Absorbé à se débattre avec son trouble, le patient perd tout contact avec le plaisir. Ce dernier est pourtant nécessaire à la vie.
« Le matin, quand vous vous préparez, vous imaginez votre journée et, dans cette journée dans laquelle vous vous projetez, vous vous mettez à savourer quelque chose, vous ne savez pas forcément quoi à l’instant, mais vous vous sentez savourer un petit plaisir dans cette journée, et au cours de celle-ci, laissez vous surprendre à saisir un petit plaisir pour vous. »
C’est ainsi que parfois j’invite mon client à commencer à s’intéresser aux plaisirs qui jalonnent le quotidien. Il arrive que je sois plus direct et lui demande : « chaque jour, accordez vous un petit plaisir pour vous, que ce soit en compagnie ou pas, un petit plaisir quotidien aussi simple soit-il » ou sous tout autre forme qu’il me vient en face de lui.
D’autres fois, cette invitation est indirecte : « chaque jour, donnez un petit signe d’attention à votre conjoint. Qu’il le voit ou pas, qu’il le sente, l’entende ou pas, n’a pas d’importance. Une fois par jour, une petite attention envers votre conjoint ». Il peut s’agir du conjoint, d’un enfant, ou d’un collaborateur.
Mais au fait, pourquoi inviter une personne venue pour une psychothérapie à prendre ou à donner du plaisir ?
Parce que le printemps est prêt à entrer dans l’accompagnement.
Au début, lors de la prise en charge, tout va mal. La situation fait réellement souffrir et les solutions essayées se sont avérées inefficaces à enrayer l’aggravation du mal. L’impuissance règne. Une aide extérieure est sollicitée. La durée et la profondeur du trouble amené ont absorbé les ressources de la personne qui vient consulter ; du moins est-ce ainsi que cela se présente dans les cas lourds. Épuisé à lutter contre son mal, le client s’est replié sur lui, soit directement par protection active (le client s’isole pour mieux se prendre en charge), soit indirectement parce que les autres autour de lui s’en sont éloignés. Un client qui a peur du jugement des autres ou de commettre des erreurs va s’effacer et éviter les situations sociales. Un autre qui a peur d’être rejeté va devenir trop gentil et serviable et finira par exploser intempestivement à force de se sentir au service des autres qui lui demandent toujours quelque chose et ne lui donnent jamais rien et finira petit à petit par se les mettre tous à dos. Ces situations peuvent être déclinées à l’infini car les exemples sont nombreux, qu’il s’agisse des troubles alimentaires, phobiques, dépressifs, de couple etc...
Pour peu que le client cherche à contrôler ce qui se passe, alors toutes ses forces deviennent affectées à des tentatives de contrôle de la situation. Tandis que son trouble se développe il est toujours occupé à gérer sa vie en fonction de ses tentatives de contrôle de la situation et ne regarde plus ailleurs. Alors sa surface sociale s’étiole et le plaisir disparaît progressivement de sa vie. Alors, les issues se ferment une à une devant lui et c’est sans horizon autre que parfois l’extrême et l’irréversible qu’il vient frapper à la porte du psychothérapeute. Alors, seul le problème l’habite. Le plaisir lui est devenu étranger. Or le plaisir, c’est le moteur de la vie.
Quand il ne reste que le problème, quand le client arrive envahit par son trouble, seuls ses stabilisateurs naturels sont en route : il se bat avec la peur, avec la douleur, avec la colère et parfois avec un plaisir qui le rend esclave. Un tel vient avec une peur des foules et organise toute sa vie pour éviter le contact avec plus de deux personnes à la fois ; une telle se présente submergée par la perte de son enfant et vit prostrée depuis près d’un an ; tel autre arrive prêt à tout casser autour de lui et va d’arrêt de maladie en arrêt de maladie de peur de justement tout casser autour de lui ; enfin un autre est complètement soumis à un besoin irréfrénable d’avoir des relations sexuelles sans pour autant y trouver du plaisir et n’arrive plus à se sentir bien en société.
Quel que soit le problème, une fois celui-ci installé, tout est mis en oeuvre pour s’en préserver autant que faire se peut. Il n’est plus question de se projeter dans un futur enviable et d’avancer. Seul le présent compte accompagné souvent de la question « pourquoi moi ? ». Parfois même, ce présent est accompagné de son cortège de souvenirs douloureux similaires qui rongent et retournent le couteau dans la plaie à longueur de journée. Le client envahit par son trouble vient gorgé de son passé et incapable de regarder le futur avec envie. Le plaisir l’a quitté. Il est enfermé dans ses sombres pensées et l’hiver s’est installé dans son esprit et son corps.
