« Lâche-prise ! » « Mais lâche donc prise ! ». Que de fois cela m’est-il rapporté dans mon cabinet ! Et à chaque fois ma réponse reste la même : « surtout, continuez, ne changez rien, lâcher prise ne se décrète pas comme cela ». En effet, se libérer des boucles comportementales douloureuses pour soi ou devenues insupportables pour autrui nécessite quelques précautions.
Car si quelqu’un s’avère avoir besoin de lâcher prise, c’est qu’il s’accroche et qu’il a une bonne raison à cela : l’expérience lui a appris que ce qu’il fait a été gagnant. C’était cependant dans un contexte particulier… qui n’est plus celui qui prévaut.
Quand le besoin de lâcher-prise devient-il criant ? La dynamique qui y conduit se décrit comme suit.
La socialisation du petit être que nous sommes tous un jour conduit à réprimer des appétits particuliers inadaptés au contexte dans lequel nous grandissons. Il s’agit de se conformer aux conventions socialement admises par notre groupe d’appartenance dont la structure minimale est la cellule familiale.
Ainsi, certains apprennent à « dire merci à la dame », d’autres « à taper le premier » et d’autres encore à contrôler leurs tremblements, voire que travailler équivaut à faire des efforts sans obtenir de résultat. Ce ne sont là que quelques exemples caricaturaux. Ces apprentissages sont liés à la fois aux injonctions des adultes qui nous entourent ou encadrent et surtout à la façon dont nous obtenons le regard bienveillant, de notre point de vue, de ceux qui nous nourrissent ou protègent.
Plus tard, ces apprentissages devenus des acquis, l’un aura des difficultés à s’affirmer, iel sera « trop gentil », l’autre se retiendra de donner de l’espace à ses contreparties et manquera d’information pour agir avec pertinence. Enfin, le troisième nourrira un stress chronique qui l’épuisera. Il s’agit toujours là de voies caricaturales possibles.
Car un piège nous guette : si les expériences de vie ne favorisent pas l’élargissement de nos réponses adaptatives, alors nous finissons par généraliser des réponses limitées apprises dans des contextes spécifiques à des contextes nouveaux et fort différents avec à la clé un massif « ça ne marche pas » en retour. Par ailleurs, certains contextes rappelant ceux qui prévalaient lors de notre socialisation initiale, le « naturel » revient au galop et, c’est plus fort que nous, nous refaisons ce que nous avons appris dans ce contexte ancien proche de ce que nous apprécions être le contexte présent, alors que ce nouveau contexte appelle une réponse différente de celle intégrée antérieurement.
Faute d’autre corde à son arc, le retour « ça ne marche pas » conduit à refaire ce que l’on sait faire et qui est notre seule option. La situation se radicalise alors et le cercle infernal se referme : « plus nous faisons la même chose, plus nous obtenons le même résultat ». La nécessité de lâcher prise s’impose du point de vue de ceux qui nous côtoient et la souffrance s’installe petit à petit chez celui qui s’obstine dans des attitudes et pratiques acquis dans d’autres contextes ou époques.
Il est bien évident, à ce stade d’urgence, qu’abandonner ce qui nous a permis de nous socialiser, c’est à dire à exister, devient impossible même si persister à l’exprimer revient à creuser sa tombe. Lâcher-prise, aussi nécessaire soit-il, est impossible ; s’accrocher est vital, c’est d’ailleurs ce qui nous a permis d’arriver jusque là, alors comment l’abandonner ?
Enjoindre à son prochain de lâcher prise est ainsi anxiogène et pourrait même paraître sadique puisque ce dernier ne peut s’y conformer. Conséquence : plus nous entendons « lâcher-prise » moins nous pouvons nous libérer de ce qui nourrit cette demande.
« Lâche prise ! » est comme « aime moi ! » ou « soit spontané ! », voué à l’échec, la nature ne se commande pas. S’il est enjoint de « lâcher-prise », c’est que nous nous accrochons pour de bonnes raisons à ce qui nous met en souffrance et nous subissons, malgré nous, notre propre dynamique. Lâcher-prise est ainsi indissociable de redevenir acteur de sa vie.
