Chronique

La distorsion cognitive des narcissiques

Par Prabhã Calderón


La distorsion cognitive des narcissiques

Les narcissiques utilisent un « paracosme » par lequel ils corrompent leur vie et celle des autres. C’est un monde imaginaire régi par ses propres normes, composé de symboles, d’amis fictifs, d’archétypes féminins et d’une religion. Dans leur autel sacrificiel, ils immolent leur cœur à leur Dieu, qui est leur Faux Moi. Puis, ils créent une Sainte Famille et réalisent enfin leur fantasme vindicatif.

Le professeur Sam Vaknin développe ce sujet : « Le narcissisme n’est pas seulement un trouble de la personnalité. C’est une perturbation profonde dans le processus de formation de l’identité. C’est l’interruption d’un processus primordial d’évolution vers l’autonomie, dont le noyau est divin autant qu’animal. Dans le cheminement vers son évolution, l’enfant réagit à cette interruption générée par un traumatisme émotionnel sévère, en créant une religion personnelle. Une fois adulte, il partage avec vous sa religion et vous attribue un rôle. Il construit une véritable Trinité, dans laquelle Dieu le Père est son « faux self », vous êtes l’archétype de la Sainte Mère et il est votre enfant. Peut-être peut-il assurer un rôle paternel d’approvisionnement matériel. Vous, qui jouez le rôle de sa mère, devez certainement assurer l’amour inconditionnel, le support et l’acceptation totale de lui, pour l’aider à surmonter ses crises et ses défis personnels. »

L’instrumentalisation psychoaffective

Il faut savoir que le « parcosme » est créé par l’enfant qui deviendra narcissique, pour échapper aux chantages affectifs, aux abus ou à l’instrumentalisation dont il est victime. L’instrumentalisation psychoaffective consiste à s’approprier l’enfant comme s’il était un « objet interne » afin de combler notre vide psychoaffectif ou existentiel. Les parents qui instrumentalisent leurs enfants sont immatures. Ils ne respectent pas leurs limites psychoaffectives de son enfant. Ils ne le voient pas tel qu’il est. C’est-à-dire qu’ils ne voient pas leur enfant comme un être distinct d’eux-mêmes. Ils créent une relation fusionnelle avec lui. Ou bien, ils déposent sur lui leurs rêves inassouvis ou leurs frustrations. Ou encore, ils font de lui la prolongation de leur identité.

Les conséquences de l’instrumentalisation psychoaffective

Le Docteur canadien Gabor Maté, spécialisé dans l’étude et le traitement des addictions, affirme : «  Le fait que les enfants ne soient pas vus en tant que tels, est la plus grande cause de traumatisme émotionnel dans notre société ».
Si l’enfant ne reçoit pas une attention constante et fiable, s’il n’est pas vu tel qu’il est, s’il est ignoré, si ses limites ne sont pas respectées, il ne peut pas se séparer psychologiquement de ses parents, ni continuer à évoluer vers son autonomie psychoaffective et émotionnelle. Dans sa vie adulte, il devient narcissique. Il développe un besoin compulsif d’être vu et de recevoir de l’attention.
Dans son psychisme, il conserve les messages hypnotiques que ses parents lui ont inconsciemment transmis, tout au long de ses années de formation, entre zéro et 6 ans. Ces messages le font se sentir incorrect et égoïste, ou incapable et insuffisant, ou inadéquat et sans valeur, ou non aimable, ou incomplet, ou inexistant, ou impuissant et sans défense, ou seul et sans amour, ou un « mauvais objet ». L’un de ces messages devient son « Faux Core ». C’est un noyau mental hypnotique, autour duquel, se construit le « Faux Self ». Comme il se prend pour son « Faux Core/Faux Self », il oublie son Vrai Self, sa véritable Nature qui est essentielle autant qu’animale.

Qu’est-ce que l’interruption de l’évolution vers l’autonomie ?

Il faut savoir que tout nourrisson dépend entièrement de sa maman. À ce stade, sa libido est orale et centrée sur lui-même en tant qu’objet d’amour. Pour lui, sa mère et lui sont une seule et même personne. Le nourrisson fusionne avec elle pendant toute cette période symbiotique. Mais plus tard, il a besoin de s’individualiser et de se séparer psychologiquement de sa mère pour continuer à évoluer vers son Autonomie psychoaffective et émotionnelle. Dans l’étape d’individualisation/séparation, se dessine la différenciation entre l’extérieur et l’intérieur, et entre son « Moi » et le « Moi » des autres.

