Que ce soit par soucis du secret professionnel ou par l’utilisation d’une langue obscure, ce que le thérapeute fait en séance reste difficile d’accès au commun des mortels. Aujourd’hui, le patient, le public, les autorités de tutelle, et les praticiens d’autres écoles doivent pouvoir avoir accès à ce qui se passe dans l’entretien psychothérapeutique. Sans entrer dans les débats théoriques et de façon purement descriptive, les lignes qui suivent ouvrent une série d’articles (un par mois de novembre à février) destinés à éclairer le lecteur sur ce qu’il pourrait rencontrer lors d’un accompagnement psychothérapeutique mené selon le modèle d’intervention de la Thérapie Brève.
Le thérapeute, en Thérapie Brève [1], adopte une attitude double face à son client. De ce double positionnement naît la dynamique de la thérapie. Le mouvement vers le signal de fin attendu du client en découle et permet autonomisation et responsabilisation face au trouble objet de l’accompagnement.
La Thérapie Brève se distingue par la construction volontaire, structurée et directive des conditions de la « guérison ». Ceci implique pour le thérapeute un double positionnement. Chargé de mettre son client en mouvement vers un nouvel équilibre exempt des problèmes visés par la thérapie, le thérapeute prend une position basse quant au contenu déposé par son client. Garant du cadre et de la dynamique de la thérapie, il adopte une position haute face à son client.
Pour le thérapeute, les symptômes, c’est à dire la souffrance ou les dysfonctionnements pour lesquels il est consulté, sont les reflets d’un trouble de l’adaptation [2]. À la base, un ou plusieurs processus adaptatifs sont concernés. Le contexte de vie du client joue donc un rôle primordial.
Le contexte de vie du client s’entend au sens large. Il englobe l’environnement physique, l’entourage et les pensées. Ce sont donc les relations avec le monde et les êtres vivants avec lesquels le client est en lien qui sont prises en compte. Les pensées, en particulier celles qui s’imposent à lui en font aussi partie.
Le thérapeute se focalise sur les interactions auxquelles participe son client plutôt qu’à son fonctionnement intra-psychique. Il s’intéresse aux séquences de vie répétitives dans lesquelles se manifestent les « symptômes » : elles oeuvrent comme une ornière dans laquelle le patient est tombé et n’arrive pas à sortir. Plus il essaie de s’en extraire, plus il s’y maintient, voire s’y enfonce. Que ce soit avec l’aide de son entourage ou par lui-même, il est en échec. Rien ne bouge. La situation se présente comme un équilibre désagréable. Le client est maintenu malgré lui dans cette situation.
Le client tente de changer d’équilibre en vain. Le thérapeute va l’y aider ; pas n’importe comment. Par l’introduction d’une différence ciblée dans les séquences dysfonctionnelles, le thérapeute vise à déstabiliser l’équilibre en place et à conduire ainsi à la disparition de la souffrance ou des troubles dénoncés par le patient ou son entourage.
En effet, l’équilibre du client se présente comme un cercle vicieux qui semble tourner de façon autonome par rapport à sa volonté. Cet enchaînement circulaire suit une logique de forte cohérence. Le thérapeute lit cette cohérence. Le client la connaît souvent ; son entourage en a parfois conscience. Malgré cela, elle se maintient.
Mettre fin à une cohérence de plusieurs années ne s’invente pas. Construire une nouvelle cohérence respectueuse du client ne s’improvise pas. Le thérapeute suit une démarche logique rigoureuse qui lui permet de créer une passerelle entre deux équilibres.
Le client participe activement. Il fournit tout le matériel utilisé pour construire. Le thérapeute indique la façon de l’ordonnancer. Le client bâtit. C’est là le principe de responsabilisation. Il existe différentes manières d’agencer le matériel disponible. Le client est maître de la réalisation.
Le client avance tout en construisant. C’est ainsi qu’il lui arrive de traverser la passerelle sans s’en rendre compte. Le thérapeute doit alors lui faire toucher du doigt son chemin. Le client passe ainsi de la compétence inconsciente à la compétence consciente. Il est à même, dans le futur, de transposer et transférer son savoir faire. Il s’agit du principe d’autonomisation.
La capacité du thérapeute à accompagner son client d’une rive à l’autre, en sécurité et dans un temps réduit, est donc déterminante.
Résumons :
le thérapeute comprend le cercle vicieux,
il en déduit la dynamique à donner à la thérapie,
il conduit son client hors du cercle vicieux
le matériel à sa disposition appartient au client
Pour dénouer l’indénouable, le thérapeute s’implique activement. Défaire la cohérence qui enferme le client nécessite de sa part une cohérence au moins aussi forte. Pour tenir le cap de cette cohérence, il lui faut instaurer un cadre rigoureux. Sa capacité à l’instaurer et le maintenir tout au long de la thérapie est une des conditions nécessaires au bon déroulement de celle-ci. Alors, son client pourra faire franchir les étapes une à une.
Cependant une logique se défait par une logique de niveau supérieur, capable de lire la première logique et de « piéger » celle-ci. Cette méta-logique n’est efficace que pour autant qu’elle est déroulée avec précision. Son efficience dépendra de la minutie de son déroulement.
Le thérapeute, pour livrer le service pour lequel son client le consulte doit donc être le garant indéfectible du déroulement de la méta-logique. Il doit s’assurer tout au long de la thérapie que le cap est correct et le maintenir.
