L’article ci-dessous fait le point sur la loi votée en 2014 qui a été abrogée en 2016. Depuis, de nombreux professionnels s’opposent à cette nouvelle vision du métier de psychothérapeute. Plus d’infos sur le site www.alter-psy.org
La loi concernant la psychothérapie en Belgique a été votée à la Chambre le 30 janvier 2014. Elle encadre l’usage du titre de psychothérapeute et l’exercice de la psychothérapie. C’est à la fois une bonne nouvelle et un sujet de questionnement pour beaucoup de praticiens en exercice.
Sur Mieux-Etre, nous défendons depuis longtemps l’idée que le secteur de la relation d’aide et de l’accompagnement est d’une richesse exceptionnelle et d’une utilité évidente pour le public qui mérite que soient valorisées la qualité, la diversité et la complémentarité des différents métiers.
La Belgique restait l’un des pays d’Europe où n’importe qui pouvait s’intituler psychothérapeute sans formation particulière. C’était au détriment évident du public mais aussi des associations professionnelles, des écoles et des thérapeutes qui souhaitent que le métier soit pratiqué selon des critères et des qualifications spécifiques.
Il était donc inéluctable que la Belgique légifère à son tour.
Le texte voté est l’aboutissement d’un énorme travail réalisé, notamment, par la Plate-forme des Professionnels de Santé Mentale et l’Association Belge de Psychothérapie pendant plus de 10 ans en collaboration avec des parlementaires soucieux de proposer un texte cohérent, ouvert et conscient des enjeux.
La reconnaissance d’un métier spécifique, distinct des autres professions de santé mentale et la reconnaissance de la diversité des approches et des parcours de formations y occupaient une place centrale.
Cette nouvelle loi semble aller dans ce sens et nous ne pouvons que saluer le travail accompli. Il est néanmoins à espérer que sa mise en place concrètes ira dans le sens de son intention.
C’est une loi cadre qui concerne les métiers de la santé mentale et plus particulièrement le titre et la pratique de psychologue clinicien et ceux de psychothérapeute.
Ces deux métiers sont définis comme distincts et autonomes.
Pour ce qui est de la psychothérapie, la loi dit ce qu’elle est, précise les critères de formation et le cadre général d’habilitation à pratiquer.
Elle entrera en vigueur au plus tard le 1er septembre 2016.
A cette date, les critères pour obtenir une habilitation seront, à minima :
D’ici-là, un Conseil Fédéral de la Psychothérapie sera créé. Il aura notamment pour tâche de préciser les mesures transitoires pour les thérapeutes en activités.
Mesures transitoires.
En attendant la mise en place de ce Conseil, les psychothérapeutes en exercice devraient pouvoir déterminer s’ils répondent, s’approchent ou s’éloignent du cadre en comparant leur parcours avec les critères définis dans la loi.
Ceux qui en sont très éloignés en ne correspondent aux critères ni par leur formation de base, ni par leurs formations spécifiques à la psychothérapie, ni par leur pratique professionnelle devraient envisager dès maintenant une réorientation professionnelle.
Ceux dont le parcours correspond ou s’approche du texte devraient, le moment venu et éventuellement soutenu par les associations professionnelles, pouvoir défendre un dossier auprès de l’administration qui sera chargée d’attribuer les habilitations à pratiquer la psychothérapie.
Le texte complet de la loi est accessible sur le site de la Chambre. Les articles concernant la psychothérapie sont détaillés à partir de l’article 30. Texte complet sur le site de la Chambre |
Texte complet au format PDF | Extraits colligés par Michel Delbrouck (merci à lui !) au format Word |
Les critères d’habilitation suscitent de très nombreuses questions parmi les professionnels en activités et les élèves en cours de formation.
Comment et quelles écoles seront reconnues ? Comment seront valorisés les parcours personnels ?
Jusqu’ici, et depuis leurs origines, les psychothérapies et les formations à leurs pratiques se sont développées en dehors des institutions académiques dans un creuset foisonnant de créativité, de recherches et d’innovations issues très souvent de la pratique de terrain.
Dans la suite de la loi, si les écoles habilitées à dispenser des formations devaient être radicalement limitées en nombre et être résumées aux seules Universités ou Hautes Ecoles nous assisterions de toute évidence à un appauvrissement d’un champ d’exploration jusque là particulièrement fertile.
