L’appellation « stress » fait immanquablement référence au dérèglement d’un système organisé qui n’arrive plus à accomplir ce pourquoi il a été conçu, comme par exemple le survoltage d’un appareil électrique qui s’emballe et finit par griller un fusible. Chez l’être humain, système complexe par excellence, ce dérèglement peut se manifester de différentes manières.
Physiquement les symptômes vont du plus bénin au plus complexe : la tachycardie, les tensions musculaires diverses, la fatigue chronique, les douleurs abdominales ou cervicales, les ulcères mais aussi des maladies auto-immunes graves et même des cancers. Psychiquement les symptômes peuvent aussi aller crescendo : peur, angoisses, attaques de panique, jusqu’à la confusion mentale, la perte de confiance en soi et la dépression. Hans Seylie définissait le stress comme la tentative de l’individu de rétablir un équilibre face à une pression du monde extérieur à laquelle il ne pouvait répondre. Cette tentative de rééquilibrage de l’organisme est un phénomène psychobiologique complexe et en tout état de cause abouti à un ensemble de symptômes psychophysiologiques dont la composition dépendra de l’individu concerné.
Tous les hommes ne sont pas égaux devant le stress : certains avaleront quotidiennement 12 à 14 heures de travail sans éprouver de symptôme de stress alors que d’autres éprouveront de l’angoisse, des maux d’estomac à la seule perspective de travailler une journée normale de 8 heures (exemple le stress du dimanche soir à la veille de la reprise du travail). Cette inégalité des hommes face au stress résulte de l’interaction entre l’homme, porteur de son histoire, et son environnement. Comment se fait-il qu’un homme comme Martin Gray - échappé des camps de concentration nazis, marié après la guerre il perd sa femme et ses quatre enfants dans un incendie en France puisse continuer à vivre (il s’est ensuite remarié et a eu encore cinq enfants) - alors qu’une autre personne dont le chat sera écrasé par une voiture, s’effondrera ? Ce sont deux complexités différentes et c’est l’interaction entre l’histoire personnelle et l’environnement du moment qui déterminera le profil des symptômes exprimés.
Du stress simple au stress complexe
Du point de vue du stress les interactions entre l’individu et son environnement peuvent arbitrairement être rangées en deux catégories : il y a d’abord l’individu qui rencontre une situation ponctuelle simple comme un excès temporaire de travail par exemple. Il y a ensuite l’individu qui vit de façon répétée des situations frustrantes qui font écho à des événements vécus dans son enfance ou dans sa jeunesse, la mémoire desquels constituant une caisse de résonance amplifiant la souffrance ressentie aujourd’hui. Prenons l’exemple de cet enfant, qui, peu suivi à l’école était relégué au fond de la classe pour manque d’intérêt au cours, qui ensuite à l’adolescence, alors qu’il était fou amoureux d’une fille, s’est fait rejeter par elle et qui aujourd’hui est en instance de divorce. Comment cet homme, recevant son préavis pour cause de restructuration dans l’entreprise, va-t-il vivre ce nouveau rejet ? Il y a fort à parier que cet homme va revivre dans cette nouvelle situation une partie de la souffrance qu’il a connue précédemment dans des scénarios de rejet. Un autre stress simple est celui vécu lors d’une agression par exemple. Il existe des techniques de désensibilisation rapides (comme l’EMDR ) qui vont permettre de très rapidement résorber le traumatisme.
Mais que se passe-t-il lorsque ce trauma s’inscrit dans une personnalité anxieuse qui a vécu des situations d’insécurité dans son enfance ? Il est généralement le déclencheur qui fait remonter toute l’angoisse refoulée des situations antérieures et qui vient perturber son existence aujourd’hui.
Un stress simple, comme l’excès de travail ponctuel peut généralement être facilement absorbé par le système nerveux. Si ce stress simple devient récurrent il peut alors affecter les résistances de l’organisme, voire les dépasser et mener à un effondrement du système nerveux et finalement s’exprimer dans les symptômes les plus graves comme le burn-out ou la dépression. On voit dès lors que la notion de stress n’est pas aussi simple que cela et sa gravité dépendra du croisement entre l’histoire de la personne et la situation actuelle déclenchant les symptômes de stress. La charge psychosociale peut-être considérée comme cette interaction symptomatique entre l’histoire de la personne et le déclencheur du stress actuel.
Cette constatation a des conséquences importantes en ce qui concerne les stratégies à mettre en place pour gérer le stress.
Les stratégies pour gérer le stress
Les stratégies de gestion du stress proposées sont en général très efficaces pour combattre le stress dit « simple » car elles s’adressent aux premiers symptômes du stress : fatigue, nervosité, tensions musculaires. Pratiquement toutes sont une combinaison d’une activité physiologique impliquant la respiration et d’une activité mentale comme la visualisation ou la concentration. Parfois il s’agit de l’adaptation de techniques ancestrales comme le yoga ou le Taï Chi. Souvent une activité physique sportive est suffisante pour évacuer le stress simple. Pour être efficaces à long terme ces pratiques anti-stress doivent être intégrées dans la vie de la personne ; elle doit pouvoir les activer régulièrement.