La libido figée dans une étape infantile

Si l’enfant ne parvient pas à accomplir son processus d’individualisation/séparation, il reste figé dans le stade narcissique de son évolution. Dans sa vie adulte, il continue à entretenir son besoin fusionnel. Il fusionne avec sa mère intériorisée de manière fantasmatique. Sa libido est ainsi complètement investie en elle. Sa mère intériorisée devient la source de son déplaisir, car il ne ressent pas son autonomie, ni son pouvoir individuel dans sa sexualité d’adulte. En faisant le transfert de sa mère sur le partenaire, il entretient un fantasme incestueux et finalement il devient misogyne, autoérotique, sadique ou asexuel.

Les narcissiques veulent s’individualiser et se séparer de leur mère intériorisée, en détruisant inconsciemment leur partenaire pour y parvenir.

Afin de mieux comprendre le sujet qui nous occupe, il est important de savoir que notre esprit est composé d’un mécanisme d’observation, qui reproduit et observe les images des croyances hypnotiques. Pour la plupart, elles proviennent de l’enfance et sont projetées sur un futur fantasmé, en temps présent.

Identifiée à notre mental, notre vie est régie par :

  • Les croyances hypnotiques à propos de nous-mêmes, datant de l’enfance.
  • Les divers « Moi » ou identités mentales, datant de l’enfance.
  • Les mécanismes défensifs inconscients, datant de l’enfance.
  • Les schémas répétitifs, datant de l’enfance.
  • Les distorsions cognitives, datant de l’enfance.
  • Le paracosme, datant de l’enfance.
  • Un état psychoaffectif et une sexualité, figée dans l’enfance.
  • Les interprétations erronées sur le monde, datant de l’enfance.

Nos distorsions cognitives

Nos distorsions cognitives sont des interprétations erronées de la réalité, qui génèrent des cognitions, des pensées et des conclusions erronées. De toute évidence, lorsque les distorsions cognitives de notre enfance restent fixées dans notre psychisme, nous entretenons des pensées et des conclusions erronées sur nous-mêmes et sur les autres. Et lorsque nous ne sommes pas conscients de notre dynamique interne, nous reproduisons des pensées et des conclusions erronées sur nous-mêmes ou sur les autres, qui confirment nos distorsions cognitives. Il s’agit d’un cercle vicieux entretenu par tout le monde.
Chez les narcissiques, ce cercle vicieux est particulièrement hypnotique. Leur esprit est comme un casque de réalité virtuelle, qui leur fait croire que les images qu’ils observent sont réelles. Ils se prennent donc pour leurs croyances anxiogènes sur eux-mêmes, qui sont automatiquement recréées dans leur esprit. Ils pensent également être « l’observateur » de leurs croyances hypnotiques. Comme ils ont des difficultés à discerner ce qui est « vrai » de ce qui est « faux », ils transposent leurs « objets mentaux » sur les êtres présents dans la réalité extérieure. Ce qui confirme leur incapacité à les aimer.

La conscience de notre dynamique interne

Notre capacité à devenir conscients de notre dynamique interne, est essentielle. Cette conscience nous permet de comprendre les processus psychiques qui s’opèrent dans notre esprit et qui se réactivent de façon automatique. Sur la base de nos observations, nous pouvons comprendre le dysfonctionnement de notre psyché et cesser de nous y identifier. C’est un processus d’introspection qui nous amène à évoluer vers notre Autonomie psychoaffective.
Comme les narcissiques sont des enfants à niveau psychique, ils sont incapables d’identifier par eux-mêmes leur dynamique interne. C’est pourquoi il est urgent pour eux d’entreprendre une démarche d’introspection, qui les permettra d’identifier et de remettre en question leur « personnage » figé dans l’enfance.

Leurs mécanismes de défense et leurs comportements les plus courants sont :

  1. Le refoulement émotionnel.
  2. Le manque d’empathie.
  3. Le besoin compulsif de recevoir de l’attention.
  4. La pensée magique.
  5. Le clivage de la mère et du partenaire.
  6. L’intériorisation de l’autre.
  7. La projection.
  8. Le fantasme partagé vindicatif.
  9. Le besoin de maintenir le contrôle par un cercle de punitions.
  10. Le détournement cognitif.
  11. Le déni et le blâme.

