L’agitation autour du film "Le Mur" en début d’année a rappelé que chacun est susceptible de voir sa pratique dénigrée, tant au niveau de ses fondements qu’au niveau de la façon dont il l’exerce.
Il me semble alors important de pouvoir se raccrocher à des invariants incontestables et opposables aux critiques. Dans la première partie publiée dans ces colonnes le 25 mars dernier( ++), je livrais quelques uns de ces invariants et en tirais des implications sur la façon de débloquer l’énergie coincée dans les douleurs passées ou les peurs futures. Dans le présent article, je reprends certains de ces invariants et les enrichis d’autres qualités de notre organisme mobilisables pour favoriser le retour à une vie normale du patient une fois l’énergie débloquée.
Ces invariants du vivant sont :
- le mouvement : tout être vivant est en mouvement et ne peut pas ne rien faire ; un être vivant porte en lui la préoccupation constante de pouvoir rester en mouvement : c’est la peur de mourir.
- la relation : tout être vivant est en relation avec d’autres êtres vivants et des choses inertes à son échelle. Chacun n’est qu’un nœud au sein d’un maillage. La disparition du maillage entraîne la disparition du nœud. Ceci a une double conséquence. D’une part tout mouvement est message. D’autre part tout être vivant porte en lui la préoccupation constante de pouvoir rester en relation avec le maillage auquel il participe : c’est la peur d’abandon.
- les différences : le système nerveux est conçu pour repérer des différences.
- l’atrophie : un organisme ou une fonction organique non sollicité s’atrophie.
- la dissonance cognitive : des informations incompatibles entre elles conduisent à une restructuration des croyances, des attitudes et des connaissances par des processus inconscients. Présentées simultanément, ces informations incompatibles entre elles du point de vue du sujet créent un paradoxe et entraînent un changement de niveau de cognition chez le sujet.
- l’amour, en tant que principe de vie qui nous anime.
Les demandes d’accompagnement sont caractérisées par une difficulté adaptative, c’est à dire par la mise en œuvre d’une configuration de mouvements qui fait souffrir et est maintenue dans le temps. Le sujet est psycho-rigide, il est mono-mode dans certains contextes. Une fois sorti de cet enfermement comme décrit dans la première partie, le sujet présente parfois une certaine hébétude, comme si le fait d’être affranchi de son problème constituait un nouveau problème. Son organisme ne reprend pas spontanément la voie de l’imagination de nouveaux mouvements.
Dès lors que la capacité du système nerveux à repérer les différences s’émousse faute d’usage, il est observé une limitation de la gamme des mouvements réponses du sujet. En effet, la variété des configurations sensorielles cartographiées s’appauvrissant, la variété des configurations de mouvements synthétisés en réponse s’appauvrit. C’est ce qui a été observé chez le sujet en souffrance. Une façon d’inverser cette évolution est de trouver un moyen de stimuler le repérage de différences. Or, la vie n’est que mouvement. La solution serait donc à minima dans une action destinée à ré-exercer le repérage des différences.
Demander une petite violation répétée des habitudes suffit comme assouplissement à cette fin. L’œil se ré-exerce à discriminer. Une petite différence introduite au quotidien, comme de laver le porte-savon toujours sale que l’on aurait lavé que bien plus tard ou de changer l’ordre dans lequel on s’habille, a l’effet de remobiliser l’attention. La créativité est stimulée. La faculté d’adaptation s’élargit. La curiosité revient.
Cependant, ceci ne suffit pas. Le sujet doit pouvoir aussi entretenir des relations satisfaisantes avec son prochain. Le vivant n’est qu’un balet incessant entre la capacité de donner et la capacité de recevoir. En outre, la dynamique de vie est caractérisée par l’amour. L’orientation donné au mouvement serait stérile si elle ne nourrissait l’amour en général et l’amour de soi en particulier. Ceci peut être obtenu aisément en demandant au sujet de trouver une occasion par jour de faire un compliment à un être vivant quel qu’il soit. La curiosité du cerveau déjà stimulé par la tâche précédente, se tourne ainsi vers la relation au vivant. C’est quelque part lui demander de s’émerveiller devant la vie. Après s’être ré-éduqué à regarder, à observer, il se ré-éduque à aimer le règne du vivant et ainsi insensiblement son prochain... puis lui-même.
