Thérapie Narrative


La thérapie narrative est le dernier né du courant dit de la troisième vague des thérapies brèves qui inclut également la thérapie orientée vers les solutions. Elle a été créée par Michael White et David Epston, deux psychologues australiens. Bien que pratiquée depuis le début des années 1980, elle a été connue publiquement surtout à partir de leur livre "Narratives Means to Therapeutic Ends" publié en 1990. L’essentiel du présent texte est tiré du livre "Narrative Therapy" de Freedman et Combs, deux américains qui ont contribué à vulgariser cette approche en Amérique du Nord.

La première vague a été identifiée comme "cybernétique de premier ordre". Ce courant réunit les approches dites stratégiques avec des auteurs comme Haley, Madanes et Watzlawick. Bien que ces approches stratégiques aient innové dans plusieurs domaines de l’intervention pour réduire la durée de la thérapie, les tenants de la troisième vague ont pris des distances face à ce courant qui invite à voir la famille comme une machine défectueuse que le thérapeute peut réparer à la façon d’un technicien. Voici quelques critiques apportés à ce courant : trop de contrôle sur les clients, pas assez de crédit accordé au client pour les résultats obtenus, thérapeute perçu comme hors du système, l’accent est trop centré sur la dysfonction. La deuxième vague nommée "cybernétique de deuxième ordre" propose de donner moins de pouvoir au thérapeute et à ne pas le situer hors du système.

Ce courant origine du groupe de Milan (Boscolo, Cecchin) ou d’autres auteurs influencés par ces derniers (Hoffman, Tomm). Le langage préconisé s’apparente plus à une écologie des systèmes qu’à une machine. Le thérapeute s’intéresse davantage au sens des interactions, il préfère poser des questions que de donner des suggestions, les équipes de thérapeutes collaborent plus avec le client à construire des solutions qu’à en proposer. Les clients sont même invités à proposer leurs tâches intersessions. Même s’il est difficile de catégoriser Milton Erickson, celui-ci se rapproche de ce dernier groupe avec plusieurs positions qui s’accordent avec la thérapie narrative. Il croit que "chaque entrevue est unique et requiert une bonne dose de créativité de la part du thérapeute et du client pour obtenir des résultats." (Erickson et Rossi, 1979).

Erickson affirme que la tâche principale du thérapeute est de comprendre les croyances et l’expérience du client mais d’éviter de lui imposer les siennes. De plus, il démontrait une appréciation réelle et intéressée pour les gens et il les voyait comme remplis de ressources. Par ailleurs, il croyait que les gens peuvent continuellement et activement réécrire leurs vies. Enfin, il estimait que l’expérience personnelle est construite à travers le langage qui devient alors un levier majeur de l’intervention. Par contre, la thérapie narrative se démarque des approches ericksoniennes ou cybernétiques de second ordre par le fait qu’elle tient compte de la réalité culturelle, historique et sociale de chaque personne. Ces dernières assument faussement que les hommes et les femmes ont un pouvoir égal. Elle oublient que le thérapeute a son histoire et ses valeurs et opinions qui influencent la thérapie. De plus, ces approches manquent encore de transparence et de collaboration ; la stratégie et la hiérarchie client-thérapeute existe toujours et enlève beaucoup de pouvoir au client sur son processus de changement.

La thérapie narrative est issue du constructionnisme social qui croit que les valeurs, les croyances, les institutions, les coutumes, les étiquettes, les lois, etc. sont construits par les membres d’une culture par leur interaction entre eux de génération en génération et de jour en jour. Ainsi, cette approche organise le monde de l’expérience non plus en terme de système ou de pattern mais plutôt en terme d’histoire. La tâche du thérapeute n’est plus de trouver une solution ou de comprendre les systèmes mais plutôt de poser des questions pour aider les clients à observer l’influence de certaines histoires culturelles restrictives et à enrichir leur propre histoire de vie. L’important n’est pas de résoudre le problème mais d’identifier ou de modifier les histoires qui maintiennent le problème et de construire de nouvelles histoires qui créent de nouvelles possibilités de vie. Le thérapeute est conscient qu’il est issu d’un autre milieu culturel et qu’il doit éviter de reproduire les modèles de la société (tels que les hommes ont plus de pouvoir que les femmes dans notre société) avec ses clients.

Voici quelques hypothèses sur les personnes et sur la thérapie (Freedman et Combs) :

- Les clients et le thérapeute partagent plus de similitudes que de différences comme êtres humains.
- Les clients sont des gens ordinaires menant une vie ordinaire qui malheureusement rencontrent des expériences de vie difficiles et inhabituelles.
- Quand les personnes ou les familles demandent une psychothérapie, c’est parce qu’elles sont confrontées avec un dilemme pour lequel la sorte de support nécessaire à sa résolution ne leur est pas disponible.
- Les personnes et les familles possèdent toujours plus d’expérience réelle en eux pour résoudre le problème que tout autre personne.
- Au plus profond d’eux-mêmes, les personnes et les familles ne souhaitent pas se faire du mal ou en faire aux autres.
- Le thérapeute ne peut comprendre le langage d’une personne tant qu’il ne peut en discuter avec lui.
- Le changement est toujours possible.
- Le client souhaite toujours se libérer du problème.