Cependant, nous nous accrochons aux conditions réussies de notre socialisation auprès de ceux qui nous ont nourris ou protégés. Parallèlement, nous avons appris à nos dépends que laisser aller notre spontanéité peut revenir en boomerang douloureusement. Nous devons donc nous contrôler. Or nombreux d’entre nous ont intégré que contrôler équivaut à « empêcher », ce qui est aussi voué à l’échec : vouloir ne pas faire quelque chose alors que la nature et en particulier notre cerveau ignorent la négation conduit à la faire encore plus.
Puisque s’accrocher, conduit à subir et s’opposer aggrave la situation, lâcher prise revient à devenir acteur de sa vie en composant avec le contexte : facile à dire ; plus délicat à mettre en œuvre ; il va s’agir de jouer sur les conditions de sa survenance.
Composer avec le contexte nécessite de repérer « comment composer » puis d’interagir de façon pertinente. Les fonctions cognitives et émotionnelles sont ainsi mobilisées, les unes pour décrypter les conditions prévalentes, les autres pour construire une interaction pertinente. Les capacités de traitement de l’information et d’adaptation interactionnelle sont ainsi au cœur du lâcher prise. Or leur disponibilité dépend directement de l’état de nos fonctions végétatives : c’est un legs de l’évolution et de l’ordre dans lequel elle s’est déroulée.
« La colère est mauvaise conseillère » est une illustration de la dépendance de la cognition envers l’émotion. « Porter des souliers serrés pour oublier ses soucis » met en évidence la cascade du physiologique au cognitif. La sagesse populaire sait tout cela depuis longtemps.
Aujourd’hui, dans une société très structurée et qui plus est en proie à une pandémie qui limite nos déplacements et relations, lâcher-prise nécessite de remonter plus globalement aux conditions premières de notre capacité d’adaptation : la qualité de notre physiologie.
Les conditions sanitaires actuelles réduisent le recours spontané à nos fonctions motrices, notre accès au grand air ou encore la présence stimulante d’autrui. Dans ces conditions, décider de prendre le chemin du lâcher-prise a toutes les chances d’aboutir à un échec démoralisant s’il s’agit juste de s’appliquer quelques recettes tirées des conseils d’autrui. Les conseilleurs ne sont pas les payeurs, c’est bien connu. Est-ce le moment de s’imposer cela ?
Cela met en évidence que lâcher prise est une vaste dynamique à notre service, une hygiène de vie qui part de la santé physique pour aboutir à considérer les situations sous divers aspects simultanément tout en cultivant une capacité d’interaction variée.
Lâcher prise diffère d’une quelconque forme d’acceptation. C’est un processus qui relève de l’accueil de ce qui advient et construit dessus. Il vise à transformer les contraintes ressenties en ressources vivantes. Il ne connaît aucun jugement, il se contente de répondre à la question « est-ce que cela rapproche du vivre ensemble durablement et allège la souffrance ressentie ? ».
Outre les multiples exercices cognitifs et émotionnels susceptibles d’y conduire et repris dans des ouvrages comme « 50 exercices pour lâcher prise » [1] dont c’est le 11ème tirage cette année, il nécessite de se libérer des stress posturaux et nutritionnels qui nous minent silencieusement dans un contexte à température régulée. « À l’origine était le verbe », peut s’entendre comme « à l’origine était le souffle, l’élan vital ». Or l’un des principaux fléaux de la sédentarité dénoncé depuis de nombreuses décennies est la piètre qualité de la respiration.
Réapprendre à respirer induit des modifications posturales, la cage thoracique et la cavité abdominale sont mobilisées, et des modifications nutritionnelles, la combustion des aliments se faisant plus complètement.
Lâcher-prise s’apparente ainsi aux démarches spirituelles en ce qu’il commence par réapprendre à respirer et à se libérer de ses stress invalidants. Il met en jeu aussi tout un ensemble de modes d’interactions et de pensées tournés vers la variété et l’adaptabilité à l’imprévisible.
En cela, lâcher-prise est une hygiène de vie qui permet de se faire authentiquement confiance au-delà de nos conditionnements sociaux.
Paul-Henri Pion est psychopraticien à Courbevoie. « C’est en lâchant prise que vient la maîtrise ». Paul-Henri s’intéresse aux conditions de la performance et du bien-être humains. Sa pratique s’inscrit dans la lignée des travaux du Mental Research Institut dont il a suivi les enseignements. Économiste de formation, certifié en PNL et hypnose éricksonnienne, diplômé en psychologie, il met son expérience au service de votre bien-être.
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