C’est là que se situe le principal obstacle à l’efficacité de ces méthodes : une fois apprises au cours d’un séminaire de deux ou trois jours, elles sont pratiquées avec enthousiasme pendant un laps de temps assez court après le séminaire puis progressivement elles sont abandonnées. Comme le stress est un phénomène qui se manifeste régulièrement chez le travailleur, il est essentiel que celui-ci lui apporte une réponse régulière aussi. L’intégration des méthodes de gestion du stress dans la vie quotidienne est donc un élément fondamental pour le succès de celles-ci.
Quant au stress dit complexe, il ne peut être valablement contré par les méthodes psychophysiologiques habituelles car ses racines sont profondément enfoncées dans l’histoire de la personne. Les déclencheurs actuels du stress réactualisent d’anciennes souffrances psychologiques non résolues qui viennent envahir le champ de l’expérience consciente actuelle, empêchant la personne de réagir de façon adéquate à la situation stressante. Dans ces cas de figure il faut pouvoir disposer d’une approche qui prend en compte la complexité de la vie de l’individu. Cette approche doit aussi être utilisable de façon permanente pour pouvoir réagir au stress quand il se présente. La méthode la plus appropriée pour prendre en compte et réduire le stress complexe qui se manifeste chez les employés est ce qu’on appelle communément les Programmes d’Aide aux Employés ou PAE.
La caractéristique de ces programmes est d’offrir une ligne téléphonique gratuite pour les employés et les membres de leurs familles, ligne qui est accessible 24 heures sur 24, 7jours sur 7, toute l’année. Quelque soit le problème de vie sociale (juridique, légal, contrat, dettes, problème de voisinage, accident, séparation, divorce, droit des consommateurs, études, déménagement…) ou de difficulté personnelle (relations humaines, dépression, mal-être, conflits…) qui l’affecte, une personne couverte par un PAE peut composer ce numéro gratuit. Il trouvera au bout du fil quelqu’un qui est formé à l’écoute et qui l’aidera à clarifier sa demande le cas échéant. Dans les cas de questions relatives à la vie sociale, la personne y recevra une réponse à ses interrogations et si nécessaire des conseils d’action ; dans le cas de questionnement ou de souffrance psychologique, la personne au bout du fil sera à même d’accueillir et d’écouter la personne et lui proposer un accompagnement psychologique si nécessaire. L’accompagnement psychologique se présente comme une série d’entretiens en face à face avec un psychologue ou psychothérapeute professionnel proche du domicile de la personne. Le thérapeute va amener du soutien à cette personne, généralement en crise, l’aider à faire le point sur sa situation et élaborer avec elle un programme de sortie de crise et de changement.
Très souvent les questions relatives à la vie sociale cachent une souffrance non dite. Par exemple telle femme qui demande des informations juridiques sur les conditions de séparation d’avec son mari peut être amenée, si elle est bien entendue et bien accompagnée durant son appel téléphonique, à exprimer sa souffrance et son angoisse par rapport à la situation qu’elle vit, et le répondant pourra lui proposer de rencontrer un thérapeute qui va l’aider à traverser ce moment difficile de son existence.
En ouvrant donc largement son champ d’action dans le domaine psychosocial, le PAE va devenir une stratégie efficace pour répondre au stress complexe que génère la charge psychosociale des individus. L’accès permanent au programme conjugué au professionnalisme des répondants et des thérapeutes va permettre d’appréhender et de résoudre de façon continue la complexité du stress dû à la charge psychosociale. Ainsi telle personne travaillant dans l’entreprise, et dont le conjoint au chômage depuis un an et demi commence à manifester les symptômes de la dépression, pourra se sentir soulagée et travailler plus efficacement, lorsqu’elle saura que son conjoint est accompagné par un thérapeute qui va l’aider à sortir de la dépression.
Un couple en crise, dont un des partenaires travaille dans l’entreprise, pourra bénéficier de séances chez un thérapeute de couple pour l’aider à clarifier la relation et apaiser les tensions ; le partenaire travaillant dans l’entreprise, alors qu’il était tendu et mentalement absent de son travail, avec les conséquences que cela pouvait avoir, peut maintenant retrouver sa concentration et son efficacité au travail, tout en éprouvant plus de sérénité dans sa vie privée.
Stress et charge psychosociale
Le stress « simple », on l’a vu, peut être résorbé par des pratiques psychophysiologiques comme la relaxation, l’activité physique ou par des dérivés de disciplines plus anciennes comme le yoga. Ces attitudes anti-stress, pour être véritablement efficaces sur le long terme, nécessitent d’être pratiquées régulièrement pour faire face à la continuité du stress. Cette régularité à acquérir est semble-t-il la plus grande difficulté dans ces stratégies.
Le stress « complexe » quant à lui ne peut être contré que par des stratégies, d’application permanente et qui prennent en compte la complexité de la charge psychosociale, qui, elle, est spécifique de l’individu. A l’heure actuelle en entreprise, seuls les programmes de type PAE semblent rencontrer ces critères.
Daniel Collet-Cassart
Psychothérapeute, Consultant ICAS
Daniel Collet-Cassart est Psychothérapeute Gestaltiste, formé en psychotraumatologie et travaillant en EMDR, par VISIOCONFERENCE uniquement. Membre EMDR-Belgium et EMDR-France. Je reçois les adultes et les couples.
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