Cette position très haute sur le cadre et la finesse du déroulé logique qu’il doit mettre en oeuvre l’exposent à une hyperfocalisation sur la voie qu’il a choisie. Il risque de ne pas prendre en compte des éléments amenés par son client et utiles, soit parce qu’ils permettraient d’affiner la trajectoire, soit parce qu’il lui faut abandonner la direction prise. C’est en particulier le cas quand le cercle vicieux s’arrête de tourner : la logique prévalente à l’origine n’est plus d’actualité, une nouvelle logique prend place. Le thérapeute doit savoir adapter sa méta-logique.
La compréhension des séquences « pathogènes » conduit à construire l’intervention. Si une erreur se glisse, au lieu de dénouer le cercle vicieux, le thérapeute risque de favoriser son existence voire de l’alimenter. Sa vigilance doit donc être très fine. Sa capacité d’adaptation doit être rapide.
C’est à l’intérieur du discours du client que sont logés les signes de l’efficacité des stratégies mises en oeuvre par le thérapeute. Toutefois, ce monde est étranger au thérapeute. Le thérapeute doit donc faire preuve d’une grande humilité et rester à l’écoute de ce que son client lui dépose.
C’est donc avec beaucoup de curiosité et d’attention qu’il écoute son histoire. Le matériel disponible pour construire une issue est là.
En acceptant pleinement le contenu de ce qui lui est apporté, le thérapeute peut se concentrer sur la logique « pathogène ».
Pour cela, il lui faut se mouler au discours du client, entrer sans réserve dans son monde. L’intervention est construite à l’intérieur de cet espace et respecte l’intégralité du décor. C’est aussi pour lui une façon de se faire accepter.
Cette position basse sur ce que dépose le client favorise la créativité du thérapeute et la relation thérapeutique. L’utilisation du matériel apporté par le client crée un climat de confiance. C’est grâce à celui-ci que le thérapeute peut poursuivre dans une voie ou l’infléchir, voire y renoncer, toujours en compagnie de son client. Sinon ce dernier est tenté d’abandonner à la première occasion.
Cette double position, haute sur le cadre, basse sur le contenu favorise la dynamique de la thérapie.
De séance en séance des progrès doivent apparaître. Des signes que la logique prévalente se dénoue sont là. Ils se repèrent dans des nouveautés impensables antérieurement. Tel client constate qu’il ne tient plus à ses rituels, tel autre prend conscience que cela fait plusieurs jours qu’il se réveille sans la boule qui habite sa poitrine d’habitude.
Le thérapeute veille à ce que le système, précédemment figé, devienne dynamique. Cette mobilité montre que le système se rompt. Les échanges en séance sont faits pour créer une différence et collecter l’expression de cette différence dans la vie du client. Ils visent à débloquer la logique « pathogène » dans laquelle le client est englué. Puis ils visent à le désengluer et enfin à l’habituer à vivre sans cette logique.
Pas à pas, le thérapeute s’assure du changement et le guide.
En validant étape par étape que la logique du client est bien celle repérée, il peut poursuivre dans sa stratégie. Grâce à cette vigilance, il peut constater toute modification de la logique du client. Il peut valider si, une fois la demande initiale du client satisfaite, la nouvelle situation est celle attendue par son client. Souvent il découvre que son client a une demande complémentaire. La thérapie est gigogne. Il lui faut dénouer niveau par niveau plusieurs cercles vicieux.
Tous les clients ne livrent pas un tableau dans lequel le thérapeute lit aisément. Parfois, ils livrent un état des lieux écran susceptible de dérouter le thérapeute.
Dans ces derniers cas, la thérapie prend la forme d’une succession de thérapies. Pour chacune la logique est décodée, une méta-logique est construite, l’intervention se moule au monde du patient, la méta-logique est déployée. Puis la logique suivante est décodée, une nouvelle méta-logique est construite etc ...
Enfin, le thérapeute met fin à la thérapie. Selon le cas, il formalise cette dernière étape concrètement avec son client ou lui en donne l’initiative.
De la prise en charge à la fin de la thérapie, le thérapeute impulse une dynamique logique et cohérente. Sa position forte sur le cadre lui permet de la dérouler. Sa position humble sur le contenu, donne au client la faculté de l’accompagner.
Après 16 années passées dans des postes à responsabilité en entreprise, Paul-Henri Pion s’est investi dans les métiers de la relation et de l’accompagnement de la personne. Il exerce aujourd’hui comme psychothérapeute. Sa pratique s’inscrit dans la lignée des travaux du Mental Research Institute de Palo Alto (Californie) et de son Centre de thérapie brève.
[1] Thérapie Brève ou Thérapie Systémique et Stratégique Brève (TSSB) au sens du modèle d’intervention de Palo Alto
[2] Voir article « le fil conducteur du thérapeute en Thérapie Brève »
Paul-Henri Pion est psychopraticien à Courbevoie. « C’est en lâchant prise que vient la maîtrise ». Paul-Henri s’intéresse aux conditions de la performance et du bien-être humains. Sa pratique s’inscrit dans la lignée des travaux du Mental Research Institut dont il a suivi les enseignements. Économiste de formation, certifié en PNL et hypnose éricksonnienne, diplômé en psychologie, il met son expérience au service de votre bien-être.
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