Qu’allez-vous faire au fur et à mesure de cette journée pour construire et avancer vers ce qui compte vraiment ?
Face à un problème, vous vous mobilisez et souvent cela fonctionne. Vous résolvez le problème et l’apaisement peut alors faire place à la tension.
Tension et relâchement se succèdent dans un enchevêtrement bien orchestré.
Cependant, dans certaines circonstances vos efforts restent vains.
Malgré vos tentatives, les pensées, les réactions, les sensations et les émotions reviennent sans cesse. Et vous luttez encore et encore. Le problème semble s’en aller…un temps…avant de poindre à l’horizon, à nouveau.
Dès lors, quel chemin allez vous emprunter en sachant que de nombreux paramètres et stimuli échappent et échapperont à votre contrôle : des événements, d’autres personnes, vos émotions, vos pensées,… :
• Allez-vous essayer de les faire disparaitre ?
• Allez-vous vous essayer de les contrôler malgré tout ?
Faites-vous souvent ce type de démarche : contrôler ce qui vous échappe ?
C’est parfois comme essayer de contenir du sable dans sa main : plus on serre fort et plus le sable s’échappe.
Avez-vous parfois l’impression de repasser en boucle le même mauvais film ? Encore et encore… Vous aimeriez changer le scénario, mettre une fin plus heureuse mais la même trame reste et se reproduit parfois en boucle dans votre tête.
Avez-vous le sentiment que dans des circonstances similaires vous refaites les mêmes choses pour obtenir les mêmes résultats ? Et même quand vous savez que cela ne fonctionne pas, vous le refaites encore…
Si oui, rassurez-vous c’est normal, c’est ce que nous faisons tous : tenter résoudre ce qui pose problème. Réagir face à ce que nous jugeons illogique, injuste, incohérent,…
Notre cerveau fonctionne comme une tour de contrôle qui « scanne » en permanence notre environnement externe et interne à la recherche de potentiels problèmes. Et s’il en détecte un, il met de l’énergie à disposition pour tenter de le résoudre. Et ainsi de suite inlassablement.
Alors, observez au quotidien combien de problèmes vous résolvez.
Combien vous échappent. Combien de temps vous passez dans vos pensées à résoudre des problèmes passés, futurs ou liés à des comportements d’autres personnes.
Puis posez-vous la question : qu’est-ce que je désire VRAIMENT faire de ma vie ?
ET….en route,…vers les valeurs.
Changer la relation…
« Ce sont les tentatives de solution pour résoudre le problème qui en fait le maintiennent. La solution mise en oeuvre devient le vrai problème » (Giorgio Nardone )
Plutôt que lutter inutilement nous pouvons proposer aux gens de changer la relation qu’ils ont avec leurs expériences internes.
Ces éléments sont et resteront (peut-être) présents. Ils ont ou ont eu une fonction. Ne perdons pas notre temps à “tenter” de les éliminer (lorsque cette solution ne fonctionne pas), apprenons à « être pleinement présent à ce qui est, pour se consacrer à ce qui est important et sous notre contrôle“
Cette démarche différente nous libère de cette lutte chronophage et énergivore. Elle redonne de la liberté et du choix pour mettre en place des actions qui vont dans le sens des valeurs.
…Pour développer notre flexibilité psychologique ?
« Pendant longtemps, il me semblait que la vie allait commencer, la Vrai Vie. Mais il y avait toujours des obstacles le long du chemin, une épreuve à traverser, un travail à terminer, un temps à donner, une dette à payer... puis la vie commencerait. J’ai enfin compris que les obstacles étaient la vie. »
(Alfred De Souza)
La flexibilité psychologique est la capacité à initier dans sa vie des actions importantes même lorsque nous sommes en contact avec des expériences internes difficiles.
Améliorer sa flexibilité psychologique est un apprentissage progressif que nous pouvons réaliser au quotidien au contact de ses difficultés et de sa souffrance.
La flexibilité pourrait se définir comme :
« Etre le plus possible pleinement en contact avec le moment présent en tant qu’être humain conscient. Accomplir cela en se basant sur les informations présentes dans le contexte, tout en modifiant ou en renforçant un comportement au service des valeurs librement choisies.
Cette même flexibilité psychologique aborde l’importance de vivre en accord avec nos valeurs dans une perspective d’ouverture, d’accueil et d’acceptation de notre histoire personnelle telle qu’elle s’exprime dans le moment présent. Cette attitude permettra plus d’affirmation de soi, de confiance et d’actions basées sur les valeurs de vie » (Steve Hayes, fondateur de l’ACT)
Pour la développer, il existe au sein de l’Hexaflex (thérapie d’acceptation et d’engagement) 6 processus :
La défusion - L’acceptation - l’instant présent - les sois - les valeurs - les actions engagées.
