Les mots de la faim... Comment entendre le cri qui s’échappe de ces corps qui se martyrisent ou qui s’effacent ? L’anorexie est une épreuve non seulement pour qui en souffre mais aussi pour l’entourage qui en subit les contrecoups.
Psychanalyste, ayant moi-même été anorexique durant de longues années, j’ai voulu, dans Face à l’anorexie, le visible et l’invisible, offrir un éclairage nouveau sur ce mal de vivre énigmatique et inquiétant. J’ai attendu cependant qu’il soit vraiment derrière moi pour commencer à en parler et proposer des réponses aux questions dérangeantes qu’il soulève.
Ce livre est donc le fruit d’une double expérience de praticienne et de "rescapée " - non seulement de l’anorexie mais aussi de certains traitements qui me furent imposés alors que j’étais adolescente....
Alors que la maigreur des mannequins interroge, que la multiplication de sites "pro-ana" agace et que de jeunes adolescents en manque de repères et quête d’idéal vont jusqu’à maltraiter leur corps, il est vital de reconsidérer le regard porté sur l’anorexie en veillant à ne pas renforcer les sentiments d’exclusion et de culpabilité que ressentent ceux et celles qu’elle atteint.
La perte de l’appétit correspond le plus souvent à une perte, malheureusement justifiée, du "goût de vivre". Et qui l’a perdu - à son corps défendant - rêve avant tout de le conquérir.
Bien que cette idée puisse être difficile à admettre pour qui n’a pas vécu cette étrange expérience, le refus de se nourrir est à entendre d’abord comme l’impossibilité sincere et désespérée d’alimenter son corps en avalant ce qui ne peut l’être sinon au prix de l’insupportable.
Comment ne pas stigmatiser celui ou celle qui subit l’épreuve de la "grève de la faim", comme s’il était fautif d’une maladie, face à laquelle il se sent bien impuissant ?
Quelles sont les souffrances à l’origine de ce "mal de vivre" ?
En quoi peut-il nous éclairer sur nous-mêmes ? Par-delà les apparences, pour qui, pour quoi se nourrir ? Poser le problème de la façon la plus juste c’est commencer à trouver ... les solutions les plus justes possible.
Au-delà de l’anorexie, j’ai aspiré à travers ce livre à inviter tout lecteur à penser sa relation à l’alimentation et à ce qu’elle symbolise, à travers les nourritures réelles ou imaginaires, culturelles, affectives, spirituelles et matérielles. À mieux s’accepter dans sa singularité, à mieux se comprendre aussi et de ce fait à mieux s’aimer et à mieux comprendre et accepter l’autre.
VIrginie Megglé
Virginie Megglé est psychanalyste en région parisienne, spécialiste de l’anorexie, elle développe également une pratique autour de la psychogénéalogie. Elle est par ailleurs l’auteur chez le même éditeur de Couper le cordon.
Extrait" Pour tenir à l’écart le père de sa fille, en souvenir d’une cruelle expérience avec le sien, une mère peut prétendre à celle-ci que son père ne l’aime pas ou qu’il voulait un garçon à sa place. C’est une façon de conjurer (avec maladresse) le sort pour éviter que le pire ne se reproduise. Mais faute de formuler ces craintes, les voix de l’inconscient se font entendre par d’autres voies et parviennent à l’enfant en contradiction avec ce qui se dit à ciel ouvert. Peinant à grandir avec une image négative de l’homme, la fille interroge sa mère en interrogeant la nourriture qu’elle lui donne. "
« Face à l’anorexie »
Le visible et l’invisible
Virginie Megglé
282 pages - 20 €
Éditions Eyrolles
Virginie Megglé est psychanalyste spécialisée dans les dépendances affectives et les troubles de l’enfance et de l’adolescence. Sa pratique s’étend aux constellations familiales, à la psychanalyse transgénérationnelle et à la psychosomatique. Auteur de plusieurs ouvrages, elle est également fondatrice de l’association et du site Psychanalyse en mouvement.