Qui parmi nous n’a jamais ressenti ce doux émoi, ces papillons dans le ventre, ces perturbations que l’on ressent lorsqu’on tombe amoureux.
Dans l’art d’aimer, Erich Fromm [1] soutient que l’amour est un art qu’on doit apprendre et pratiquer.
Lorsqu’il est immature l’amour consiste en un état de dépendance émotionnelle entre deux individus.
Lorsqu’il atteint sa maturité, l’amour est alors caractérisé par un esprit de responsabilité, de prise en charge, de respect et de connaissance de l’être aimé.
Les amoureux sont alors capables de préserver leur individualité et leur intégrité.
Être amoureux, c’est se mettre en état de vulnérabilité, baisser sa garde et s’ouvrir à quelqu’un d’autre. Cela nous expose à la possibilité d’être blessé car l’amour et la peine sont aussi liés qu’un couple de danseurs.
Avez-vous déjà vécu une situation amoureuse totalement dépourvue de perturbations, de difficultés ou de peines ?
Nous sommes abreuvés depuis notre plus tendre enfance par des contes de fées où l’amour apparait comme magnifique et éternel.
Prenons ensemble un instant pour examiner la phrase classique qui clôture ces histoires : « Et ils se marièrent, furent heureux et eurent beaucoup d’enfants ».
On ne nous renseigne pas sur le manque de sommeil, la gestion au quotidien d’une famille nombreuse, les moments où madame a des migraines, les soirées foot de monsieur desquelles il rentre toujours avec cette agréable odeur de bistrot, s’affalant dans le lit conjugal et abondant de ronflements...
À force de nous faire croire à ces mythes, nous arrivons dans nos sociétés actuelles à un résultat inverse et interpellant : 50% de divorces !
« Il est facile et rapide de tomber amoureux, le vrai défi c’est de le rester »
Examinons ensemble quelques vérités qui semblent absolues au sein de notre société moderne sous l’angle de l’ACT (thérapie d’acceptation et d’engagement) [2].
Êtes-vous encore à l’instar de Pénélope entrain de faire et défaire votre ouvrage en attendant que votre hypothétique Ulysse revienne de sa longue épopée ?
Croyez-vous qu’il existe quelque part dans ce monde attablé à une terrasse un être parfait qui vous attend ?
Êtes-vous persuadé qu’un jour une personne vous prendra par la main et que vous danserez ensemble sans difficultés ni obstacles pour le restant de vos jours ?
Si oui, peut-être ne savez vous pas qu’il y a un homme dans le costume de Casimir ou êtes-vous encore convaincu que celui qui mange la carotte durant la nuit de Noël est l’âne.
Il n’existe ni partenaire ni couple parfait, il n’y a que deux sortes de couples : ceux qui ont une relation merveilleuse et ceux que nous connaissons bien.
On vous propose ici de laisser de côté ces pensées de perfection profondément ancrées au sujet du couple parfait et d’examiner le comportement que votre partenaire devrait avoir pour être le meilleur au monde.
On vous propose également de prendre conscience de tous les jugements que vous avez à son égard ainsi que de l’ensemble de vos pensées négatives.
Prenez un moment pour observer l’effet de ceux-ci lorsque vous les laissez prendre le commandement.
Votre relation est-elle plus riche ou au contraire s’amenuise-t-elle ?
L’amour c’est mettre ensemble deux personnes qui ont des pensées et des sentiments différents, des attentes distinctes au sujet des choses de la vie.
Vouloir gommer ces divergences ne mènerait qu’à la frustration et à la déception.
Pour y faire face, il sera nécessaire de déployer une bonne communication, une capacité de négociation et surtout apprendre à « écouter » et à accepter les différences de l’autre :
« Il est important que j’apprenne à être d’accord avec le fait que l’autre ne soit pas d’accord ».
Je tiens à partager avec vous une vérité importante : « Vous êtes né complet ».
Mais votre esprit aime vous jouer des tours et accompli ce pourquoi il a été conçu : « porter un jugement autocritique ».
Ce fonctionnement a permis et permet encore à notre espèce de survivre. En interrogeant votre comportement, il rend possible un ajustement continuel à une certaine norme groupale.
En d’autres temps, être exclu du groupe était l’équivalent d’une mort certaine.
Votre cerveau vous prévient en permanence d’un potentiel danger dans l’optique de vous maintenir en vie.
Dès lors, lorsqu’il vous dit que sans l’autre la vie est difficile voire impossible, il ne fait que son travail de protection. Il vous bassinera en permanence à propos des manques, des doutes et de l’indécision que vous vivez au quotidien.
Cependant si vous êtes prêt à ne pas écouter tout ce qu’il vous raconte et à vous considérer comme un être entier et complet (même sans la présence de l’autre), vous pourrez développer une relation saine et épanouie avec votre partenaire.
Ce sentiment vous permettra de conserver une certaine indépendance, de rester fidèle à vous même, de vous affirmer, de refuser et même de demander ce dont vous avez besoin sans craindre le rejet et l’abandon.
Par contre, si vous choisissez de vous accrocher à cette pensée (que vous êtes incomplet sans l’autre) vous risquez de vous comporter comme une personne exigeante, dépendante et incapable de rester seule.
Qu’est ce que l’amour ?
