Notre temps social est compressé, rapide, pressé et bousculé par beaucoup de choses à faire en peu de durée. Il est très organisé, sans fantaisies, pas loin d’être rigide.
Nous ne nous donnons plus guère de temps pour la méditation, la poésie, l’art.
Nous n’avons plus beaucoup de temps à passer gratuitement les uns avec les autres, en intergénérationnel : temps pour écouter babiller les petits enfants ou radoter les vieux...
Opération de l’esprit bien hasardeuse, presque impossible !
Si je m’en réfère à Merleau-Ponty, Minkowski et d’autres philosophes, le temps [1], c’est nous, chacun de nous, nous tous ensemble et les choses de l’univers. Nous sommes un espace et aussi un temps à l’état naissant, en train d’apparaître. ( Minkowski : Mon Moi se confond dedans sans se renoncer )
Nous sommes aussi temporalité, ce qui induit davantage l’idée d’une durée, d’un écoulement [2]. Alors que dans le monde objectif, spatial, saisi par les organes des sens, il n’y a que des « maintenant », nous savons cependant que le passé et l’avenir, sans constituer des données perceptibles, sont des réalités existantes, terminées ou potentielles, et sont parties de notre nous [3], dans nos racines et nos projections. On saisit donc le temps, entre autres, par sa progression, son écoulement vers un avenir indéfinissable ... Masse d’un devenir imprévisible, insaisissable [4].
Doté de sa conscience réflexive, l’être humain va tenter de se débrouiller, de comprendre et même de dominer jusqu’à un certain point la réalité mystérieuse du temps [5].
A. Nous sommes un Réel-conscient du temps :
notre conscience par rapport au temps et à la durée - durée en général et notre durée à chacun - est immanente.
Elle s’exerce par des pensées et des actes de remémoration ou des projections dans l’avenir. Elle s’exprime par le langage, ses signes et symboles, ce qui permet d’insérer les autres dans l’appréhension que chacun a de sa propre durée.
1. Dans l’ordinaire de notre quotidien, assez habituellement, nous faisons une sorte de synthèse intuitive d’une « temporalité en transition » :
maintenant et ce qui vient juste de se passer et qui est en train de s’accomplir. Synthèse, et intuition d’un mouvement qui se déploie, et que nous pouvons goûter optimalement en vivant notre vie et en la pensant quelque peu intuitivement, davantage qu’en voulant construire intellectuellement la synthèse elle-même.
2. Mais nous dépassons régulièrement cet « ordinaire » :
B. Dans les sociétés et les cultures occidentales [6], on découpe le temps et la temporalité en séquences standardisées, scandées par des chiffres qui indiquent des moments et des durées repérables par tous de façon contraignante [7].
« Quand il est midi à Bruxelles, il est 6 heures à New York ; l’hiver occidental commence le 21 décembre et dure trois mois » « Tu dois travailler chaque soir 1 h 30, entre 17 heures 30 et 19 heures »
On peut parler d’une représentation et d’une organisation du temps officiel, administratif. Indispensable instrument réel autant que « symbole social », le temps officiel sert de repère inéluctable pour structurer nos conduites tellement interdépendantes et organiser la vie commune avec suffisamment de prévisibilité et de coordination, sans sombrer dans le chaos : Mieux vaut donc que nos montres soient à l’heure. Même la grande majorité des ados sont d’accord la-dessus, qui doivent venir à des rendez-vous avec leur copine. Ils ne seront peut-être pas à l’heure, mais au moins ils connaissent l’heure !
c’est de lui donner des applications à la fois spatiales, et marquées par l’affectivité, les dynamiques relationnelles.
Qualifications au demeurant plus ou moins enchevêtrées et superposées.
A. C’est ainsi que nous mettons en place le temps social qui, en Occident, est largement influencé par le temps industriel, marqué par l’obligation de productivité, le rendement financier, la consommabilité ( Zarifian (2001) : il existe une captation économique du temps humain )
Notre temps social est compressé, rapide, pressé et bousculé par beaucoup de choses à faire en peu de durée. Il est très organisé, sans fantaisies, pas loin d’être rigide.
Nous ne nous donnons donc plus guère l’autorisation de passer du temps à ne rien faire, de rêvasser ; même l’ado contemporain, plutôt que d’être couché sur son lit à écouter de la musique, a tendance à se scotcher à son ordinateur pour y vivre les vagabondages de son esprit.