1. Le refoulement émotionnel
Pour éviter de ressentir la douleur de leur blessure archaïque, les narcissiques refoulent leurs émotions. Ils refoulent également leurs sentiments de vulnérabilité, d’amour et de tout autre sentiment essentiel. Ils créent ainsi une identité d’absence. Puisqu’ils vivent dans leur mental, ils ne sont pas là à niveau psychoaffectif, ni à niveau essentiel. Leur anxiété chronique est la conséquence du refoulement émotionnel.
Quand vous rencontrez un narcissique, vous ressentez instinctivement que cette personne est un être en détresse, même s’il se le cache à lui-même. Si vous entrez en relation avec lui, votre sens maternel se réactive face à lui. Comme il a besoin de vous, il craint votre évaluation, votre rejet ou l’abandon. Inconsciemment, il a peur de ne pas être à la hauteur ou de ne pas avoir de valeur à vos yeux. Il ne peut donc pas établir une véritable relation d’égalité avec vous, car secrètement il se sent inférieur. Pour compenser son complexe d’infériorité, il adopte une posture supérieure. Il vous montre ses atouts physiques, intellectuels, ses compétences ou ses capacités, pour vous impressionner et vous séduire.
La détresse des narcissiques est produite par un conflit interne déchirant : d’une part, ils ont une soif intense d’amour. Mais en même temps, ils sont pris par la terreur infantile d’être engloutis, de ne pas exister, ou par la peur de revivre un abus s’ils s’ouvrent à une relation intime.
D’autre part, leur vide abyssal les renvois à leur peur de l’abandon, à la peur du rejet et à leur peur de la solitude. De plus, leur orgueil est mis à l’épreuve face à une personne aimante et empathique. Ils plongent dans leur peur de l’insuffisance.
Le professeur Sam Vaknin explique : « Le jour où il se sent aimé par quelqu’un de sécurisant, de chaleureux, d’empathique, le narcissique est renvoyé à son conflit interne qu’il déteste. Il blâme alors celui ou celle qui lui montre son amour et il met en place des mécanismes défensifs de distance, d’absence, d’indifférence, etc. Il néglige et déprécie cette personne aimante. Il la maltraite ou essaye de la détruire psychologiquement pour éviter d’être confronté à sa propre incapacité d’aimer. Cela lui procure ce qui, en termes psychologiques s’appelle « égosyntonie ». Il s’agit d’un soulagement et un apaisement de son ego. »

2. Le manque d’empathie
L’empathie affective est la capacité de comprendre les sentiments, les émotions, les besoins légitimes et les points de vue d’autrui. C’est la motivation qui vous amène à écouter l’autre avec attention et souplesse mentale, ainsi qu’à se soucier de lui, tout en respectant vos émotions et vos limites. L’empathie est la clé de la relation.
Si vous êtes la partenaire d’un narcissique, sachez que quand vous ressentez le besoin d’un échange bienveillant, il vous donnera une réponse « cognitive », car il ne peut pas vous témoigner d’empathie affective. Dans des circonstances éprouvantes, il est incapable d’engager un vrai dialogue avec vous, car il ne peut pas comprendre que vous ayez vos propres besoins, vos émotions, vos valeurs et vos espoirs. S’il ne peut pas intégrer ses propres émotions, comment pourrait-il comprendre les vôtres ? Il ne peut pas comprendre votre besoin de communication intime.
Les narcissiques sont incapables d’intimité.
Cette déclaration est rédigée dans la cinquième et dernière édition du DSM5, qui est le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Elle est basée sur des observations de leurs comportements, des statistiques, ainsi que des témoignages de personnes qui vivent avec eux et qui expérimentent les effets traumatiques de leurs abus.

3. Le besoin compulsif d’attention
Étant donné que les narcissiques se sont éloignés de leur nature essentielle, au lieu de ressentir le besoin fondamental d’intimité, ils ressentent un besoin compulsif d’être vus et de recevoir de l’attention. Ce besoin compulsif provient de leur insécurité et de leur insuffisance ontologique. [Du mot grec Ontos, qui signifie être].
Pourquoi ressentent-ils un besoin compulsif de recevoir de l’attention ? Parce qu’identifiés à leur « faux self », qui n’est qu’une image, ils se sentent vides. Étant donné que leur attention est focalisée sur leur image, les narcissiques sont incapables d’aimer leur vrai Self. Ils développent donc, une « identité d’absence ».