La richesse encore actuelle des approches, des théories, des formations et des pratiques est souvent le fait de professionnels de terrain issus d’horizons très variés. Ces derniers, après des parcours personnels parfois très éloignés du secteur, après un travail de découverte d’eux-mêmes, après avoir suivi de multiples formations, sont devenus des enseignants ou des praticiens chevronnés qui participent à proposer une offre d’accompagnement de grande qualité.
Les empêcher de travailler reviendrait à couper une source essentielle d’avancées et de développement du secteur et donc de l’aide possible pour un public aux demandes multiples et variées.
La nouvelle loi constitue inévitablement un tournant et les réponses concrètes qui seront apportées aux questions actuelles serviront, ou non, à poursuivre dans la voie qui prédominait jusqu’ici tout en écartant les professionnels trop peu formés. |
Dans la loi, la psychothérapie est définie comme (..) « l’accomplissement d’actes autonomes ayant pour but d’éliminer ou d’alléger les difficultés, les conflits ou les troubles psychiques » (..).
Cette définition est assez large et ouverte. Il convient peut-être de préciser la nature et les degrés d’intensité et de sévérité des « difficultés, conflits et troubles ».
De très nombreux psychothérapeutes travaillent en privé hors du système institutionnel (centres de santé mentale, hôpitaux,..). Ils ne s’adressent généralement pas à un public souffrant de pathologies qui relèvent de la psychiatrie ou d’un encadrement multidisciplinaires.
La grande majorité du public qui les consulte est en demande d’accompagnement et d’aide lors de changements de vie, de questionnements existentiels, de difficultés relationnelles, de besoin de revisiter un passé douloureux pour avancer plus librement dans la vie, ..
Bref, des personnes généralement « normales » qui, parfois et ponctuellement, traversent des épisodes de grande fragilité psychologique avec des souffrances parfois particulièrement douloureuses liées à leurs expériences de vie.
Ces souffrances, si elles sont bien réelles ne nécessitent cependant pas d’intervention médicale ou institutionnelle mais un accompagnement personnalisé et sérieux qui demande du temps, un cadre particulier, une relation sécurisante et de confiance avec un praticien capable d’accueillir, soutenir et aider celui ou celle qui se dépose et se dévoile, ..
On y soutien d’avantage la santé mentale qu’on y traite la maladie mentale.
Cela justifie une formation spécifique conséquente et une supervision permanente.
Les pathologies mentales importantes ou les troubles sévères demandent un accompagnement particulier, pluridisciplinaire, médical ou paramédical, voire hospitalier et il importe que le professionnel soit capable de discernement. Il doit être formé à pouvoir distinguer ceux qu’il peut accompagner en pratique privée lors de sessions espacées dans le temps, de ceux qui demandent un encadrement plus important et différent.
Il n’est pas rare non plus que la demande en consultation privée s’oriente aussi vers « être plus soi », optimiser ses compétences, mieux se connaître, …
C’est ici que le flou peut exister entre les différents intervenants tels que psychologue clinicien, coachs, psychothérapeute, praticiens de développement personnel ou de bien-être.
Affaire de degrés encore, et de limites.
La plus grande confusion existe dans l’esprit du public. Tant sur les différences entre les titres de psychologues, coachs, psychothérapeutes, psychiatres qu’entre les pratiques elles mêmes.
Cela n’a rien d’étonnant quand certains professionnels eux-mêmes entretiennent la confusion, ou ne font pas la différence, ou ne veulent pas la faire. .
Le public voudrait savoir qui fait quoi, les professionnels devraient pouvoir dire à quelles demandes ils répondent.
La confusion vient aussi des outils communs utilisés par les différents praticiens. De plus en plus de praticiens utilisent des outils et des techniques variées empruntées à d’autres écoles que leur école de base. C’est assurément une bonne chose mais l’utilisation de mêmes outils ne signifie pas que le travail est identique. Affaire de degrés encore et de contexte. |
Dans ce contexte de consultations privées, quelles sont les pratiques qui seront considérées comme relevant de la psychothérapie dans un secteur où se côtoient et se confondent souvent psychothérapie, coaching, et développement personnel ?