Nous ne nous donnons plus guère de temps pour la méditation, la poésie, l’art – la création artistique, aujourd’hui est organisée dans des stages payants -. Nous n’avons plus beaucoup de temps à passer gratuitement les uns avec les autres, en intergénérationnel : temps pour écouter babiller les petits enfants ou radoter les vieux, temps pour visiter les morts, que nous compactons dans les centres de crémation.
« ... Nombre d’enfants apprennent donc très tôt et même trop tôt qu’ils vivent dans une société férue de productivité où « le temps c’est de l’argent », où le temps social, celui du travail l’emporte sur tout, où les loisirs sont considérés comme de l’oisiveté, cette mère de tous les vices, où il faut travailler plus pour gagner plus, où le faire et l’avoir l’emporte sur l’être. Pas question de perdre du temps précieux : le travailleur qui produit, fabrique, crée, agit, fait quelque chose de bien, d’utile, de rentable ne se laisse pas entraîner par des sollicitations qui le détournerait de ses objectifs.
Enfants ou adolescents ont donc l’habitude d’entendre des remarques en forme d’injonction paradoxale sur tous les tons, à la maison, à l’école, dans les espaces périscolaires de la part d’une figure d’autorité s’impatientant devant leur lenteur désinvolte et affichée : « Allez ! Surtout, ne te presse pas ! Prends ton temps ! » C’est un rappel à l’ordre dont tout écolier sait l’importance : Adieu, bain tiède où il se prélassait : Le temps social - ce temps découpé, codifié et imposé à tous selon des règles admises auquel chacun, se rallie sans discuter s’il veut prendre sa place et sa part dans la communauté, n’attend pas. Pis encore : On n’ampute pas le temps social au profit du temps privé, et inversement on ne laisse pas envahir temps privé par le temps social. Ainsi peut-on gagner du temps, en étant plus disponible et plus libre pour faire ce que l’on doit faire au moment où on le fait ... » ( Sibertin-Blanc, 2006 )
B. Nous nous référons aussi à un temps que nous appelions personnel ou privé. Il est consacré à des choses décidées par celui qui le vit selon sa propre conception du temps : projet qui se déroule à son rythme, rêve, loisirs ... plaisirs.
C’est la sa différence essentielle avec le temps social commun. Pour le reste il peut se dérouler dans l’anarchie, la fantaisie ... ou l’organisation, parce qu’y a été créé un nouvel ordre parallèle du temps.
Il peut se vivre individuellement, en petit groupe, en famille ... . Le temps personnel peut être montré publiquement, mais il existe aussi un temps intime, non partagé avec les autres.
C. Anne Courtois ( 2002 ) évoque encore le temps culturel, une des organisations fortes de la vie culturelle, avec ses fêtes, ses rites qui sont des transitions vers d’autres phases de la vie sociale et individuelle.
Et il y aussi le temps familial, caractérisé par des cycles qui s’enchevêtrent ( cycle : notion d’irréversibilité et de périodicité ... ) et aussi par des rituels ( stéréotypées, répétitifs ) qui ouvrent la porte vers d’autres avenirs.
Nous nous référons par là à l’expérience interne du temps : L’intuition mêlée d’affects qu’en a le sujet ... la sensation du temps ( cfr, plus haut, l’idée que spontanément nous faisons une synthèse de « brèves durées transitoires » : un peu de passé, le présent, un peu d’avenir )
Il n’est pas du tout modulable sur le temps officiel : la même durée objective de temps vécu peut paraître interminable ou passer à la vitesse de l’éclair.
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I. Il me paraît raisonnable d’éduquer le petit enfant à comprendre le temps officiel, celui des horloges, et à en tenir compte pour régler de larges secteurs de sa vie. Autant pour le temps social et culturel, dont la connaissance se transmet encore plus par le témoignage de vie des parents que par des paroles. Eh non, papa et maman ne font pas tout ce qu’ils veulent ! Ils sont pris et partie-prenante de nombres de contraintes, qui leur prennent des horaires et des durées précis.