Il y a une différence majeure entre aimer notre vrai Soi et le fait d’aimer un « faux moi »

ou l’image de nous-mêmes que nous prenons pour vraie.
Comme le personnage Narcisse de la mythologie grecque, les narcissiques adorent leur image. Ils cherchent leur image dans les yeux de ceux qui les admirent. Dans la relation de couple, ils abolissent les limites psychoaffectives de leur partenaire en créant l’illusion d’intimité. Ils confondent intimité et amour avec dépendance.

4. La pensée magique
La « pensée magique » est l’acte de transformer un être réel, en un « objet interne » de notre psychisme. Les narcissiques visent à façonner cet être réel. C’est un abus extrêmement pernicieux lorsqu’ils font cela à leur propre enfant. Ils font éclater les frontières psychoaffectives de l’enfant, qui par la suite ne parvient pas à se séparer de son parent narcissique pour acquérir sa propre individualité et son Autonomie. Souvent, en outre, l’enfant est contraint à devenir le parent de son propre parent, ou le partenaire romantique de son parent narcissique, ce qui est une forme d’inceste psychoaffectif.
Par leur « pensée magique », les narcissiques font également éclater les frontières psychoaffectives de leur partenaire. Selon leurs fantasmes inconscients, ils utilisent leur partenaire pour satisfaire 4 besoins compulsifs :

  1. Le besoin compulsif de satisfaire leur propre autoérotisme.
  2. Le besoin compulsif d’être servis.
  3. Le besoin compulsif d’attention ou de ravitaillement narcissique.
  4. Le besoin compulsif de réaliser leur fantasme partagé vindicatif.

C’est ainsi qu’ils exploitent leur partenaire et qu’ils la/la détruisent de multiples manières. Ils font à leur femme ce qui l’écrivain Marcel Proust a déclaré :

« La terrible tromperie de l’amour commence par nous faire jouer
avec une femme, non du monde extérieur,
mais avec une « poupée intérieure » à notre cerveau,
la seule d’ailleurs que nous ayons toujours à notre disposition,
la seule que nous posséderons, création factice à laquelle peu à peu,
par notre souffrance, nous forcerons la femme réelle à ressembler. »

5. Le clivage de la mère et du partenaire.
Il faut savoir que les narcissiques perçoivent les êtres qui les entourent comme s’ils étaient des symboles, des dessins animés, des automates ou des représentations mentales les appartenant. Ne vivant que dans leur monde psychique, ils transforment les autres en « bons » ou en « mauvais », « intéressants » ou « non intéressants », selon leur capacité à leur apporter le ravitaillement narcissique dont ils ont besoin pour exister. Ce clivage provient de la confusion qu’ils font entre leurs « objets internes » qui sont mentaux et les « objets externes ». C’est-à-dire les êtres humains présents dans la réalité.
La relation que les narcissiques entretiennent avec leur partenaire, est basée sur leur « paracosme ». En transférant leur mère intériorisée sur leur partenaire, ils créent une production cinématographique qu’ils superposent à la relation. Comme ils font un clivage de leur mère en « bonne » et « mauvais », ils reproduisent le même clivage sur le partenaire. Si la bonne mère est nourricière, le partenaire doit jouer ce rôle. Mais lorsque le narcissique voit son partenaire comme sa mauvaise mère, il projette sur elle/lui sa rage. Il ne peut pas interagir avec la personne réelle qui est là, car il vit dans sa psyché et dans l’espace illusoire de son esprit.