Le thérapeute ne connaît pas vraiment ce que le client doit faire pour résoudre son problème.
Les problèmes sont considérés comme séparés des personnes. Cela aide les clients à se mobiliser davantage face à leurs problèmes.

La thérapie narrative a des idées très précises sur la façon de voir la réalité :

- Une première idée elle considère que les réalités sont construites socialement. Tout ce qui existe a été déterminée par l’usage que les hommes en ont faits : la nourriture, le langage, les tâches domestiques, l’éducation des enfants, l’agriculture, le logement, le transport, etc. Au fil des générations, les hommes ont fini par oublier qu’il existe d’autres possibilités pour exécuter les mêmes activités car ils ont appris que c’est comme ça que ça se fait !

- Une deuxième idée est que les réalités sont constituées à travers le langage. Ainsi la signification exacte de chaque mot est toujours quelque peu indéterminée et potentiellement différente. Cette signification doit toujours être négociée entre deux personnes ou plus. Un changement thérapeutique quelconque implique nécessairement un nouveau langage et de nouvelles significations à des croyances, comportements ou sentiments problématiques.

- Une troisième idée est que les réalités sont organisées et maintenues à travers des histoires. Chaque personne a son histoire sur sa vie et sur une situation. Quand une personne raconte une histoire, elle choisit certains éléments au détriment d’autres et elle organise et structure divers faits. En thérapie narrative, on cherche à comprendre l’influence de certaines histoires dominantes sur le client. On tente de créer avec elle de nouvelles histoires qui vont favoriser de plus grandes possibilités dans sa vie.

- Une quatrième idée soutenue est qu’il n’y a pas de vérités essentielles. Il existe de nombreuses façons d’interpréter une expérience mais aucune interprétation ne peut être considérée comme la "vraie". Ce qui est vrai c’est la présentation particulière d’une expérience que préfèrent des personnes particulières dans une culture particulière. Une interprétation préférée est différente d’une interprétation vraie. Le thérapeute narratif cherche à apporter différentes interprétations d’une situation et ainsi d’amener la personne à préférer des interprétations qui supportent sa croissance.

Diverses attitudes thérapeutiques découlent de ses postulats ainsi que de ce courant où le client est considéré comme expert de ses solutions et où les problèmes sont perçus comme construits par la réalité sociale et culturelle. Afin de rendre ces attitudes moins directives.

Elles sont formulées sous forme de questions (Freedman et Combs) :

- Est-ce que je demande la description de plus d’une réalité ?
- Est-ce que j’écoute suffisamment pour comprendre comment la réalité expérientielle de cette personne a été socialement construite ?
- Quel langage est-ce que je privilégie actuellement ? Est-ce que j’essaie d’accepter et de comprendre les descriptions linguistiques de cette personne ? Si je propose une distinction ou spécification dans mon langage, pourquoi fais-je cela ? Quels sont les effets de distinctions linguistiques variées qui se présentent dans la conversation thérapeutique ?
- Quelles sont les histoires qui supportent les problèmes de la personne ? Y a-t-il des histoires dominantes qui oppressent ou limitent la vie de la personne ? Quelles histoires marginalisées est-ce que j’entend ? Y a-t-il des indices pour les histoires marginalisées qui n’ont pas encore été abordées ? Comment puis-je inviter cette personne à s’engager dans une "révolution" de connaissances autour de ces histoires marginalisées ?
- Est-ce que je mets le focus sur le sens au lieu des faits ?
- Est-ce que j’évalue cette personne ou est-ce que je l’invite à évaluer une vaste gamme de choses (comment la thérapie va, directions préférées dans la vie, ...) ?
- Est-ce que je situe mes opinions dans mon expérience personnelle ? Suis-je transparent au sujet de mon contexte, mes valeurs et mes intentions de telle sorte que cette personne peut évaluer les effets de mes biais ?
- Suis-je dans une pensée pathologisante ou normalisante ? Est-ce que nous définissons en collaboration les problèmes en nous basant sur ce qui est problématique dans l’expérience de cette personne ? Est-ce que je me tiens à l’écart d’hypothèses d’expert ou de théorie ?

Yves Gros-Louis, psychologue
- Intervenant depuis 1980 et consultant dans des centres de réadaptation en toxicomanie.
- Pratique privée depuis 1992 auprès d’une clientèle d’adolescents, d’adultes, de couples et de familles.
- Formateur, conférencier et consultant en thérapie orientée vers les solutions et en toxicomanie depuis 1995.
- Membre de l’Ordre des psychologues du Québec depuis 1981.


Autres sites sur la thérapie narrative
- Michael White et son équipe : www.dulwichcentre.com.au
- Jill Freedman et Gene Combs : www.narrativeapproaches.com

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