Ce secteur de l’éducation fonctionne d’ailleurs plutôt bien. Précocement, à partir de cinq-six ans, beaucoup s’identifient au fonctionnement des adultes, en gardant cependant le désir de se garder davantage de temps personnel que ceux-ci. A l’adolescence notamment, la proportion de ceux qui s’accrochent plus fort à un temps vécu quasi limité au présent va augmenter ; ils détestent entrer dans un cadre où l’avenir est organisé avec précision et éludent les questions du genre « Quand vas-tu ..., ? », ce qui enrage nombre de parents.
Une partie non-négligeable des enfants est plutôt fascinée par ce qui se raconte sur le temps passé, où se trouvent leurs racines et, au fond, une partie d’explication du pourquoi ils vivent. On retrouve pêle-mêle dans cette catégorie les fantaisistes amateurs de dinosaures, ceux qui raffolent des histoires racontées par leurs grands-parents ou ceux encore qui, via Internet, deviennent des érudits dans l’histoire de la mythologie, celle des armes, des instruments de musique, de la seconde guerre mondiale ou des empereurs romains. Beaucoup, sans s’en rendre compte, sont à la recherche de réponses à une énigme plus personnelle inscrite dans leur généalogie.
A l’opposé, d’autres sont davantage fascinés par des questions et des représentations sur ce que sera l’avenir. Plutôt que lire les philosophes et les sociologues, les voici plutôt occupés à faire fonctionner leur imagination à travers mangas et autres récits de science-fiction.
II. Il faut espérer que les adultes en position d’éducation ne se montrent pas les esclaves-zambiens du temps social, sachant le critiquer, le remodeler et surtout s’en dégager pour se réserver de vrais temps personnels, seuls ou en famille.
Quant à la petite rêveuse de sept ans bien plus intéressée par le jeu que par l’étude, peut-être faut-il rappeler aux adultes concernés la consigne hélas trop peu suivie du ministre Nollet (Belgique) « Pas de devoirs à domicile »
Nollet n’avait peut-être pas tort et donc, s’il y en a quand même – un peu, espérons-le -, on ne peut pas lui éviter ce moment de travail, mais peut-être le lui faciliter, quitte à lui donner l’une ou l’autre réponse, et l’on devrait garder infiniment de patience pour la soutenir, d’espérance sur le fait qu’elle va grandir toute seule, et de tendresse pour ses investissements ludiques. Espérons donc que les adultes cesseront d’être des adultes impatients, en attente de résultat et de rendement rapide pour tout et n’importe quoi.
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Ma réponse sera prudente. Ce serait commode, parce que je fais une conférence sur le temps, de vous répondre « oui » et de vous présenter certaines pathologies que nous connaissons déjà avec le rapport au temps comme fil conducteur central. Je serai plus modeste et je vous présenterai plutôt celui-ci comme un symptôme, un indicateur qui peut être douloureux dans des ensembles.
A vous de voir également si ce peut être considéré comme de la psychopathologie ou, simplement, comme des moments douloureux mais somme tous normaux dans des évolutions qui ne sont jamais sans épines.
I. Enfants qui, lors d’une phase de leur évolution, ne comprennent pas le temps comme Instance de principe ou comme application, et qui en souffrent.
Antonin ( dix ans ) souffrait d’un grave syndrome d’« Asperger », et était malade d’angoisse autour de métaphores appliquées au temps, notamment quand on évoquait sa vitesse vécue variable ou quand on annonçait qu’il s’écoulait.
Les tout petits ne maîtrisent pas bien la durée et commencent par confondre « quelques dodos » et « jamais »
II. Se soumettre au temps social ou lui résister
Ici, le problème est plus vaste que le seul rapport au temps. Le temps n’est qu’un indicateur, c’est tout l’ordre social qui peut être en question. A leur propos, on peut distinguer ( Sibertin – Blanc, 2006 ) :
III. Un certain nombre d’adolescents vivent principalement au présent immédiat
Il peut s’agir en partie de l’opposition qui vient d’être évoquée, mais c’est aussi qu’ils sont tous pleins d’une énergie vitale qui les déborde.
