Nous examinons, ici, les perturbations, voire les dégâts graves dans la structure du Moi des fils d’un père narcissique. Ces dégâts sont de deux ordres : d’une part, l’absence de certains éléments nécessaires à l’individuation, d’autre part divers traumatismes dans la construction du narcissisme de base, élément psychologique vital, indispensable à la bonne conduite de son existence.
1. L’une des opérations nécessaires dans la structuration du Moi se comprend comme la séparation-individuation.
Par analogie, on peut dire que le petit humain ne se construit qu’à condition d’être autorisé, stimulé et aidé dans de nombreuses et indispensables séparations, souvent douloureuses. L’ovule que j’étais dans l’ovaire de ma mère s’y trouvait déjà lors de sa naissance. Il m’a fallu quitter son ovaire. M’étant implanté dans son utérus, j’ai dû quitter celui-ci lors de ma naissance.
Ma croissance n’a pu s’accomplir que par une succession de séparations : j’ai appris à prendre en main la cuillère, à la mettre en bouche, à mâcher les aliments solides, autant de mises à distance de la "bulle commune" établie avec ma maman.
La suite de chacune de ces séparations à l’individuation : à chaque séparation correspond un ajout structurel, aboutissant à l’accomplissement de la complétude du Moi.
Les fils de père narcissique n’arrivent souvent pas à opérer une complète séparation/individuation face à leur père. Parmi les conséquences de ce manque se trouve notamment la propension à entretenir des relations de l’un des types fusionnels. Ceci les enferme dans des circuits relationnels contre-productifs, souvent douloureux. La cause en est, à l’origine, l’absence d’amour oblatif de la part du père à l’égard de son fils, et le fait que ce père s’est vécu très dépendant du rayonnement de son fils.
En effet, le père narcissique entretient une ambivalence continuelle dans son rapport avec son fils. Celui-ci se trouve pris en tenaille dans une contrainte contradictoire.
D’une part, le père, qui se sent très insuffisant, derrière sa façade très supérieure, arrogante, et, de ce fait, il considère son fils comme une simple prolongation de son propre Moi, et cherche à s’en approprier les mérites, les victoires. Rappelons-nous ce père qui, dès le matin, à son travail, se promène partout en brandissant le diplôme de docteur en médecine que son fils vient d’obtenir, en se pointant la poitrine et en disant : "Regardez, c’est ça, MON fils, oui, c’est MON fils !" Ce fils ne représentait véritablement donc, pour lui, qu’un prolongement de son propre Moi.
D’autre part, ce père entretient des rapports interpersonnels essentiellement comparatifs/compétitifs. Et son fils perçoit bien qu’à la fois, ses mérites propres "regonflent" le narcissisme pathologique de son père, mais qu’en même temps, ses succès blessent son père, au lieu de lui susciter une joie pour son fils. Un petit indice de cette perversion du rapport père/fils : le père déclare "Je suis fier de toi." Et il dit donc clairement qu’il s’approprie, dans sa fierté propre, les mérites de son fils.
Le père narcissique manque ainsi à donner à son fils la pleine autorisation de se définir comme entièrement extérieur à lui, complet, et complètement séparé.
2. Un élément présent chez ces hommes : une forme d’inhibition, particulièrement dans les actions et accomplissements, mais aussi dans leur image de soi et dans leur estime de soi.
Manifestant souvent des hésitations, et des souffrances liées à la prise de décision d’action, ils entretiennent une double peur : celle de ne pas réussir suffisamment, ou de façon insuffisamment glorieuse, et la peur précisément de réussir, et surtout de réussir brillamment, comme si leur réussite constituerait une menace dangereuse.
3. Absence basique de la confiance en soi.
Ils ont construit leur univers social en omettant de s’y mettre au centre. Dans leur représentation des Cercles Concentriques de l’Humanité (Notion développée par Barbara MUELLER, dans le début des années ’80. Elle invitait ses patients à dessiner des 1 cercles concentriques, et à y placer toute l’humanité, en fonction de la proximité ou de l’importance, pour eux, de ces personnes. Bien des personnes névrotiques omettent de se situer dans le cercle central), ils ne se mettent pas dans le cercle numéro 1, et même, bien souvent, omettent même complètement de s’y situer où que ce soit.
Ceci entrave considérablement la construction de leur Moi relationnel, social et professionnel. L’on peut s’attendre à ce qu’ils répondent par une déflection à toute question concernant leurs opinions, les raisons de leurs choix, de leurs actions, par exemple avec l’une ou l’autre phrase du type "Oh, mais je n’en sais rien / je n’en pense rien, on m’a dit de faire comme ça." À une question du type "Pourquoi aimes-tu ton épouse ?" il pourrait répondre que c’est elle qui avait insisté pour qu’il se marie avec elle.
4. Leurs doutes se manifestent dans divers domaines :
Pour aller plus loin, voici deux videos sur le sujet (en anglais)
CEPSI, s.a. (Centre d’Études Psychologiques des Systèmes Interpersonnels, anciennement l’Atelier Transactionnel).
Salomon Nasielski est psychologue, psychothérapeute en pratique privée, formateur de psychothérapeutes. Salomon a été un des pionniers de l’AT en Europe.
Il a acquis des formations approfondies dans les Quatre Écoles classiques de l’Analyse Transactionnelle, auprès de leurs formateurs, à l’occasion de nombreux stages résidentiels.
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