Les constellations familiales et systémiques sont un outil thérapeutique « inventé » et formalisé par un prêtre Allemand nommé Bert Hellinger, missionnaire en Afrique du Sud, reconverti comme psychothérapeute. L’homme s’est largement inspiré de la psychogénéalogie ainsi que de la manière dont les Zulus, parmi lesquels il vivait et qui sont très attachés au culte des ancêtres, réglaient leurs problèmes et conflits.
Sa méthode est en effet basée sur une loi psychogénéalogique qui veut que nous soyons tous, peu ou prou, conditionnés par notre histoire familiale. Nous sommes en quelque sorte « habités » par notre arbre généalogique, et le propos des constellations est, dans une large mesure, d’aller y remettre bon ordre, de fixer chacun à sa juste place avec les responsabilités qui lui incombent. En d’autres mots, de rendre symboliquement à ceux à qui elles appartiennent les valises que nous trimballons pour eux, par fidélité inconsciente et qui nous empoisonnent l’existence.
Et comme le premier pas vers la libération est la prise de conscience, l’idée est de projeter une problématique familiale ou systémique dans un espace en trois dimensions (qu’on appellera « le champ » et qui sera délimité dans le cabinet d’un thérapeute, ou quelque autre pièce adéquate voire dans la nature), à l’aide de représentations physiques de ses différentes composantes, afin d’observer comment est configuré le système, de quelle façon il évolue, quelles sont les interactions voire les intrications entre ses membres, où sont les blocages. Avec l’espoir de dégager des pistes pour l’amener vers une dynamique plus fluide.
La constellation permet de mettre en lumière des modes de fonctionnements inconscients qui sont très souvent transgénérationnels et amènent, de manière répétitive, dans la vie d’une personne des conflits (familles déchirées, incapacité à former un couple stable, à trouver sa place dans la société…) ou des situations inconfortables voire dramatiques pouvant parfois ressembler à des malédictions : faillites en série, suicides, abus, maladies, addictions diverses (alcool, drogues, boulimie,…).
J’ai trouvé quelque part cette définition que je trouve assez parlante :
« Consteller, c’est œuvrer à pacifier des héritages inconscients qui aliènent pour générer des liens qui libèrent ».
Mais la constellation ne se limite pas aux liens familiaux. Il est possible de consteller n’importe quelle situation, n’importe quel système quel que soit son contexte, de l’entreprise au pays en passant par toutes les communautés imaginables.
Le thérapeute, facilitateur ou animateur de la constellation amène tout d’abord la personne qui rencontre une difficulté et souhaite la consteller - appelons-le demandeur - à synthétiser son problème en quelques phrases tout en prenant conscience de ses émotions et de ses ressentis corporels face à ce qu’elle exprime afin de court-circuiter le mental. Ensuite, les composantes de la problématique – représentées soit par des êtres humains si on pratique en groupe, soit par des symboles ou des figurines si la constellation se fait en cabinet - seront placées intuitivement par le demandeur dans le champ. La manière dont les représentants seront disposés – la « constellation » qu’ils vont former - est déjà en soi significative de ce qui se joue dans le système, qu’il soit familial ou autre.
Le fait de regarder ce qui se passe de l’extérieur permet au demandeur de discerner ce qu’il est parfois est incapable de voir tout absorbé qu’il est par le problème. Il existe pourtant une autre approche - celle d’Alejandro Jodorowsky - qui consiste à plonger d’emblée le demandeur dans le champ et à lui faire vivre sa constellation en immersion pour qu’il s’imprègne physiquement, à un niveau cellulaire, des émotions qu’elle va dégager. Car tout l’intérêt d’une constellation est qu’elle ne travaille pas au niveau du mental mais à celui de l’émotionnel et même de l’inconscient.