Leur fonctionnement est caractérisé par la mouvance ; projets et investissements enthousiastes, mais labiles, inachevés et discontinus ; recherche de satisfactions immédiates dans le recours à l’action ... ou oisiveté sans planification, souvent en petit groupe, ou alternances activités/actions peu réfléchies. Ils détestent programmer, prendre des engagements à moyen ou long terme, au grand désespoir de leurs parents ; ils se laissent aller à l’imprévu et sont vraiment incapables de dire ce qu’ils feront après-demain ( Baranès, 2001 )
IV. Les inacceptations du temps tel qu’il se déroule
Espérance illusoire que l’on rencontre notamment autour de la préadolescence et de l’entrée dans l’adolescence. Elle est au cœur de dépressions, phobies scolaires et autres angoisses ( de séparation ) de fin de scolarité primaire. Elle se réalise aussi, comme motivation principale ou complémentaire, dans une partie des anorexies mentales des adolescents, surtout celles à tonalité plus dépressive ;
Peur de sa propre adolescence, trop présentée dans les médias comme temps du déchaînement
Peur d’être comme obligé de quitter sa famille ; peur de la mort des parents ; peur de sa propre mort
Peur d’un monde extérieur hostile ; peur de l’incertitude et des agressions de l’avenir
Peur de ne pas être à la hauteur, face aux pairs et aux adultes : ne pas trouver sa place dans le monde des adultes ... s’y sentir étranger, vulnérable au milieu de celles et ceux qui ont su franchir le pas.
V. Dans nombre de dépressions, la personne affectée « sort du temps » ou, à tout le moins, le temps ( vécu ) se ralentit, paraît interminable, épais, sans saveur, menaçant, sans sens. La vie s’échappe par des trous froids du temps. Il n’y a plus ce que Bergson appelait un élan vital fort, qui crée un avenir de l’ordre de l’œuvre qui s’ébauche, et non plus du brouillard inconsistant. Le sujet sort du cycle tension anticipatrice – création de l’œuvre – détente.
Ainsi certains ados sub-dépressifs se persuadent-ils de plus en plus du non-sens de la vie, perdant leur élan vital créateur et passant le temps à ne rien faire sans joie, à fumer, écouter du heavy metal ou s’anesthésier dans des jeux vidéos ultra-violents.
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L’être humain, porteur de toute sa complexité, porteur des mille nuances de ses pensées, a certainement besoin de temps. Temps pour méditer et penser en paix. Pour saisir qui il est, se connaître et se reconnaître. Pour s’évaluer tout seul, sans la pression des autres, pour peser le pour et le contre de ses choix. Pour tâtonner, évaluer tel ou tel changement. Temps pour penser un projet, ses principes et les détails d’organisation qui lui sont inhérentes.
Ce temps de la méditation lui est-il encore reconnu ? De ce qui précède, il y a de quoi douter, mais aussi de quoi lutter pour revalider ce temps de la nécessaire réflexion.
L’être humain a aussi besoin de temps pour souffler, récupérer, se reprendre, se refaire, s’amuser.
Il a également besoin d’être respecté dans les différents temps ( social, personnel, familial ... ) qui structurent sa vie.
I. L’organisation de la Santé Publique contemporaine reconnaît-elle l’importance de ces temps de méditation et de ressourcement ?
Certainement pas complètement, en tout cas. La tendance est à presser les gens, au nom du rendement.
Les mères jeunes accouchées peuvent résider de moins en moins longtemps en maternité. En chirurgie, l’hospitalisation de jour se substitue de plus en plus aux quelques jours de repos post-opératoires, et pas seulement parce que les techniques sont moins agressives.
Paradoxalement, les patients sont de plus en plus bombardés d’informations hyper-détaillées, à l’Américaine, mais on ne se donne pas le temps de vérifier ce qu’ils en ont compris et les questions qu’ils posent vraiment, et ils sont pressés de prendre des décisions rapides.
Quant au temps de l’enfance, temps de fragilité et d’immaturité, il est régulièrement malmené lui aussi. On donne parfois trop d’informations trop détaillées et trop de pouvoir de décision aux enfants très malades, au nom de la démocratie et des libertés individuelles, plutôt qu’en sachant continuer à les protéger, en décidant pour eux à leur occasion.
On enferme parfois aussi indûment de très jeunes adolescents dans des directions de vie qui les séduisent momentanément comme, par exemple, en autorisant dès douze ans les traitements hormonaux de celles et ceux qui se sentent transsexuels à cette époque de leur vie.
II. Et dans le champ de la santé mentale ?
Sans doute faut-il saluer cette particularité administrative belge, bien positive, qui consiste à prévoir le remboursement de psychothérapies prestées par des psychiatres en fonction du temps qui y est consacré, et en ayant prévu des unités de temps suffisamment conséquentes. Cette mesure n’a pas l’air menacée. Pas pour le moment, mais ...
