Une nouvelle année scolaire s’annonce avec son lot d’attentes et de bonnes résolutions. C’est le moment où Les enfants font souvent l’objet de recommandations visant à l’heureuse poursuite de leur cursus ou à son amélioration. Les parents comme les enseignants sont en effet soucieux de promouvoir les aptitudes présentées par le jeune pour accomplir ce nouveau parcours avec succès.
Mais il ne faut pas pour autant négliger le rôle joué par l’école au niveau du développement des capacités des élèves, en ce qu’elle offre comme structure et modèle de fonctionnement.
La rentrée pour certains implique la découverte d’une nouvelle école, de nouveaux condisciples et enseignants.
Cette confrontation à l’inconnu éveille toujours de l’anxiété et plus particulièrement chez les petits qui restent très attachés à leur cadre de vie, aux objets qui les entourent, aux êtres chers. De fait, il existe un rapport intime entre soi et l’environnement dépositaire de nos vécus, de nos expériences affectives. Nous connaissons tous la nostalgie des maisons de notre enfance habitées de nos souvenirs, dont les murs parlent comme autant de signes de nos premiers attachements. Aussi, lorsque le jeune se distancie de son cocon familial, perd-il une part de lui-même et doit-il effectuer un travail de réappropriation de soi au contact du nouvel univers. Ce travail se fait par le tissage de liens de confiance, de liens de similarité entre les deux mondes, le familier et l’étranger. Ces liens aident à passer du monde connu à l ‘ inconnu lorsque qu’un cadre suffisamment sécurisant et protecteur parvient à s’y recréer. C’est à ce prix que l’esprit de découverte et la curiosité naturelle de l’enfant sont éveillées.
Nous mesurons ainsi la nécessité des contacts entre l’école, ses responsables, et les parents, le besoin d’une coordination efficace afin c’accompagner au mieux l’enfant et ceci vaut particulièrement pour les maternelles et le fondamental.
Car l’investissement des parents dans le projet scolaire sert de point d’appui à l’enfant dans sa quête de savoir. Si celui-ci sent des désaccords, il en ressentira un malaise, un désaveu peu propice à son épanouissement.
J’en veux pour preuve, les problèmes d’inscription dans le secondaire ; malgré la déception pour l’enfant et les parents de ne pouvoir accéder à leur préférence (le choix dépendant de l’administration) il est néanmoins souhaitable que les parents soutiennent l’option retenue afin de prévenir le développement de mouvements conflictuels, de tiraillements entre l’enfant et son milieu scolaire, sachant que le jeune accrédite toujours en dernier ressort l’opinion de ses parents.
L’agenda de la semaine, les horaires sont non seulement utiles pour la gestion des cours mais ils constituent également des points de repères qui balisent le quotidien, qui font relais avec les premiers organisateurs de la vie de l’enfant : les tétées, les repas, les états de veille et sommeil, les différents moments de présence de l’adulte, les temps de jeu et les pauses. Les instituteurs et professeurs sont attentifs à cette scansion qui ponctue la vie scolaire et lui donne une structure. Ce découpage du temps, la répétition périodique conforte l’enfant et le convie à l’anticipation, faculté ô combien précieuse pour apprendre à planifier ses actions.
Signalons au passage, qu’il en est de même à la maison : il est nécessaire d’observer une hygiène de vie en créant des habitudes, des rituels (goûter par exemple, jeux) en ménageant des plages où l’enfant étudie et d’autres où il se divertit.
Contrairement à une idée reçue, le jeu n’est pas antinomique à l’acquisition d’un savoir ; à l’opposé, il facilite les apprentissages grâce à l’activité psychique qui s’y déploie, l’important étant de produire des pensées dans un espace de liberté.
Car le jeu tout comme le rêve régule la vie psychique ; ces moments de libre fantaisie permettent de digérer les évènements de la journée, de les remanier, de les enrichir en fonction de la sensibilité de chacun et de ses expériences. Cependant, il ne faut pas confondre le jeu-décharge, explosif, teinté d’agitation avec le jeu que l’enfant construit au gré de son imaginaire. Le but est différent, dans un cas il soulage un trop plein de tensions, dans l’autre il revêt un aspect constructif.
Notons encore que trop d’activités organisées (sports, ateliers, cours de musique, de danse…) risquent de saturer l’enfant qui vient à manquer de temps pour lui seul, pour se rêver, moment pour lequel il ne peut faire l’impasse.
Bien évidemment tout cela est une question d’équilibre.
En général, le jeune désire aller à la rencontre de son entourage, ouvrir son horizon et maîtriser son environnement. Il veut suivre ses aînés, détenir leur savoir. Bien sûr, ces motivations oscillent et ne sont pas toujours au rendez-vous.
C’est là que la vigilance des parents, du corps enseignant s’avère essentielle, pour déceler les moments de découragement, de désintérêt ou pour repérer des difficultés cognitives et affectives qui troublent les apprentissages : des difficultés perceptivo-motrices, des troubles de langage, une faiblesse des capacités d’attention-concentration, lesquels suscitent inéluctablement des atteintes de l’estime de soi, des réactions de dépit, de retrait, de colère, d’évitement…
En l’occurrence, un avis du CPMS (Centre Psycho-Médico-Social) ou « d’un psy » est conseillé pour établir un bilan cognitivo-affectivo-moteur et pour indiquer la thérapeutique la plus adéquate à suivre.
