L’imagerie mentale est une expression que d’emblée il faudrait réfuter. Le mot image renvoit inévitablement au champs du visuel et seuls les individus qui privilégient ce canal de perception auront des "images" visuelles qui se présenteront dans leur mental. Les autres selon qu’ils sont auditifs, kinesthésiques, olfactifs ou gustatifs auront des "images" correspondant à ces canaux. Il serait plus juste de parler de "traces sensorielles" ou de "représentations sensorielles" car ces "images" sont constituées d’éléments sensoriels associés à un contexte émotionnel vécu dans le passé. L’abréaction est un élément de base des approches d’imagerie mentale.
Il n’est pas possible de déterminer la filiation de ces approches tant leurs origines semblent communes. La suggestion pour induire les "images" était déjà utilisée par les Grecs, Platon nous en parle dans le dialogue de Charmide. Plus tard nous verrons apparaître l’hypnose, mot qui signifie sommeil, où l’opérateur donnera d’une manière très directive des injonctions à son client en état de somnambulisme. Pour les médecins auxquels cette relation ouvertement déclarée de pouvoir sur le client fait peur, il sera inventé pour la suggestion et l’hypnose un mot nouveau : la sophrologie.
Voyons ce qui constitue le fond commun des approches d’imagerie mentale :
La relation entre l’opérateur et son client, est le préalable à la relation thérapeutique. C’est aussi ce que l’on appelle au sens large le transfert, en ce sens que chaque fois qu’un individu rencontre un autre individu, la relation qui s’établit est le fruit de l’ensemble des relations antérieures analogues, vécues depuis sa conception. Le sens et l’issue que l’individu leur a donnés colorent la relation présente.
La suggestion, c’est la capacité de faire vivre à un individu des pensées et des sentiments similaires à ceux que nous avons nous-même conçus. G. Batteson dit que l’on ne peut pas ne pas communiquer ; rester en silence c’est dire que l’on ne veut rien dire. De la même manière nous pouvons affirmer qu’on ne peut pas ne pas influencer. Dans la relation il y a inévitablement transfert sous forme d’échange entre les deux tenant du lien. L’intensité et la qualité de ce qui est échangé dépendront du type de relation établie. S. Freud dit que l’hypnose est simplement l’utilisation du transfert.
Les perceptions et le vécu sensoriel réactivés forment le premier rang de mailles de la construction du Moi. C’est sur cette base de données que s’appuient les approches d’imagerie mentale en tentant d’y associer des affects allant vers la croissance. La décontamination des perceptions négatives ou aliénantes accumulées dans l’enfance et le passé du client est un passage obligé avant de les remplacer par des expériences réparatrices qui permettront alors d’associer des affects positifs à ces perceptions. Qui dit perception parle du corps. Ce corps, les approches d’imagerie mentale tenteront de "l’ouvrir" par la relaxation pour qu’il laisse s’épancher l’angoisse : quand cela sera atteint la suggestion réparatrice sera glissée.
Ces trois ingrédients de base que sont : la relation, la suggestion et les perceptions vont être assaisonnés avec des nuances et des différences minimes selon les approches. Toutes les utilisent mais chacune donne une dominante plus ou moins grande à chacun de ces ingrédients. S’il existe des centaines de recettes de soupes aux légumes elles contiennent toutes du liquide (généralement de l’eau ou un autre liquide qui en contient) des légumes qui peuvent varier selon les saisons et un certain niveau de cuisson qui va de la crudité (gaspacho) à la cuisson prolongée (la potée). Cet aparté culinaire pour insister sur le fait que toutes ces approches ont des points communs qui les lient alors même que les praticiens qui les utilisent font de véritables gesticulations intellectuelles pour montrer leurs différences. Le fait est que le succès de l’une par rapport à l’autre réside peut-être dans l’adhésion massive à celle-là par opposition à telle autre.
La famille des approches thérapeutiques d’imagerie mentale est large leurs succès incontestables ne résident pas tant dans leur spécificité mais dans l’adéquation de leurs procédures à la structure psychologique du client et dans l’aisance que le praticien trouvera dans la mise en pratique de l’une ou l’autre.
Les ressources de guérison sont véritablement chez le client, l’art du praticien sera de les éveiller pour que le client les mette en œuvre. Il est quand même des différences importantes qu’il faut pointer à l’intérieur des approches d’imagerie mentale. Certaines proposent voire imposent des images au client "vous sentez le chaud, vous êtes sur une plage, vous voyez votre père sortir de la mer ! " alors que d’autres laissent des options totalement ouvertes qui permettent au client de remplir l’écran "d’images" lui appartenant en propre "laissez-vous aller dans un lieu qui vous convient, ce lieu peut être réel ou imaginaire, laissez-vous voir, entendre, sentir ce qui vous entoure, ce qui se passe…"
Certaines approches favoriseront des suggestions corporelles selon une méthode bien précise comme le Training Autogène, la méthode Vittoz ou la Sophrologie Dynamique d’autres seront plus axées sur la mise en œuvre de comportements comme la Programmation Neuro-Liguistique, l’Hypnose Clinique. D’autres laisseront le client totalement libre de ce qu’il veut imaginer et laisseront de côté le contenu pour se centrer sur le processus mental quitte à prendre du temps à l’intérieur de la séance thérapeutique pour analyser le contenu.
Les approches d’imagerie mentale demandent peut-être plus de précautions d’emploi que les méthodes analytiques car l’acte thérapeutique que les opérateurs le reconnaissent ou non, se passe toujours dans une situation de transe plus ou moins profonde où la perméabilité du client le rend réceptif non seulement aux suggestions de son thérapeute mais aussi aux émanations inconscientes de ce dernier. Là encore l’exigence éthique et déontologique demandera au psychothérapeute utilisant l’imagerie mentale une psychothérapie approfondie pour connaître et traiter ses propres zones d’ombre afin qu’elles ne risquent pas d’être transmises au client.