Enfin, la gamme de solutions adaptatives est d’autant plus grande que le système cognitif en favorise l’expression. Un corpus de croyances facilitateur peut être favorisé à cette fin. La dissonance cognitive avec sa particularité de restructurer croyances et attitudes et d’élargir le champ des connaissances en est le levier. Si l’on arrive à créer des dissonances cognitives chez le sujet, alors on a la garantie qu’il évoluera dans une dynamique en permanence enrichie. Il s’agit de le mettre en situation de soumettre à son système cognitif des cognitions incompatibles entre elles. L’emploi généralisé de la conjonction de coordination "et" répond à cette attente. En y recourant en particulier quand "mais" aurait été utilisé, il est créé des opportunités de contradictions apparentes et de paradoxes insolubles sinon en changeant de niveau de cognition. Celui qui pratique ainsi se rend compte aussi que ce qui logiquement semblait s’opposer co-existe en fait. Il s’agit simplement, sans jamais s’opposer à l’occurrence de "mais" de re-dire mentalement ou verbalement avec "et" à la place de "mais", ce qui vient d’être exposé.
Dans ces trois étapes de la remise en mouvement guidée du sujet, à aucun moment il n’a été tenté de l’influencer en terme de contenu de sa pensée.
Les interventions se sont focalisées sur la stimulation de ressources existantes de son organisme. Il est resté libre de ses croyances et de ses valeurs ainsi que de son histoire. Le mouvement, l’attention portée à son prochain et l’élargissement du champ de croyances ont été obtenus par ses seules actions devenues possibles du fait du déblocage antérieur (voir 1ère partie) et sans savoir quelles actions il allait mettre en œuvre. Il a été seulement veillé à ce qu’elles s’insèrent dans la dynamique observable chez tous les êtres humains.
L’honnêteté professionnelle passe par la conscience de cela.
Chacun doit pouvoir exprimer comment, au-delà de la mise en scène de sa pratique, il actionne des leviers communs à l’espèce et repérés comme tels.
Quel que soit son référentiel théorique, chaque praticien doit savoir dépouiller son exercice professionnel et montrer quels invariants du vivant il tente de stimuler. Savoir exprimer cela devient une nécessité pour trier parmi les mises en scènes possibles de notre métier celles qui ont des chances de fonctionner de celles qui reviennent à fidéliser le client avec les risques que cela comporte.
Appendice
Le soin apporté à son prochain serait incomplet si nous nous arrêtions à ce stade. Lui mettre entre les mains la capacité de rester acteur de sa vie doit compléter le déblocage et la remise en mouvement. Cependant, cette troisième phase, dont j’ai abordé l’existence et le fonctionnement dans l’article "rester sain d’esprit" publié le 13 novembre 2011 dans ces colonnes (++), reposant essentiellement sur le cognitif restera à l’écart du propos sur les standards professionnels qui me semblent devoir s’appuyer sur des dynamiques archaïques de survie de l’espèce et non sur des raisonnements beaucoup plus récents et plus criticables quant à leur capacité à stabiliser l’espèce dans la voie du bonheur.
Sur ce dernier point, il est à noter que la dissonance cognitive est utilisée en développement spirituel. Face à un paradoxe, la pensée ne peut rien, seul un saut cognitif inconscient permet d’en sortir. C’est là un des ingrédients du chemin de l’éveil : de paradoxe en paradoxe, la révélation d’une vérité dépassant le raisonnement s’impose à nous. Les étapes proposées dans ces deux articles ont ainsi leur pendant dans les spiritualités et sagesses. En termes religieux, la première partie correspond à la rencontre de Satan ou la rencontre de ses démons ; la seconde partie correspond à l’entrée en Amour. En termes laïcs, la première partie est le courage d’aller à la rencontre de soi et la seconde le plaisir de la rencontre de l’autre. La première partie est aussi celle de l’ici et maintenant : ce que le système nerveux encode et rien que cela.
Économiste de formation, formé à la lecture et à l’anticipation des évolutions de la conjoncture, Paul-Henri Pion a passé 16 années dans des postes à responsabilité en entreprise. Depuis 2000, il se consacre à la lecture et à l’anticipation des interactions humaines. Il exerce aujourd’hui les thérapies brèves et le coaching stratégique. Sa pratique s’inscrit dans la lignée des travaux du Mental Research Institute de Palo Alto (Californie) et de son Centre de thérapie brève. . |
Paul-Henri Pion est psychopraticien à Courbevoie. « C’est en lâchant prise que vient la maîtrise ». Paul-Henri s’intéresse aux conditions de la performance et du bien-être humains. Sa pratique s’inscrit dans la lignée des travaux du Mental Research Institut dont il a suivi les enseignements. Économiste de formation, certifié en PNL et hypnose éricksonnienne, diplômé en psychologie, il met son expérience au service de votre bien-être.
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