Nous constatons par ailleurs, que des fléchissements dans les résultats scolaires sont fréquents, à l’adolescence, période de turbulence dépendant des rééquilibres psychiques corrélés à l’éveil pubertaire. Ces phénomènes sont à prendre en considération mais ne doivent pas inquiéter outre mesure s’ils ne mettent pas en péril la compréhension et l’assimilation de la matière. Contraindre les jeunes à des résultats qui demandent un effort excessif est contre-productif.
De telles exigences provoquent de l’anxiété, épuisent et ne contribuent pas pour autant à des meilleures compétences sinon à un conditionnement stérile.
L’enfant y apprend la vie de groupe, le partage, la solidarité, la gratitude, la bienveillance mais aussi les rivalités et les appartenances discriminantes.
Or, force est de constater que l’école souffre actuellement du délabrement de notre société axée sur la performance, le profit au détriment des secteurs de l’éducation et du domaine du soin ou de la justice. Avec évidence, nos sociétés pâtissent du manque d’autorités acceptées et reconnues, d’institutions solides qui encadrent le citoyen. L’école n’’échappe pas à cette situation : le professeur est dévalué au niveau financier et social au point que la pénurie des enseignants devient inquiétante et déstabilisante auprès des élèves. Les locaux sont parfois dans un état de vétusté alarmant tandis que le statut de l’enseignant n’inspire plus le respect dû à sa charge et à son dévouement. Cette désorganisation du système engendre le chaos et le désarroi.
Dans ce contexte, les mouvements de socialisation tentent à échouer vu l’absence de valeurs humanistes, et de règles appropriées. Le préavis de grève (dont je ne conteste pas la légitimité) déposé par les syndicats d’enseignants en ce jour de la rentrée n’est-il pas le signe d’un énorme malaise sociétal qui touche notamment l’école et sape ses fondements ? Dès lors quel crédit le jeune peut-il accorder à l’institution scolaire et quels modèles peut-il suivre ?
C’est précisément dans ce climat de déliquescence que s’inscrit le harcèlement scolaire qui n’en est que le produit ; car là où les pulsions primaires de destructivité et de passion sont amenées à se transformer pour faire place à la tempérance et à la considération d’autrui dans un cadre protecteur et faisant autorité, il ne reste que l’explosion de la haine et de la violence. Les réseaux sociaux attisent ce type de comportements en tolérant un « tout permis » qui règne en maître et qui ne rencontre plus guère d’interdits. II est par conséquent urgent de revaloriser les professions éducatives et de soins et de restaurer une autorité consentie de nos institutions.
Ce fléau ne peut se traiter que par l’analyse du système, de l’organisation groupale. En effet, la victime de harcèlement catalyse les frustrations et rancoeurs du groupe auquel elle appartient et contre lequel, seule elle ne peut lutter. Les directions d’école doivent en être conscientes et s’informer pour parvenir à prévenir ces mécanismes destructeurs via des formations ad hoc. Des expériences finlandaises ont été menées en ce sens avec plus ou moins de réussite ; elles tablent sur la prise de conscience par le corps enseignant des enjeux de la situation et recherchent de solutions à partir de leur vécu. Le programme KiVa prévoit également de conscientiser les enfants témoins et acteurs de harcèlement à la toxicité du phénomène et de les enjoindre à s’associer pour trouver les réponses adéquates.
En France, « le Jeu des trois figures » sert à titre préventif d’accroître chez les enfants leurs possibilités identificatoires en se mettant à la place d’autrui. Ce jeu fait référence aux trois personnages présents dans la plupart des histoires regardées et jouées par les enfants : l’agresseur, la victime, le redresseur de torts. Selon ce canevas, les jeunes, avec le concours d’un animateur formé à cet effet, sont conviés à construire un récit qu’ils joueront ensuite. Par ce biais, ils sont amenés à expérimenter et explorer les différents rôles attribués aux personnages, à éprouver l’impact affectif des types de comportements mis en scène : agressifs, de soumission ou d’empathie.
C’est au travers du jeu identificatoire entre ces différentes positions et la perception des caractéristiques de chacun des rôles qu’une issue est envisageable.
Mais, quoiqu’il en soit, les parents doivent toujours, face au harcèlement de leur enfant réagir rapidement et contacter l’école et le CPMS afin qu’il puisse y recevoir protection et soutien psychologique.
Je conclurai en insistant sur le rôle majeur de l’école dans la formation, la socialisation mais aussi l’acculturation de nos jeunes et formule mes vœux les plus ardents pour que le politique en prenne la mesure.
Lectures :
Fontaine,R. 2018 « Comprendre le harcèlement pour mieux le prévenir », Enfances n° 3 pp 393- 406
Kaës, R. 2012.« Le Malêtre », Dunod
Tisseron S. 2012 « Prévenir la violence et le harcèlement scolaire », Le Journal de psychologues, n°299 pp28 - 32
Jeannine Delgouffre-Vanwetter est Psychologue clinicienne,
Psychothérapeute d’enfants et adolescents, Psychothérapeute du développement, Psychanalyste (SBP- IPA) * Présidente honoraire de l’IFISAM**
* Société belge de Psychanalyse
International Psychoanalytical Association
** Institut de Formation et d’Intervention en Santé Mentale
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