Au commencement était la fusion, le confondu, l’indiscernable ; ovocyte sans genre poussé par des cils dans des conduits, spermatozoïdes nageant dans une frénétique survie. Le cercle et la flèche originelle agissante au plus profond de l’intime de la rencontre les mêmes gestes que leurs porteurs originels. Puis progressivement le genre s’organise, la construction prend parti pour devenir féminine ou masculine à partir des mêmes « accessoires » la génitalité naît, se différencie. Ce qui marque le début des choses influe toujours, sur la suite des choses, nous savons bien que la proéminence pénienne et la vacuité vaginale ne suffisent pas pour faire un homme et une femme. La construction psychique, la modélisation passent par une séparation originelle et une appropriation de l’identité. L’individu un jour se proclame de l’intérieur plutôt d’un côté ou de l’autre et se voit confirmé dans son choix par ses pairs.
Aujourd’hui de telles différences nécessaires sont minorées quand elles ne sont pas simplement disqualifiées, comme sans aucune signification. C’est confondre le droit de choisir sa sexualité avec la nécessité de se positionner.
La fécondité naît de la rencontre de la différence, de même l’amour ne peut exister sans cette rencontre de l’étranger à soi-même. Comme un boomerang qui a besoin d’atteindre sa cible sans quoi il revient sans cesse à son origine ; L’humain a besoin de sortir d’une auto-érotisation de lui-même afin de sortir de l’égocentrisme et rencontrer la fécondité de l’altérité.
L’art remplit cette fonction de triage où les artistes vont apporter leurs propres ambivalences et soubresauts, les exprimer dans un magma créatif sur lequel le spectateur peut prendre appui, trouver un alphabet pour sa propre élaboration. Le « qui suis-je ? » est toujours suivi de « pour rencontrer qui ? » viendra ensuite « pour faire quoi ? »
De l’angoissante question « il y a quoi au commencement ? » une réponse s’impose d’elle même : « Il y a la séparation ! ». Séparation originelle vitale des deux gamètes sans quoi la rencontre n’est pas possible, séparation de l’enfant de sa mère sans quoi tous deux entrent dans la mort, séparation des sexes sans quoi l’amour revient au similaire et doit accepter la stérilité. Renoncer à transmettre n’engage pas que soi-même c’est aussi refuser l’Eternité qui est patrimoine collectif.
Le danger qui nous guette n’est pas l’intolérance ou l’homophobie mais la banalisation qui gommerait la différence et plongerait l’humanité dans un « tous pareils, tous similaires » où le narcissisme deviendrait la mesure étalon nous entraînant dans une stérilité fatidique. Puissions-nous accepter avec créativité des pratiques sexuelles multiples et variées comme autant de saveurs personnelles et individuelles sans tomber dans la tentation d’en faire les normes d’un ordre nouveau.
© François PAUL-CAVALLIER
François Paul-Cavallier est formateur en psychologie et auteur de nombreux ouvrages sur la psychothérapie et le développement personnel.
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