Le présent article sera centré sur les valeurs, telles qu’elles sont définies en thérapie d’acceptation et d’engagement.
…et prendre la route des valeurs
En développant la flexibilité psychologique, nous pourrons « perdre » moins de temps à tenter désespérément de faire disparaître les pensées, le passé, le futur, les émotions que nous ne désirons pas.
Nous pourrons réengager notre attention, notre énergie sur ce qui compte vraiment pour nous.
Ce qui nous dérange ne disparaîtra pas pour toujours. Nous aurons toujours des difficultés à résoudre, des évènements auxquels il faudra faire face, nous serons encore parcouru de phénomènes internes déplaisants.
Toutefois, nous aurons, en cours de route, appris à distinguer ceux sur lesquels nous avons du contrôle et ceux qui nous échappent vraiment.
En parallèle, nous pourront développer notre capacité à vivre à leur contact lorsque cela s’avère nécessaire.
Cela nous permettra de pouvoir nous diriger vers la construction d’une vie qui a du sens pour nous.
Au centre de cela, tels des balises, trônent les valeurs : ce qui compte réellement et vraiment pour nous.
Et dans un tel contexte, « Ne vous demandez pas ce dont le monde a besoin mais ce qui vous éveille à la vie. Puis faites-le. Car ce dont le monde a besoin c’est d’êtres qui s’éveillent à la vie »
Harold Withman
Dans “Découvrir un sens à sa vie avec la logothérapie”, Victor Frankl, psychiatre autrichien, aborde les valeurs en nous relatant le récit de sa vie en tant que prisonnier à Auschwitchz. Au sein de l’horreur, il avait, avec l’aide d’un de ses camarades échafaudé un plan d’évasion.
La veille du grand départ il rendît un dernière visite aux malades entreposés dans les baraques de fortune de l’hôpital qu’il avait lui même bâti et développé. Au chevet de ces mourants atteints de typhus, Frankl fit le choix de renoncer à son échappatoire pour rester et s’investir dans ce qu’il jugeait une valeur fondamentale à ses yeux : aider et soigner son prochain quoiqu’il puisse en coûter.
Dans son livre, Frankl décrit, dans le désarroi des manques en tout genre, le sentiment de liberté qui l’envahit à ce moment.
Il en ressort qu’à tout moment nous pouvons prendre la décision de d’octroyer du sens à nos actions, de « valuer » (du terme anglais valuing) même au sein d’évènements de vie les plus extrêmes ou les plus atroces.
Valeurs comme valeurs morales ?
Les valeurs sont définies par les sphères de vie significatives (relationnelle, professionnelle, personnelle, etc.) du client.
Elles sont semblables à l’aiguille d’une boussole, elles fournissent une direction aux actions engagées.
« Les valeurs (values en anglais) sont des qualités intentionnelles (tournées vers l’action) qui regroupent une série de moments dans un chemin significatif »(Hayes et Smith 2005)
Nous retrouvons également dans la littérature une définition plus technique des valeurs :
« Une classe spéciale de renforçateurs qui sont des patterns d’activité verbalement construits, dynamiques et en construction permanente, dont le renforçateur prédominant est le pattern de comportement valorisé » (Wilson, Sandoz, Kitchens & Roberts, 2008).
En y regardant de plus près, nous pouvons retirer un certains nombre d’éléments et d’informations importantes de ces deux propositions.
Les principaux points pratiques qui ressortent de ces définitions sont :
Il est donc important que les valeurs soient librement choisies. Elles ne correspondent pas à ce que « vous pensez devoir faire », mais ce que vous voulez défendre. vraiment, profondément et intensément.
La première étape dans un accompagnement pourrait se concrétiser dans une clarification des valeurs, de sorte que les patients seront au clair non seulement dans ce qu’ils choisissent de valoriser, mais aussi sur leur façon de les manifester et les mettre en action à la maison et au travail.
La clarification des valeurs peut alors nous aider à être plus disposé et impliqué à mettre en place ce qui compte, même si cette action nous met en contact avec des pensées et des émotions inconfortables.
S’approcher jour après jour, instant après instant un peu plus d’« Un jour nous allons tous mourir, Snoopy. Oui, mais tous les autres jours nous allons vivre » (Sagesse (ou pas) Snoopienne).
David Vandenbosch est psychologue, formateur, conférencier en ACT et en Mindfulness, Membre fondateur et ex-trésorier de l’AFSCC.