La majorité des gens répondent à cela en disant que c’est un ensemble d’émotions agréables, de sensations positives qui vous font pousser des ailes...
Si vous pensez que l’amour est une émotion, dès lors l’amour ne peut être éternel car les émotions vont et viennent comme les nuages dans le ciel.
Bien entendu durant la période de lune de miel, au début d’une relation (entre 6 et 18 mois), les sentiments sont plus constants et les fluctuations moindres. Les partenaires se conduisent l’un envers l’autre et se perçoivent comme s’ils avaient consommé des psychotropes.
Pour certains, la fin de cette période sonne le glas de leur couple. C’est justement ici que se situe le « danger » d’une vue monolithique de l’amour.
Imaginons maintenant que l’amour est une action.
Nous l’avons vu, les sentiments amoureux vont et viennent au grès et au vent des humeurs et des caprices.
Lorsqu’on fait cette distinction essentielle, on peut poser un acte d’amour même lorsque nous sommes traversés par une émotion dite négative comme la colère.
Pour y arriver il faut s’ouvrir et laisser de la place à vos émotions sans les laisser vous envahir, cesser de penser que vous avez raison, qu’il/elle a tort ou que vous détenez la vérité.
Ensuite, reconnectez-vous aux valeurs importantes au sein de votre couple et posez un acte engagé.
Être capable de poser un acte d’amour même et surtout lorsque tout en nous nous pousse dans une direction contraire procure un réel sentiment de liberté.
« Cessez de croire que l’amour est éternel, agissez ! »
A la lecture des lignes précédentes, vous vous dites peut-être que je suis particulièrement malheureux et que je ne crois plus en l’amour.
Vous vous demandez probablement si cela vaut la peine de s’investir ?
N’oubliez jamais : « Ne vous fiez à aucune pensée, vérifiez ! »
Dans cette optique, j’ai un exercice à vous proposer :
Prenez une feuille de papier et écrivez dessus tous les mots et phrases que vous vous assenez lorsque vous êtes dans une phase de basse estime de vous-même (jugements négatifs sur soi).
Faites de même sur le verso de cette feuille, en notant les mots que vous vous racontez lorsque votre estime de soi remonte suite à des événements internes ou externes (jugements positifs sur soi).
Centrez votre attention sur le côté « basse estime ».
Tous ce que vous voyez maintenant ce sont les jugements négatifs que vous portez sur vous-même.
Dans l’ACT, on dit que vous avez fusionnez avec votre basse estime de soi.
Prenez cette feuille en main et placez là devant vos yeux.
Dans cette position, que constatez-vous ?
En effet, votre champ de vision rétrécit. On ne voit rien d’autre que ces jugements.
Ressentez-vous une quelconque connexion, un engagement à l’égard de votre compagne ou compagnon ?
Trouvez-vous cela bénéfique à une relation riche et pleine de sens ?
Ne ressentez-vous pas une déconnexion ?
Tout en tenant cette feuille devant les yeux, levez-vous et parcourez une distance dans laquelle se trouvent certains obstacles (chaises, table, etc.).
Comme moi, vous aurez du mal à éviter avec certitude les objets qui jonchent votre parcours.
Et si vous teniez cette feuille en tendant les bras, vous allez constater que votre champ de vision s’élargit, vous verrez les obstacles et les gens qui vous entourent.
L’objectif de cet exercice est de laisser de côté toutes ces pensées et de reconnecter son attention à l’instant présent ainsi qu’à ses valeurs importantes.
Lorsque vous accordez toute votre attention à votre partenaire (ou à vous-même), ce que vous avez écrit sur le papier n’a plus aucune importance (quelque soit le côté de la feuille).
Tous ces mots et phrases ne sont que des « étiquettes » qui changent d’un moment à l’autre : un jour elles se trouvent du côté positif, l’autre du côté négatif...
En lieu et place de dépenser votre énergie à lutter contre ces pensées ou la gaspiller pour les éviter, vous avez la possibilité d’utiliser cette ressource pour vous centrer sur l’instant présent.
Faites une pause, et observez votre esprit qui vagabonde, qui raconte ses belles histoires et vous noie avec ses blabla...prenez un peu de recul et vivez simplement vos valeurs intensément.
Nous vous proposons de lâcher la maîtrise de vos émotions et de vous focaliser sur la réalisation de vos actions parce qu’il est facile et rapide de tomber amoureux, le défi c’est de le rester.
Que désirez-vous que l’on retienne de vous : « A vécu et a fluctué au sein du couple en fonction de son estime ? »
Ou que vous avez compté dans leurs vies et que malgré vos humeurs, vous vous êtes engagé le plus possible dans la relation.
Quel acte engagé allez-vous poser, aujourd’hui, pour entrer tout entier [3] dans l’ACTion ?
David Vandenbosch, Zied Ben Soltana et Noémie Ackerman
[1] Erich Fromm - L’art d’aimer - Editeur Desclée De Brouwer - 2007
[2] Russ Harris - L’amour engagé, Améliorez votre relation amoureuse grâce à la thérapie ACT - Editions de l’homme - Montréal 2010.
[3] Corps, esprit et émotions.
David Vandenbosch est psychologue, formateur, conférencier en ACT et en Mindfulness, Membre fondateur et ex-trésorier de l’AFSCC.