Est-il plus difficile d’être parent aujourd’hui qu’il y a 30 ans ? Beaucoup répondraient que oui… ce qui est certain, c’est que c’est différent ! Les modèles éducatifs reçus de nos parents ne peuvent s’appliquer à notre époque : tant de choses ont évolué.
Alors, comment trouver des repères ? Comment s’orienter, tenir le cap ?
Nombre de parents se retrouvent au bout du rouleau, en burn-out, perdus parmi tous les conseils proposés par notre société. Il est difficile de rester imperméable aux multiples messages véhiculés en tous sens par nos enfants, par les autres parents, par l’école, par la publicité, les médias …
Nous voulons le meilleur pour nos enfants. Beaucoup de parents que nous rencontrons dans notre pratique professionnelle nous disent que sur le plan de l’éducation de leurs enfants, ils veulent ne pas se tromper. La pression est si forte : il s’agit que les enfants réussissent bien à l’école pour avoir un bon boulot et une belle « situation » qui leur assurera un avenir prometteur …
Une maman partageait cette réflexion : « Quoi que tu fasses en tant que mère, tu seras coupable : si tu travailles à temps plein, tu ne t’occupes pas de tes enfants, si tu travailles à mi-temps, tu travailles à moitié et tu ne fais pas du bon boulot, si tu ne travailles pas, tu étouffes tes enfants ».
La culpabilité menace la créativité et les ressources des parents. Or, il est si facile de se sentir coupable. Il est très rare de recevoir un compliment d’un autre adulte à propos de l’éducation que nous proposons à notre enfant.
Avez-vous déjà entendu votre voisine/belle-mère/patron dire : « J’aime bien comme tu parles à ton enfant. C’est chouette l’éducation que tu lui proposes… » ?
« Tu devrais…, c’est pas comme ça ! Attends, je vais te montrer, moi à ta place, je… As-tu vu mon fils quand… ? Sais-tu que ma fille est encore la première de classe ? Son équipe de volley est encore championne »… et nous ne parlons pas des messages insidieux que nous renvoie la société : « Sois parent parfait ! Si ton enfant est premier, c’est que tu es bon parent. Il faut l’armer pour l’avenir, sans diplôme on n’est plus rien. Et même quand on est diplômé, c’est la galère pour trouver un emploi » …
La conséquence de tous ces messages, est que sans nous en rendre compte, nous tombons dans ce « diktat » imposé par notre environnement : lundi après l’école : piscine, mardi cours de musique, mercredi : judo, jeudi rien parce que c’est sa sœur qui va à la danse, vendredi c’est les courses, samedi re-judo. Et pour certains, il y a les matches et les compétitions, les prestations le dimanche. Quand l’enfant se repose-t-il ? Quand les parents soufflent-ils ? Quand n’est-on plus dans l’attente de résultat, quand acceptons-nous d’être dans le « rien » ?
Une chose est certaine, c’est que nous avons la conviction que nos enfants apprennent. Et nous répondons au modèle social contemporain.
Où est ce temps béni où l’activité relevait de l’exceptionnel et de la découverte ? Où l’enfant rentrait chez lui et pouvait s’ennuyer, être avec lui-même, jouer, inventer …
Non pas qu’il est nécessaire de n’avoir rien pour être heureux …Mais en fin de compte, après quoi courons-nous pour nos enfants ?
Dans le cadre de notre travail, nous avons écouté et entendu des enfants nous dire : Martine, 5 ans, en maternelle : « J’ai peur de rater mon année et de ne pas aller en première primaire ». Fin de primaire, certains enfants viennent consulter par peur de rater leur CEB. À 14ans, un ado dépité s’entend dire « Tu ne peux pas suivre, tu « descends » en technique » A ses oreilles, ça sonne comme une condamnation.
Un autre ado ne pouvait pas perdre au ping-pong, car il estimait qu’il devait bien ça à ses parents qui prenaient la peine de le conduire « Si je ne suis pas premier, mes parents vont être déçus alors qu’ils se sacrifient pour me payer ces cours ».
Qu’est-ce qui fait que nos enfants en arrivent à une telle conclusion ? Alors que les parents ne disent rien et ne demandent parfois rien explicitement… Mais implicitement, qu’attendons-nous, que demandons-nous à nos enfants ?
