Marius est un adolescent de 15 ans, qui reste enfermé chez lui depuis presque une année. En dépit des efforts désespérés de ses deux parents pour essayer de le faire sortir de l’appartement familial, rien n’y a fait, il reste cloîtré dans sa chambre et refuse toute excursion hors de l’espace protecteur du foyer... jusqu’au jour où, pour cause de confinement lié au coronavirus, ses parents se voyant obligés d’arrêter de l’exhorter à sortir, à leur grande surprise, Marius se met à sortir leur chien tous les matins...
Au cours des dernières semaines, les changements liés à la situation du COVID-19 ont apporté avec eux leur lot de complications pour de nombreuses personnes, mais aussi, dans certains cas, ils ont permis à des problèmes persistants de commencer à trouver des voies de résolution inattendues. Tout en restant bien entendu prudents vis-à-vis de la tentation, toujours présente chez nous-autres êtres humains, d’identifier LA cause unique qui permettrait d’expliquer l’évolution de tel ou tel phénomène complexe, et en gardant à l’esprit que nous sommes tous en permanence influencés par des informations de toutes sortes, autant de différences qui font, ou non, une différence pour nous, nous voudrions néanmoins partager certaines de nos observations sur les effets parfois paradoxaux de ce changement de contexte.
Yves, soixante-dix-neuf ans, a attrapé le coronavirus. Il a toujours été extrêmement attentif et prévenant pour son épouse, Marianne, qui a sa vie durant souffert de divers maux, la plupart n’ayant trouvé aucune explication médicale : elle a toujours quelque chose. Maintenant, ils sont confinés ensemble, leurs enfants, adultes, font leurs courses et les déposent devant leur porte. Yves fait très attention aux gestes barrière, ils font chambre à part, gardent leurs distances dans leur petit trois pièces. « On fait très attention, dit Yves. La pire chose serait qu’elle l’attrape. » Il a de la fièvre depuis six jours, mais heureusement, pour l’instant, les autres symptômes ne sont pas inquiétants. Marianne va bien, elle n’a mal nulle part, ne se plaint de rien, sa toux chronique et ses douleurs aux jambes ont cessé. Elle est également beaucoup plus active, et prend en charge dans leur ménage beaucoup de choses dont Yves s’occupait. Les enfants la découvrent bien moins dépendante que ce qu’ils imaginaient.
Alex est un trentenaire qui souffre depuis plusieurs années d’une humeur maussade accompagnée d’une forme d’anxiété sourde et quasi quotidienne. Pour avancer, il s’exhorte à construire des projets, à sortir, à faire du sport, à rencontrer des amis, à se mettre en mouvement, pour éviter de sombrer dans les ruminations et dans l’isolement. Récemment, il a retrouvé un travail à 50%, qui lui convient bien, mais il y a un mois, il a accepté un gros mandat en tant qu’indépendant, qui l’a fait travailler pendant plusieurs semaines d’affilée presque sans faire de pause. Suite à ces semaines très intenses, Alex nous confie qu’il a le sentiment angoissant et désespérant d’être revenu au point de départ, quand il était complètement au fond du trou... Nous lui proposons, au cours des prochains jours, d’observer toutes les choses qui lui font du bien, et celles qui au contraire l’alourdissent le plus en ce moment. Lors d’une consultation par vidéoconférence pour raison de confinement, Alex nous confie que le nouveau contexte l’a en fait aidé à se sentir mieux. Comme l’injonction générale est maintenant d’aller plus doucement, de remettre à plus tard les choses non urgentes, cela a facilité le fait qu’il se mette moins de pression, qu’il s’autorise à se dire que de travailler à 100% est pour le moment trop pour lui. Il a pu y aller à son rythme, en respectant ses besoins, et a même décidé de maintenir des vacances prévues de longue date pour rester tranquillement chez lui, confiné. Il a également repris un projet artistique qui lui tient très à coeur mais qu’il laissait de coté depuis de longs mois pour faire des choses soi-disant plus « productives » !
Charlotte et Didier avaient consulté une première fois pour une thérapie de couple. Après vingt ans de vie commune, sans enfants, ils en étaient venus à ne plus supporter certaines petites manies respectives, façons de penser, manières de gérer les choses, passaient leur temps à se les reprocher… et se demandaient s’il ne valait pas mieux se séparer. Depuis le confinement, tous deux travaillent depuis la maison. Ayant pris contact avec eux par téléphone pour leur proposer de remplacer leur rendez-vous au cabinet par une séance en visioconférence, la thérapeute apprend qu’une prochaine séance n’est pas nécessaire ! Est-ce la perception de la gravité de la situation globale ? « Ça va mieux, on a décidé de faire un peu attention. Et on s’est dit tous les deux que de toute manière, l’autre ne changera pas sur le fond. Finalement, ça soulage d’envisager les choses sous cet angle. C’est étonnant, d’ailleurs, c’était justement cette même constatation qui nous faisait penser il y a quelques semaines qu’il faudrait peut-être mieux se séparer ! »
Pour clôturer ce texte pleine d’espoir, le témoignage d’une maman dont la fille Laura refusait d’aller à l’école depuis plusieurs mois : « L’école a fermé comme vous le savez et Laura a pris l’initiative d’écrire à son professeur principal samedi pour lui demander toutes les informations de façon à suivre les cours à distance qui commencent ce jeudi. Laura trouve que c’est une bonne manière de reprendre contact avec l’école. Elle a rangé son bureau pour commencer jeudi et son père a connecté son ordinateur à une imprimante pour pouvoir imprimer si besoin. L’école était ouverte hier matin pour que les élèves puissent aller chercher leurs affaires scolaires dans les casiers personnels et Laura y est allée, alors que jusqu’à présent, elle avait toujours refusé de venir vider son casier. Elle a vu une fille de sa classe et elles se sont dit bonjour. »
L’Institut Gregory Bateson propose des consultations, des formations, des supervisions et des interventions en Belgique, en France, en Suisse et au Luxembourg.