un évènement traumatisant, c’est à dire ce qui a été vu, senti, entendu, goûté, touché et qui constitue sensoriellement cet évènement, bizarrement ne déclenche pas un réveil de la peur ou de la douleur. Au contraire, le sujet s’apaise. En lui faisant répéter plusieurs fois cette reconstitution, le traumatisme devient expérience et perd son statut de souvenir à oublier ou à chasser. Alors que les images enregistrées lors de cet évènement surgissaient et encombraient les pensées du traumatisé, elles s’évanouissent et le traumatisé n’a plus besoin de se battre contre elles ou ne s’en laisse plus envahir. Il peut y repenser sans effets secondaires déplaisants sur son présent.

Ce qui est vrai avec les traumatismes est aussi vrai avec tous les autres souvenirs dérangeants. Le fonctionnement du système nerveux reste le même. La simulation de la configuration sensorielle historique dans un cadre apaisé conduit à "décrocher" l’émotion passée et à lui substituer la configuration de mouvements adaptée au contexte de cette simulation. Se centrer sur ce que les sens ont capturé, et uniquement sur cela, dans un cadre apaisé sans aucune interprétation ni idéation particulière conduit à restructurer le souvenir des scènes que l’on ne veut pas voir, et surtout ne pas voir se reproduire. Elles deviennent de simples expériences auxquelles il est possible penser à volonté. Cela ouvre sur un large éventail d’adaptations possibles aux contextes traversés. Les émotions passées qui venaient interférer avec le présent ne s’invitent plus dans le présent.

Si cela fonctionne avec la simulation d’évènements passés, alors cela doit pouvoir fonctionner avec la simulation d’évènements futurs. Il est de même possible d’expérimenter cela avec des situations anxiogènes. Faire imaginer au sujet anxieux, peureux, préoccupé etc les conséquences factuelles et concrètes de la situation qu’il redoute ou plus généralement des situations qu’il évite, conduit à la même observation que précédemment pour les mêmes raisons. Il s’agit de le conduire à se centrer sur les voies afférentes du système nerveux, sur ce que ce dernier collecte comme informations et exclusivement cela. Compte tenu de ce que la peur ou des réflexions pourraient surgir, faire enchaîner l’imagination concrète et factuelle des conséquences dommageables potentielles issues de la situation redoutée permet d’activer la simulation sur la durée et de rester focalisé sur les voies afférentes en franchise d’interprétation ou d’idéation. Le même phénomène d’apaisement que précédemment est observable.

Bien sûr, ceci ne fonctionne que si le sujet est dans un cadre sécurisant : la personnalité du praticien et sa capacité à entretenir une bonne relation avec le sujet en est la clé. Une fois sorti du cabinet, cette confiance relationnelle partagée lui permettra de se centrer sur la simulation d’évènements passés douloureux ou celle d’évènements futurs redoutés en toute sécurité.

Mettre en scène une façon d’activer les voies afférentes du système nerveux et rien que cela, permet de libérer l’energie consommée à vouloir chasser, occulter ou faire avec ses souvenirs ou ses inquiétudes dérangeants. Pour ce qui est de ces dernières, il est intéressant avec un patient qui évite et est incapable de trouver ce dont il a peur, de le faire partir de ce qu’il cherche à bien faire. S’il cherche à bien faire, alors c’est qu’il évite de mal faire. C’est là une porte d’entrée pour traiter les peurs diffuses.

Focaliser sur ce que le système nerveux collecte et la représentation mentale qui en résulte, en libérant l’énergie, permet souvent de voir l’apaisement s’accompagner d’une remise en mouvement, comme si le patient reprenait vie. Ce n’est cependant pas systématique. Un prochain article traitera de la remise en mouvement quand souvenirs et peurs ont cessé de fermenter dans la cave où il était tenté de les confiner.

En quoi cela répond-il aux dénigrements potentiels de nos pratiques professionnelles ?

Chacun en fonction de sa personnalité et de son parcours tente de mettre en scène ce qu’il croit bon pour les personnes qui viennent le consulter. L’évolution a fait que nos organismes fonctionnent selon des dynamiques en nombre restreint. L’histoire a fait que chacun de nous met en scène ces dynamiques de façon très personnelle et unique. Il y a donc des millions de mises en scènes pour quelques dynamique vitales.

L’honnêté professionnelle passe par la reconnaissance de cela. Savoir exprimer comment son exercice professionnel active les ressorts décrits plus-haut devient une nécessité pour défendre notre profession et trier parmi les mises en scènes que nous sommes capables d’inventer celles qui ont des chances de fonctionner de celles qui reviennent à fidéliser le client.

Pour finir, cette première partie, je vous invite à trouver dans votre fond culturel régional les dictons qui illustrent ce qui précède.

- Lire la seconde partie de cet article

Économiste de formation, formé à la lecture et à l’anticipation des évolutions de la conjoncture, Paul-Henri Pion a passé 16 années dans des postes à responsabilité en entreprise. Depuis 2000, il se consacre à la lecture et à l’anticipation des interactions humaines. Il exerce aujourd’hui les thérapies brèves et le coaching stratégique. Sa pratique s’inscrit dans la lignée des travaux du Mental Research Institute de Palo Alto (Californie) et de son Centre de thérapie brève. .

- http://mieux-etre.org/Paul-Henri-Pion.html

Publication proposée par : Pion Paul-Henri

Paul-Henri Pion est psychopraticien à Courbevoie. « C’est en lâchant prise que vient la maîtrise ». Paul-Henri s’intéresse aux conditions de la performance et du bien-être humains. Sa pratique s’inscrit dans la lignée des travaux du Mental Research Institut dont il a suivi les enseignements. Économiste de formation, certifié en PNL et hypnose éricksonnienne, diplômé en psychologie, il met son expérience au service de votre bien-être.

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