Cette prise de conscience semble nécessaire afin de se dégager et de choisir autre chose. Imaginons que votre patron vous demande le lundi, un rapport à remettre pour le mercredi, et à faire après votre temps de travail, et que de surcroît, vous deviez préparer la réunion de jeudi, en sachant que la semaine va se conclure par la défense de ce rapport devant l’équipe. Parallèlement, vous êtes dans un club de sport où les autres comptent sur vous pour gagner le match du week-end, vous imposant donc 2 entrainements supplémentaires, en semaine, bien sûr. Reste à gérer votre temps de parentalité, le plus jeune a une gastro et réclame votre attention. Et pour les sceptiques, ajoutons peut-être un petit courrier du contrôleur fiscal ! Voilà le genre de pression que vivent nos enfants au quotidien…
Et si nous voulons changer d’objectif, serait-ce si dangereux pour notre enfant, d’attendre de lui qu’il s’épanouisse et non qu’il réussisse ? De valoriser l’être humain et non l’élève ? Et s’il n’est pas compétiteur, qui peut-il être ? Et s’il n’est pas premier ou deuxième, que peut-il faire ? Et puis, c’est quoi, gagner ? |
Le constat général ne devrait pas amener le lecteur à penser : « J’ai tout raté, je suis mauvais, on se plante dans notre éducation… je mets trop de pression à mon enfant, qu’est-ce que je suis en train de faire ? » Mais plutôt, prendre le temps de s’arrêter sur le sujet et de trouver comment ouvrir la vanne-soupape de cette fameuse pression. Que lâcher ? Et dans quel but ?
Une campagne organisée en Belgique par Yapaka (Communauté Française), intitulée « L’Exemple, c’est nous » nous interpelle. Quel modèle, quelle valeur exemplative, proposons-nous à nos enfants ?
Et si nous arrivions à nous approprier le modèle suivant : RALENTIR.
Peut-être pas tout le temps, mais à certains moments, sans rien dire aux enfants (pour ne pas à nouveau retomber dans la pression. Ils seront les premiers à le voir, de toute façon). Concrètement, c’est s’asseoir par terre, s’arrêter pour jouer avec lui, se promener avec lui, jouer à un jeu de société/vidéo avec lui (s’intéresser à son univers), prendre le temps de rêver ensemble, de ne rien faire en sa compagnie, se prendre un temps pour soi sans son enfant, se faire du bien, savourer les petites choses de la vie. Savourer la qualité du moment partagé, sans en faire un devoir… Ou plutôt, si, peut-être au début, du moins…
Ralentir permet de savourer, de toucher le vide intérieur qui nous fait si peur, et qui pourtant peut être si riche, c’est laisser la place à l’immatériel, à ce qui nous habite de plus précieux. C’est apprendre à lâcher, à se faire confiance, et du coup, à libérer son enfant, à faire place à la créativité. Apprivoiser cet espace de vide qui peut nous être si étranger, et dans lequel tout peut émerger.
Évidemment, c’est plus facile à dire qu’à faire. Peut-être sera-ce plus facile à faire pour certains que pour d’autres. Certains y arrivent avec un naturel déconcertant, alors que pour d’autres, cela éveillera le sens du devoir. Il n’est pas question de laisser à nouveau poindre la culpabilité à cet endroit puisque nous faisons de notre mieux.
En fait, il est question de notre personnalité de parent, qui peut résonner face à celle de notre enfant. À nouveau, c’est la prise de conscience de notre fonctionnement et de celui de chacun des membres de notre famille, qui peut nous aider à mieux comprendre et accepter ce qui s’y vit… Tout un programme… qui peut se travailler, qui fait grandir petits et grands…
Jean-Marie Hoton et Anne-Sophie Thiry pour L’Autrement dit
Anne-Sophie Thiry est Formatrice, thérapeute. Formée en Thérapie Systémique brève, en Communication Non Violente, en approche des personnalités, praticienne en PNL, et en Hypnose Eriksonienne, et formée aux ateliers de soutien parental courant humaniste : Roger’s, Faber et Mazlish et à la méthode Gordon. Elle est en cours de formation à l’Université de Lille 3 pour l’obtention d’un Diplôme Universitaire en Thérapie Émotionnelle Comportementale et Cognitive ( TECC à Lille 3).
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