Nous tenons à vous avertir qu’aucune pensée anxieuse reprise dans cet article n’a subi d’action dégradante, de torture ou tout autre traitement mettant en péril son intégrité. Elles sont en parfaite santé et continue librement à s’immiscer dans votre univers mental.
Avez-vous souvent l’impression d’être poursuivis ou dépassés par des émotions que vous vivez comme négatives ? Constatez-vous que certaines pensées problématiques voire intolérables vont et viennent indéfiniment ? Avez-vous l’impression de lutter souvent ou sans arrêt contre une impression diffuse ou une constatation déclarée d’anxiété ? Tous ces combats, ces allers-retours vous prennent-ils un temps important de votre journée ?
Si ces phrases résonnent en vous, c’est que vous êtes quotidiennement amenés à gérer une réalité imparfaite et remplie d’imprévus. Les outils présentés seront pour vous une possibilité de développer une plus grande flexibilité.
Si ces mots façonnent votre quotidien, si la lutte contre vos peurs, vos doutes, vos frustrations, votre culpabilité est prépondérante voire omniprésente au point de mettre la vraie vie de côté, les lignes qui vont suivre peuvent vous intéresser.
Et si ce n’était pas uniquement les pensées ou les émotions qui rendaient la vie plus difficile ?
Et si une partie de nos souffrances prenait sa source dans de nombreuses tentatives infructueuses d’évitement ? |
Pour commencer, attardons nous sur les deux points suivant :
Maintenant fermez les yeux, enclenchez le Timer, mécanique ou électronique, et pendant une minute, ne pensez surtout pas à un éléphant rose.
Peut-etre avez-vous réussi à ne pas y penser en oubliant les consignes ou en pensant à tout autre chose et bravo ! Cependant, auriez-vous pu en parallèle vous occuper d’une tâche nécessitant une certaine concentration ? Réaliser un rapport, surveiller votre enfant et jouer avec lui, débattre sur un sujet professionnel très pointu,… ? |
Bien souvent, on constate que les tentatives pour éviter un vécu psychologique douloureux entrainent une diminution du répertoire comportemental dans une situation donnée.
En effet, pour contrôler ses émotions et ses pensées il faut consacrer une énergie importante souvent au détriment d’autres activités. Cette entreprise est à long terme vouée à l’échec car la pensée est comme un boomerang : plus on essaie de la lancer loin, plus elle revient fort.
Qu’avons-nous comme alternative ? Vous trouverez quelques pistes dans les lignes qui suivent… :
Accepter ne signifie pas ne rien faire mais présenter « une curiosité détachée comme celle que peut avoir un enfant pour un insecte enfermé dans un bocal ». (Steve Hayes, 1997)
Accepter c’est rechercher activement à observer ce qui inquiète, ce qui effraie.
Accepter, c’est repérer les vécus psychologiques problématiques, les analyser, prendre de la distance et agir.
Pour ressentir, vivre, imaginer ce concept, parcourez attentivement la métaphore suivante :
« Imaginez que votre lutte contre vos idées les plus effrayantes et vos émotions les plus délétères soient comme un jeu de tir à la corde contre un monstre. Vous êtes avec lui de part et d’autre d’un trou et mettez toute votre énergie pour ne pas tomber dedans et laisser le monstre gagner. Quelques fois vous gagnez et récoltez un moment de tranquillité. Parfois vous perdez et la lutte n’en est que plus ardue. Pendant que vous tirez à la corde et que vous consacrez tout ce temps à ces efforts tellement importants, la vie, votre vie, continue et vous laisse temporairement sur le bas-côté. Et si votre but n’était pas de gagner ce combat sans fin ? Et si vous lâchiez simplement la corde ? Mais si je lâche la corde…me direz-vous. LACHEZ cette corde et expérimentez : « 100% des gagnants ont tenté leur chance » |
Le but de la démarche est d’augmenter la flexibilité par rapport au langage. Cette technique accroit la diversité des comportements mis en place au contact de pensées difficiles ou rigides ; elle encourage la mise au placard des tactiques verbales pour résoudre des problèmes créés par le langage.
A travers cette méthode on vise à déjouer les pièges de la résolution de problème, c’est-à–dire une tendance naturelle à vouloir résoudre avec la pensée les problèmes produits par la pensée.
Par cette stratégie, nous créons un débat interne, auto-entretenu et sans fin, aux intervenants illimités.
Une belle métaphore, un juste exercice valent mieux que mille conseils théoriques…
« Avec des si et des mais… »
Ce premier exercice a pour but de changer la relation d’opposition établi par le langage entre des vécus psychologiques et des actions. Par exemple, certains patients disent « J’aimerais tellement retrouver un travail mais je n’ai aucune confiance en moi. »
Il est possible de reformuler cette même phrase en remplaçant le mais par un « et ». Ce qui devient « J’aimerais tellement retrouver un travail et je n’ai aucune confiance en moi » |
Le but est ici de conscientiser le patient sur le caractère arbitraire (langagier) de la barrière et non physique même si souvent, elle est ressentie comme telle.
Le « mais » amène à concevoir comme impossible toute action tant que la confiance n’est pas là. Le « et » permet lui de franchir le cap même avec une confiance en soi déficitaire.
« Dites-le avec une voix différente ou en chantant »
Il permet de modifier la structure d’une pensée et faciliter une mise à distance par rapport à son contenu. Si une pensée telle que « je suis trop déprimé pour sortir » rend la vie plus compliquée et l’évolution plus difficile, une infinité de solutions s’offre à vous.
Vous pouvez exprimer cette même pensée en imitant la voix d’un personnage de dessin animé. Souvent cet exercice permet d’entrevoir le contenu de sa pensée beaucoup moins sérieusement. Le but n’est donc pas de ridiculiser la pensée mais de mettre la personne dans un contexte de plus grande légèreté. Les variations sont infinies. Vous pouvez utiliser un accent étranger, y placer un air musical, les dire avec une voix plus aigue, ralentir le rythme ou au contraire l’accélérer. |
Imaginez que vous êtes assis au volant d’un bus infini avec comme passagers vos émotions, vos pensées, vos souvenirs. Parmi les usagers vous en appréciez certains et en détestez d’autres. Certains sont calmes et résignés, assis au milieu, silencieux. D’autres sont proches, effrayants et crient les directions qu’elles veulent prendre. « Ne te rends pas à l’entretien d’embauche, de toute façon c’est perdu d’avance ! » ; « Il vaut mieux que je reste dans mon lit, je me sens trop déprimé ! » ; « Reste à l’intérieur, c’est trop dangereux de sortir »
Il nous arrive d’écouter leurs invectives et leurs indications croyant qu’elles ont le pouvoir de nous obliger par leur menace à changer notre itinéraire. Mais au final, qui conduit ? Si les passagers ont le pouvoir de faire du bruit, de vous engueuler, de vous faire peur… ils n’ont pas celui de tourner le volant. On peut donc petit à petit choisir de les laisser crier tout en maintenant le cap sur ce qui est vraiment important pour nous.Au final, La seule chose qui peut vous empêcher d’avancer est qu’on vous coupe les jambes.
Et souvenez-vous du dicton suivant : la vie apporte davantage aux gens qui profitent le plus de ce que la vie apporte. » (HARRIS R, pp260)
David Vandenbosch et Noémie Ackerman
David Vandenbosch est psychologue, formateur, conférencier en ACT et en Mindfulness, Membre fondateur et ex-trésorier de l’AFSCC.