Ainsi plongé dans sa situation, il est devenu au fil du temps un expert de son problème et de sa lutte contre ce dernier.
L’accompagnement psychothérapeutique qu’il sollicite conduit petit à petit à dissoudre le problème dans quelque chose de plus vaste et à poser les armes. Toutefois les longs mois ou années d’entraînement à vivre avec le problème ne s’effacent pas du jour au lendemain. Ni les habitudes prises, ni la focalisation sur le présent, sur le passé ou sur la noirceur du futur ne s’estompent aisément, quand bien même le trouble ne se manifeste plus.
Le client se retrouve souvent gauche une fois sorti de son ornière : la belle énergie qu’il consommait à gérer son trouble devient disponible et a perdu son objet. Dans les cas les plus légers, il la réoriente naturellement vers la construction d’un présent destiné à créer un futur nouveau, cependant que dans les cas lourds, il est comme en panne, immobile, comme étonné de n’avoir plus mal tout en ne sachant pas où aller. Alors, c’est au psychothérapeute d’éclairer la lanterne qui lui permettra de s’orienter. C’est à ce moment là qu’il est fait appel au principe de plaisir trop longtemps endormi.
Une jeune femme soucieuse de contrôler tout au point de surveiller chaque aliment qu’elle ingurgite a perdu tout plaisir de la nourriture. Or c’est bien ce plaisir qui nous permet de survivre. Le plaisir naturel de bons repas partagés est un levier pour la sortir de son piège. Un mari constamment en lutte pour garder une place dans son foyer a perdu tout plaisir à recevoir une caresse et à donner un signe d’affection. Or c’est bien aussi ce plaisir qui nous permet de survivre. Une fois apaisé de sa colère et son désarroi, il lui faudra réapprendre le chemin de la tendresse dans son couple. Et il en va ainsi de suite.
Le plaisir est l’aiguille de la boussole que la vie tend au client libéré de ses contraintes. Parfois, le psychothérapeute est là pour donner la légère impulsion qui ébranlera et mettra en route. Alors, de séances en séances, il sera veillé à ce que le client reprenne goût à la vie, c’est à dire retrouve la capacité de savourer les instants qu’il traverse. Tout se passe comme si il n’osait plus discriminer ce qui lui est favorable de ce qui lui est défavorable. « Chat échaudé craint l’eau froide » dit le dicton. « Client blessé craint la sérénité » pourrait-on dire à notre tour.
Après avoir fait un long détour au fin fond de son trouble, le client revient à la vie ambiante et doit en réapprendre les usages et les saveurs. Le psychothérapeute est là pour l’accompagner sur ce chemin, en l’aidant à redécouvrir qu’il peut prendre du plaisir, qu’il peut faire confiance à cette dynamique de vie et s’y laisser aller. Quand il sort de l’hiver dans lequel son trouble l’a jeté, il lui faut aussi sortir de son engourdissement et les premiers pas sont hésitants. La tentation est parfois forte de retourner en arrière se blottir dans le connu, aussi douloureux soit-il. « ...et chaque jour, vous vous accordez un petit plaisir » l’accompagne et lui permet d’expérimenter les voies oubliées qui le ramènent à la vie. Il s’étonne de s’être accordé un plaisir sans l’avoir prémédité. Il découvre que ce qu’il pensait être plaisant s’avère être contraignant. Il s’émerveille d’avoir pu composer avec d’autres personnes, lui qui était devenu si farouche. Il reprend son chemin.
Le plaisir est le moteur qui nous anime. Faisons en un allié de nos accompagnements et de nos clients.
Après 16 années passées dans des postes à responsabilité en entreprise,
Paul-Henri Pion s’est investi dans les métiers de la relation et de l’accompagnement de la personne. Il exerce aujourd’hui comme psychothérapeute. Sa pratique s’inscrit dans la lignée des travaux du Mental Research Institute de Palo Alto (Californie) et de son Centre de thérapie brève.
Paul-Henri Pion est psychopraticien à Courbevoie. « C’est en lâchant prise que vient la maîtrise ». Paul-Henri s’intéresse aux conditions de la performance et du bien-être humains. Sa pratique s’inscrit dans la lignée des travaux du Mental Research Institut dont il a suivi les enseignements. Économiste de formation, certifié en PNL et hypnose éricksonnienne, diplômé en psychologie, il met son expérience au service de votre bien-être.
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