6. L’intériorisation de l’autre.
L’intériorisation est un processus par lequel certains aspects du monde extérieur sont intégrés dans le mental de l’individu. Les narcissiques intériorisent la représentation qu’ils font de l’autre, pour en faire son propre « objet interne » et organiser ainsi leurs structures affectives et cognitives. Cette forme d’intériorisation repose sur leur pensée magique, qui est la confusion entre les « objets internes » et les objets présents dans la réalité. Cette confusion est naturelle chez les bébés dans la phase égocentrique de leur développement. Mais avec le temps, l’enfant voit la différence entre soi et sa mère et entre soi et les autres. Par contre, chez les narcissiques cette confusion perdure jusque dans la vie adulte.
Quand votre partenaire narcissique intériorise l’image ou la représentation qu’il se fait de vous, il ne se rend pas compte que vous êtes une entité autonome, distincte de sa mère, de laquelle il va se venger en vous utilisant. Il interagit avec l’image que vous représentez. Il absorbe et assimile votre voix et enregistre votre façon de parler. Puis, il se l’approprie pour en faire sa propre voix. C’est ainsi qu’il maintient une relation symbiotique avec vous. Mais en fait, il n’interagit jamais avec vous.
Sam Vaknin précise : « Il est crucial de comprendre que le narcissique interagit exclusivement avec l’avatar, avec l’icône que vous représentez dans son processus mental. Toutes ses conversations, ses arguments, ses désagréments, ses rêves, son besoin de dépendance et ses émotions, se passent entre lui et sa représentation de vous. »

7. La projection de son insuffisance et de sa rage
Une fois que votre narcissique a fait l’intériorisation de la représentation qu’il se fait de vous, il ne peut pas éviter de faire des « projections ». Au départ, il fait une « projection positive » sur vous, de sa propre image ou de sa mère adorée. Mais à partir du moment où il fait le transfert sur vous de sa mauvaise mère, il vous attribue son traumatisme émotionnel du passé. Puisqu’il n’est qu’un enfant, il projette sur vous sa rage sans aucun remords. Cet enfant dans un corps d’adulte, vous fait porter la rage de sa blessure archaïque, de sa sensation d’insuffisance, de sa dévalorisation, de sa faiblesse, de ses peurs d’être seul et vide, de son complexe d’infériorité, de son humiliation, de sa honte toxique, de son mépris de soi, etc.

8. Le fantasme partagé vindicatif
Il s’agit d’un fantasme inconscient, autour duquel s’organisent tous les mécanismes défensifs du narcissisme. Si votre partenaire est narcissique, au départ, par sa pensée magique, vous devenez pour lui son « objet primaire », sa maman. Quand il vous voit comme sa bonne mère, il est merveilleux avec vous. Il vous donne l’impression qu’il a des sentiments positifs, parce qu’il vous bombarde d’amour et d’attentions. Vous devenez sa Madone, sa Vierge ou son héros. Par ce bombardement amoureux, il vous hypnotise en vous montrant votre meilleure image, afin que vous l’idéalisiez et le materniez. Il attend que vous soyez sa mère idéalisée, que vous le réconfortiez, que vous l’aimiez, que vous l’adoriez et que vous soyez sa base de sécurité.
Cependant, comme il a un besoin inconscient de « réparer » sa blessure archaïque, il a une orientation malsaine. Plus que la relation avance, plus qu’il considère votre besoin d’amour, d’échange et d’intimité comme une faiblesse. Progressivement, il manifeste son côté sombre et destructeur. C’est alors qu’il vous fait passer un « test délirant » et qu’il commence à vous maltraiter physiquement ou psychologiquement. Il vous fait porter sa rage en restant calme ou en faisant comme si de rien n’était.

Vous devez répondre comme si vous étiez une mère compréhensive qui peut tout tolérer. Mais si vous exprimez votre désaccord, vous échouez son test. Vous devenez définitivement la « mauvaise mère », toute-puissante, qui lui faisait peur quand il était bébé. Comme il ne peut pas gérer son sentiment d’impuissance, il vous punit pour vous prouver qu’il est plus puissant que vous. Si vous êtes son partenaire de travail ou si vous en avez fait votre associé, il se lance dans une compétition avec vous et inconsciemment, il fait de vous son rival. À la maison, il fait de vous sa mère dépréciée. Ces rôles alternent en fonction de ses humeurs.

Sam Vaknin explique : «  Il a des mémoires négatives extrêmement pénibles avec « vous » qui devenez le parent qui l’a instrumentalisé ! Il vous charge des interactions inachevées, non discutées, non communiquées, non libérées de son système. Ce faisant, il réactive le traumatisme du passé  ».