L’ambiance générale est quand-même, ici aussi, plutôt à rechercher le compactage, la réduction et la rentabilisation maximale du temps. Un certain nombre de démarches psychothérapeutiques visent à réduire rapidement des symptômes gênants plutôt qu’à mobiliser lentement des structures, qu’elles soient intrapsychiques ou relationnelles. Pour mobiliser des structures, il fallait du temps : temps pour une écoute patiente, temps pour laisser les personnes réfléchir et peser le pour et le contre face à nous, temps pour tâtonner, faire des expériences à la maison.
Et qui ose encore vraiment se lancer aujourd’hui dans des aventures à durée indéterminée avec des familles, ou donner à des enfants qui en ont vraiment besoin deux ou trois rendez-vous par semaine un certain temps ? Moi, ça ne m’est arrivé qu’une fois ces trois dernières années avec un jeune préadolescent très dépressif, Jonathan, dont je vous parlerai plus loin en détails.
Mais ce temps de la longue méditation ensemble est discrédité. Une nuée de chercheurs nord-américains, d’obédience béhavioriste et organiciste, nous disent que les thérapies introspectives de longue durée ne servent à rien et que seule, la combinaison des médicaments et de techniques cognitivo-comportementales en six semaines amènent des « significative improvements » Six semaines, comme par hasard, ce sont les Unités de durée remboursées par les compagnies d’assurances d’Oncle Obama.
Soyons donc vigilants pour que nos prêtres administratifs tout juste rentrés du Québec et de Boston ne viennent pas gâcher par des exigences à durée limitée notre droit de réfléchir en profondeur, sur le chemin de la vie, avec les enfants, les adolescents et leur famille.
« Avec le temps, va ... » ( Léo Ferré )
Jean-Yves Hayez, psychiatre infanto-juvénile, docteur en psychologie, professeur émérite à la Faculté de médecine de l’Université catholique de Louvain.
Courriel : jyhayez@uclouvain.be
Site web de Jean-Yves Hayez : www.jeanyveshayez.net
[1] Evoquons E. Minkowski, s’inspirant de Bergson : Masse fluide ; océan mystérieux autour de Moi, en moi, partout. Phénomène primitif, qui ne se laisse pas cerner par la pensée discursive qui, entre autres, met en place des « successions » ( de sentiments, d’acte-représentation du temps kaléidoscopique ) ( Minkowski, 1933 )
[2] L’idée de l’écoulement est très liée à celle du temps : Héraclite employait la métaphore du fleuve où l’on ne se baigne jamais deux fois. Bergson : la durée s’écoule, du moins celle que nous vivons, dont nous avons l’intuition, avec une constante organisation ( et inorganisation ) vivante. Idée d’un élan vital qui crée l’avenir devant nous, sans qu’il soit totalement prévisible.
[3] Heidegger dit que le temps est indispensable pour expliciter l’être ( « interprétation des signes laissés par le temps pour bien comprendre l’être » ) ... Mais, plus banalement, c’est aussi la position des psychothérapeutes et, de facto, intuitivement de bien des êtres humains lorsqu’ils s’adressent aux autres.
[4] Zarifian (2001) : On ne devrait pas dire « l’enfant devient homme », mais « il y a du devenir de l’enfant à l’homme – la réalité c’est le devenir »
[5] P. Ricoeur dit que le temps humain est toujours un temps raconté. Il y a une expérience culturelle du temps, qui se met en forme par et dans toutes sortes de relais symboliques, dans les récits historiques ( Ricoeur, 1991 ) J’ajoute : « et aussi dans les mises en scène de science-fiction dont tant de jeunes sont friands : ils cherchent à maîtriser un temps à venir non exempt d’épines »
[6] La « conception » du temps n’est pas la même dans toutes les cultures ...
[7] Temps « objectif », construit par l’homme, mesuré par des conventions ( qui s’appuient en bonne partie sur les cycles naturels )
Jean-Yves Hayez est psychiatre d’enfants et d’adolescents, docteur en psychologie et professeur émérite à la Faculté de médecine de l’Université catholique de Louvain (Belgique).
Site de Jean-Yves Hayez