Les approches très directives font appel à l’adaptation. Elles tendent vers des résultats rapides mais superficiels, plus la démarche est directive plus la passivité prend le pas sur la responsabilisation du client. Il y a une tendance à entrer dans la dépendance vis à vis du thérapeute ou de la démarche comme si les solutions et les ressources se situaient à l’extérieur du client et qu’il n’avait lui-même aucun moyen pour participer à sa guérison. Cette passivité va parfois à l’encontre de l’autonomie qui devrait être l’objectif de toute psychothérapie individuelle.
Il peut y avoir avec de telles approches, si elles constituent l’essentiel de la thérapie, le risque de ne traiter que les symptômes en superficie sans jamais atteindre les causes qui sont à leur origine. La personne renforce alors son système de résistance et s’éloigne de l’autonomie qu’elle recherche. Mis à part ces aspects qui appellent à une grande vigilance les approches de suggestion et d’hypnose directive ne doivent pas être rejetées en bloc ; il s’agit de les utiliser ponctuellement dans un cadre thérapeutique qui réserve un large espace à l’analyse et la prise de conscience responsable du client.
La dernière décennie a vu s’élaborer des approches d’imagerie mentale qui laissent au client toute la liberté de fouiller son imaginaire avec peu de suggestions extérieures venant du thérapeute. Certaines approches n’utilisent aucune suggestion venant du thérapeute. Nous pouvons citer le rêve éveillé qui se situe au carrefour de la psychanalyse et de la visualisation. L’hypnose éricksonienne est basée sur l’utilisation de la métaphore elle permet au client de puiser ce qui est approprié, compte tenu de son stade d’évolution, dans sa thérapie. La métaphore transmet plus un processus qu’un contenu directif. La relaxation favorise l’émergence des impasses et des conflits internes sans y apporter de réponse au cours de la démarche proprement dite laissant toutes les possibilités d’analyse ou d’élaboration par ailleurs. Parmi les approches non directives prônant la coopération et la responsabilisation du client se trouve la Visualisation - Symbolisation. Elle emprunte aux méthodes de suggestion la transe hypnotique pour atteindre un niveau de perméabilité avec l’inconscient afin d’accéder aux impasses et aux ressources qui y résident. A la relaxation elle prend la détente musculaire et l’ancrage dans des sensations de bien-être. Elle puisera aussi du côté de la psychanalyse pour l’interprétation du matériel inconscient mais aussi du côté d’une démarche dissidente et plus cognitive telle que l’analyse transactionnelle qui permet au client de s’approprier les outils de son changement. En analyse transactionnelle il n’est pas utilisé ni de jargon ni mots savants mais des mots du langage courant. La plupart des situations qui se présentent entre des individus ou à l’intérieur d’une même personne (intra-psychique) peuvent être diagrammées au tableau. A ces démarches analytiques et cognitives s’associe souvent une proposition graphique par le dessin. Ce dernier devenant alors la métaphore du problème à traiter. La grande spécificité de la Visualisation - Symbolisation est de se centrer presque exclusivement sur le processus qui régit l’individu en laissant comme accessoire le contenu.
Très souvent le thérapeute invitera son client à rentrer en contact avec une situation problématique sans véritablement lui préciser laquelle ni dans quel contexte. Puis il lui demandera d’imaginer le moment où le problème est résolu et de vivre tous les paramètres relatifs à ce moment de réussite ou de guérison ; quand le client donnera le signe qu’il est en contact avec ce moment de réussite, le thérapeute l’invitera à rencontrer par quelles étapes la situation problématique d’origine devra passer pour correspondre à la situation de guérison finale. A aucun moment de ce cycle le client n’aura à donner de détails sur la nature particulière de son problème ce qui réduira au minimum les apports extérieurs en provenance du thérapeute. Quand nous parlons de symbolisation nous considérons que le symbole est l’image d’un concept inconscient.
En modifiant le symbole une modification se produit inévitablement sur le concept. L’intervention en visualisation - symbolisation s’apparente à une opération de reprogrammation sur un logiciel par l’utilisateur au moyen de ses propres outils. Menée par des professionnels compétents cette démarche permet avec une grande économie de travailler en profondeur sur les vraies causes des problématiques individuelles sans rester simplement au niveau des symptômes. La Visualisation - Symbolisation est utilisée majoritairement dans le traitement des maladies psychosomatiques mais elle trouve aussi des applications dans les thérapies au long cours et des domaines tels que la scolarité, le sport, l’entreprise. Il est aussi possible de l’utiliser d’une manière préventive pour la gestion quotidienne du stress.
En conclusion nous pouvons considérer que les données conceptuelles qui composent les approches d’imagerie mentale varient très peu de l’une à l’autre par contre leur mise en œuvre diffère profondément. La qualité et la nature de la relation qui s’établit entre le client et son thérapeute ainsi que le contrat explicite ou implicite qui les réunit sont plus déterminants que le type d’approche utilisé au sein de la thérapie. Toutefois le choix de la démarche utilisée et la nature de la demande seront des éléments essentiels pour apprécier la relation thérapeutique.
François Paul-Cavallier est formateur en psychologie et auteur de nombreux ouvrages sur la psychothérapie et le développement personnel.
voir en ligne : http://f.paul.cavallier.free.fr
François Paul-Cavallier est formateur en psychologie et auteur de nombreux ouvrages sur la psychothérapie et le développement personnel.
f.paul.cavallier@online.fr
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