Son amour est donc associé à des émotions négatives liées à l’abus qu’il croit avoir subi avec vous, mais qu’il a en réalité subi avec ses parents. C’est ainsi qu’inconsciemment il fait de vous l’objet qui l’aidera à « réparer » sa blessure narcissique. Il vous utilise pour se séparer enfin du parent qui l’a blessé, afin de retrouver son pouvoir individuel. C’est pourquoi il se sent de mieux en mieux lorsqu’il vous maltraite, vous ignore, vous rejette ou vous détruit par sa rage passive ou ouvertement violente. Plus que son programme de destruction avance, plus que vous périssez, tandis qu’il se sent de plus en plus revitalisé.
N’essayez pas de communiquer ou de négocier avec lui. Sachez qu’il n’a aucune empathie. Votre tentative de communication et de négociation le rend fou et il ressent le besoin impérieux de vous rejeter définitivement de sa vie, en vous traitant de la manière la plus humiliante qui soit. De plus, il vous accuse d’en être devenu votre victime.

9. Le besoin de maintenir le contrôle par un cercle de punitions
Avec la progression de son programme vindicatif, le narcissique projette de plus en plus sa rage sur son partenaire ou sur sa femme, sans aucun remords.
Si vous vivez avec un narcissique de type cérébral ou occulte, il ne vous maltraite pas physiquement, mais il se montre indifférent, méprisant et cruel, même s’il dépend de vous pour son ravitaillement narcissique. Comme il ressent le besoin contrôler la situation et de se sentir Maître du jeu, il vous tourmente par son absence psychoaffective. Plus il est perdu dans son « fantasme partagé » vindicatif, plus il développe ses punitions. Il n’y a pas d’échappatoire ! Vous serez toujours la cible de sa vengeance contre sa mauvaise mère, ou contre son mauvais père.
Il vous punit en créant un cercle vicieux qui comporte une période de tension, une autre de violence ouverte ou passive, suivie d’une période d’apaisement, où un geste d’affection se manifeste. Puis, le cycle recommence : tension et violence, apaisement et geste affectueux, etc. Concrètement, la tension se manifeste par son absence affective ou par la bouderie. Sa violence passive ou son agression ouverte, se manifeste par ses remarques blessantes par lesquelles il vous dévalorise et vous dénigre. La période d’apaisement, est sa façon de vous dire qu’il vous aime en vous appelant ma douce, ma chérie ou mon chouchou. Le geste affectueux est donné sans qu’il soit vraiment présent. Il poursuit ainsi son activité de détestation et de délire, tandis que vous faites l’introjection de son abus, et que vous vous y suradaptez.

10. Le détournement cognitif.
Comme les narcissiques font des interprétations incorrectes qu’ils prennent pour la réalité, ils détournent les faits en leur faveur. C’est pourquoi les narcissiques sont considérés comme des pervers. Le mot perversion vient du verbe « pervertir » qui signifie détourner. Pervertir est l’action de détourner quelque chose de sa vraie nature. Ainsi, votre narcissique détourne l’intimité en tant qu’occasion de vous détruire, pour se séparer de sa mère intériorisée, pour devenir Maître du jeu et d’acquérir un pouvoir personnel.

Vos émotions et protestations lui donnent l’occasion de vous blâmer et de vous faire sentir coupable d’être devenu votre victime !

Poussé par son fantasme vindicatif, le narcissique vous attribue la cause des conflits, alors même qu’il est agressif et cruel comme un narcissique antagoniste, ou inaccessible, indifférent et émotionnellement absent et cruel comme un narcissique cérébral ou un narcissique occulte. Il détourne vos réactions en sa faveur, faisant de vous le méchant du film, tout en se donnant un air de bienveillance. C’est ainsi qu’il trouve de bonnes raisons de vous quitter ou de vous forcer à partir, tout en vous faisant porter le chapeau.

Voici l’extrait d’une lettre qu’un narcissique cérébral a envoyé à sa femme :
« Un mot que je dis, un silence, une attitude, une opinion que j’émets qui semble ne pas correspondre à ce que tu aurais voulu que je dise, que je pense, que je fasse ou que je ne fasse pas, ou que je dise d’une autre manière… Tout me désigne comme le pire des hommes. Je ne sais pas comment gérer ma frustration. J’ai des réflexes de protection, j’évite certaines initiatives ou expressions spontanées, je fais profil bas et me suradapte sans savoir à quoi… »
Toute sa lettre est écrite de cette manière. À aucun moment il n’examine la façon dont il traite sa femme. Par ce détournement de faits, où il prend la position de victime, il invalide les émotions de sa femme et son agonie d’être constamment niée. Comme sa souffrance le dérange, il se dissocie encore plus d’elle. Il ne reconnaît pas qu’il exploite sa femme et qu’il la traite avec une indifférence glaciale.