Ces différents métiers reposent sur des postulats communs. Il y en a au moins quatre :
Premièrement, la personne est considérée dans sa globalité et sa singularité. Cela signifie que la demande ou le symptôme est replacé à la fois dans un contexte large et individualisé qui permet de mieux comprendre le sens du message et d’identifier le changement qui correspondra le mieux à l’écologie interne de la personne.??
Le second postulat consiste à faire confiance dans les ressources naturelles et personnelles. C’est un présupposé commun aux approches de mieux-être, une position philosophique et politique plus qu’une réalité scientifique. L’inconscient est considéré comme un allié positif qui dispose des ressources utiles à notre évolution et notre épanouissement. C’est en étant à l’écoute de ces ressources et dans la manière dont nous y portons attention que réside une bonne part de la guérison. Le travail d’accompagnement consiste à découvrir ces ressources et à les stimuler.
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Ensuite, ces pratiques invitent à se responsabiliser et à se prendre en charge soi-même de façon plus lucide et plus active. Ces approches nous conduisent à prendre conscience de nos comportements et de leur influence sur notre vie et notre santé. Elles nous guident vers une meilleure sensibilité, à devenir acteur et non spectateur.
La capacité du client/patient à prendre de la distance, à porter un regard sur lui-même, à se dissocier de sa difficulté est l’indice majeur, le point cardinal de l’efficacité de l’accompagnement. C’est l’évaluation de cette capacité par le thérapeute qui doit lui permettre de déterminer s’il peut ou non apporter son aide.
Enfin, les pratiques se veulent complémentaires. Aucune technique, aucun professionnel ne pourra répondre à tous nos besoins. Ces derniers sont d’ordre médical, relationnel, psychologique, spirituel, environnemental et c’est précisément là la richesse des nombreuses techniques proposées. Elles tentent de répondre de manière complémentaire à nos questions légitimes de mieux-être. Non pas en découpant nos vies mais en abordant différents aspects de celles-ci.
C’est dans la compréhension, le développement et l’affirmation de cette complémentarité que réside le réel intérêt de la nouvelle loi. Comme un signal à tous les professionnels du secteur afin de permettre au public de choisir en conscience le chemin le plus utile à son épanouissement.
La nouvelle loi est peut-être l’opportunité de mieux définir les métiers et ce serait tout bénéfice pour le public et les professionnels. Il revient aux professionnels d’apprendre à découvrir ces différents métiers avec respect et ouverture, de reconnaître avec humilité leurs limites, de développer le travail collaboratif en réseaux, sans craintes, sans hiérarchie et sans corporatisme, de poursuivre leur formation et leur remise en question. Il leur revient de clarifier leur pratique, leur champ d’intervention, leurs critères de compétences et de le partager. |
Depuis plus de 20 ans, la vocation de Mieux-Etre.org est de présenter au public les professionnels qui adhèrent à cette philosophie, de permettre une réflexion transversale et pluridisciplinaire et de diffuser des informations sur l’ensemble de ce secteur avec nuance, ouverture et rigueur.
Nous continuerons aussi à valoriser la précieuse et utile complémentarité des métiers du mieux-être en encourageant et en stimulant les rencontres entres les professionnels.
De nombreux thérapeutes ont été surpris par le vote de la loi. C’est peut-être un choc salutaire qui devrait leur rappeler l’importance du lien avec leurs confrères.
La qualité du lien est au centre de la pratique de la psychothérapie, du coaching et du développement personnel. En prenant soin de la qualité de leurs propres liens avec la communauté de leurs collègues et confrères, les professionnels pourront s’assurer une pratique saine, humaine et compétente de leur métier.
C’est aussi par ce lien, ce partage collaboratif en réseaux, que les praticiens de terrain dessinent et ensemencent le paysage de l’offre d’aide et d’accompagnement qui pourra continuer à être particulièrement riche, utile et de qualité pour le public.
Sinon, d’autres s’en chargeront. Avec d’autres intérêts peut-être.
Benoît Dumont est psychothérapeute à Bruxelles - Uccle (également consultations en ligne). Il est titulaire du Certificat Européen de Psychothérapie (CEP) délivré par l’Association Européenne de Psychothérapie (AEP), il est membre de l’Association Belge de Psychothérapie (ABP/BVP) et membre fondateur du collectif Alter-Psy.
Il est aussi le responsable éditorial de Mieux-Etre.org
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