Les informations révélées par les mouvements instinctifs et ressentis émotionnels ou physiques des représentants dans le champ vont généralement apporter des indications sur l’origine du problème, aider à comprendre le fonctionnement du système et mener potentiellement à des prises de conscience. Une personne qui a, par exemple, des difficultés à trouver sa place dans sa famille ou même dans la société pourrait découvrir qu’elle n’est pas le premier enfant de ses parents mais le second – la mère ayant fait une fausse couche dont elle n’a jamais parlé. Parfois, le seul fait de remettre de l’ordre dans la représentation physique du système, en nommant chaque membre de la fratrie et son numéro d’ordre dans le système peut changer la donne. Un travail se fait « en sous-marin » au niveau de l’inconscient, non seulement pour le demandeur mais parfois aussi, assez étrangement, pour le reste de la famille.
Il existe en psychogénéalogie une règle impliquant qu’un membre banni ou occulté dans un système familial revienne « frapper à la porte des générations suivantes », entraînant de manière transgénérationnelle des répétitions de situations désagréables. En redonnant sa place à celui qui a été exclu, oublié ou caché pour l’une ou l’autre raison (sans pour autant cautionner ses méfaits si méfaits il y a eu), on peut parfois désamorcer ces espèces de « fatalités » ou en tout cas alléger, libérer quelque chose.
Cela dit, l’arbre généalogique qui nous habite n’est pas seulement porteur de lourdeurs. On peut aussi y puiser forces et ressources, qui se manifesteront d’ailleurs certainement dans le champ et pourront aider à la résolution du problème.
L’animateur de constellations se doit d’être doublement prudent. D’abord parce que le travail se fait ici dans l’inconscient. Non seulement celui du demandeur mais également celui de tous les intervenants. Ensuite parce qu’il faut se garder d’interpréter abusivement ce que pourrait révéler le champ. Des situations très délicates et traumatisantes apparaissent parfois dans les constellations, comme des abus sexuels, des incestes, des paternités douteuses, l’existence de frères ou sœurs cachés, des secrets de famille un peu sulfureux, etc. Il arrive que ces éléments soient corroborés par le demandeur mais pas toujours. Si le champ ne ment jamais, il ne reflète pas nécessairement la réalité exacte des faits. Il peut s’agir d’un climat psychologique incestuel (sans passage à l’acte) plutôt que d’inceste factuel. De la trace énergétique ou émotionnelle d’une situation plutôt que de sa matérialisation dans les faits. En tout état de cause, que les faits soient réels ou non, s’ils apparaissent ainsi dans une constellation, c’est que le demandeur les a ressentis – à un niveau conscient ou non - comme tels et en a indubitablement été affecté, le plus souvent de manière inconsciente mais très prégnante. L’animateur va donc devoir tenir compte de cette composante mais agir avec la plus grande délicatesse. L’animateur, tout comme chacun des participants d’un atelier de constellation, devra également s’engager à la confidentialité sur ce qui se passe durant le processus.
Il est impossible de garantir qu’une constellation apportera une solution au demandeur. Mais il y a toujours « quelque chose » qui se passe. Tout dépend du degré de conscience et d’acceptation du constellé. Un dénouement ne peut survenir que si le demandeur est prêt à voir certaines choses, à les reconnaître, à les accepter. Il ne s’agit pas ici d’un jugement de valeur. Etre prêt dans sa tête ne suffit pas. Il faut que les profondeurs de l’Etre soient d’accord aussi et en cette matière, le cerveau n’est pas le maître. Parfois le champ fait émerger d’énormes résistances que l’inconscient a mises en place. Certaines techniques permettent de tenter de les faire fondre, mais le thérapeute doit travailler avec la plus grande douceur. Ne jamais rien forcer. Et en aucun cas « plaquer » une solution de son crû. C’est le champ lui-même qui décide. Pas question non plus culpabiliser le demandeur ou de le laisser sur sa faim. Il y a toujours quelque chose qui peut se dénouer, un pas à faire même si c’est un tout petit pas. Le constellé qui repart en se disant « Tiens, je n’avais pas vu ça sous cet angle » a déjà avancé. Son inconscient aura « lâché » un tout petit peu. Et c’est sans doute assez pour l’heure. Il faudra alors y revenir, remettre l’ouvrage sur le métier encore et encore. Associer d’autres approches thérapeutiques complémentaires.
La constellation est une voie, pas une panacée. A chacun de trouver la sienne.