11. Le déni et le blâme
Pour la plupart, les narcissiques n’ont pas développé la conscience de leur dynamique interne, ni la capacité de la reconnaître et de l’expliquer. Cela génère le déni de leur psychopathie. Ils se défendent de leur fragilité psychique ou d’une psychose latente par le déni. C’est un mécanisme de protection qui les empêche de voir ce qui se passe en eux. Leur déni n’est pas un acte intentionnel, c’est un blocage généré par l’occultation de leur blessure archaïque et par leur fixation infantile. Leur déni, leur détournement des circonstances et leur blâme participent largement à leur perversion.
À ce sujet, le psychanalyste français Jean-Charles Bouchoux explique : « Le narcissique utilise le déni pour nier ses responsabilités ainsi que la réalité de ses actes. Comme le déni ne suffit pas pour faire face au « surmoi », il projette sur l’autre ce que serait sa culpabilité, en le culpabilisant. »

L’abus narcissique

Tous les mécanismes et comportements expliqués, constituent un abus narcissique. La notion d’abus narcissique désigne l’ensemble des comportements redondants, coercitifs, pernicieux, nuisibles et envahissants, que les narcissiques imposent à leurs victimes. Ce type d’abus se distingue des autres formes d’abus, par la variété des jeux de pouvoir déployés. Ce sont des stratégies de contrôle, de manipulation et de domination qu’ils utilisent subrepticement ou ostensiblement dans divers domaines de la vie. L’abus narcissique peut générer un Trouble de Stress Post-traumatique (TSPT). Vous pouvez lire l’article intitulé : Les effets traumatiques de l’abus narcissique.

Attention ! Si vous découvrez que votre partenaire est narcissique, ne lui dites jamais ce que vous avez découvert, car il ou elle pourrait vous agresser violemment ! Ne pensez pas non plus que vous pouvez le changer ou l’aider à évoluer grâce à votre empathie.

Sam Vaknin affirme avec humour noir : « Comment changer un arrogant égoïste qui se sent omniscient et qui se prend pour le Bon Dieu ? Il se croit la cause première de tout ce qui existe ! Il n’a besoin de personne ! Le narcissique ne cherche pas votre aide, ni ne demande le point de vue de personne. Il ne cherche pas non plus votre soutien. Pour lui, votre assistance est insultante. Elle provoque sa colère et déclenche tous ses mécanismes défensifs !  »

Conclusion

Les narcissiques ont besoin d’un processus d’introspection approfondi pour se libérer de leur trouble de stress post-traumatique. Ils ont besoin d’exprimer leurs émotions refoulées et d’entrer en contact avec ce qu’ils ressentent. Ils doivent comprendre comment ils utilisent leurs distorsions cognitives et leurs mécanismes hypnotiques. Pour se réveiller de l’influence hypnotique de leur mental et entrer en contact avec leurs sentiments, ainsi qu’avec la réalité extérieure, il est essentiel qu’ils activent leur énergie vitale, et qu’ils développent de l’empathie pour leur « enfant intérieur ». Grâce au processus d’introspection, ils pourront restaurer enfin leur estime de soi, leur dignité et leur intégrité, ainsi qu’évoluer vers leur Autonomie psychoaffective et émotionnelle. De cette manière, ils pourront offrir leur contribution à ce monde.

Publication proposée par : Calderón Prabhã

Prabhã Calderón est coach, enseignante et auteure. Elle apporte une contribution précieuse à la description des mécanismes hypnotiques attachés aux croyances identitaires, à la compréhension des liens entre ces mécanismes et les souffrances individuelles, transgénérationnelles et collectives. Prabhã est l’auteure du livre : « L’enfer narcissique », « Sortez de cette folie hypnotique » Aux Éditions Sydney Laurent. Ses consultations se déroulent en ligne.
- Tél. 00 33 647 57 16 28
- Courriel : prabha.calderon@orange.fr
- Site : https://prabha-calderon.fr/

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