Le traumatisme vécu par un membre de la famille affecte l’ensemble du système familial. Nous allons voir comment le couple est particulièrement impacté par le traumatisme d’un enfant. Et surtout, comment il trouve un chemin de résilience pour lui-même et pour l’enfant.
La demande initiale
Suzy et Jean-François sont mariés depuis une vingtaine d’années. Ils ont trois filles, dont deux sont adolescentes.
Ils viennent me trouver suite à une infidélité de Jean-François, qui a fortement blessé le couple et altéré la confiance de Suzy. Tous deux sont conscients que le problème du couple se situe en amont de ce déclencheur que représente cette trahison, même si celle-ci est très douloureuse.
Le contrat initial du couple incluait la fidélité.
Selon le récit de Jean-François, les événements traversés par le couple lui ont laissé penser que cette « clause » avait été transgressée par Suzy. Il n’a pas osé vérifier cette crainte qu’il avait d’être trompé, persuadé que son hypothèse était tout simplement avérée.
Suzy n’accepte pas cette version de leur histoire, estimant l’excuse trop facile.
L’histoire du couple a été marquée par de nombreux événements existentiels douloureux. De nombreux décès qui les ont confrontés à des deuils à répétition. Le lien a déjà été fragilisé par ces événements sur lesquels peu de mots ont été échangés. Il faut dire que la communication au sein du couple est difficile, elle l’a d’ailleurs toujours été.
L’agression
Et puis, la plus grande de leurs filles, Julie, a été victime d’une agression sexuelle il y a 3 ans. Une tentative de viol.
Peu de temps après cet événement dramatique, Jean-François a commencé à entretenir une, puis une seconde relation platonique avec des femmes. La troisième de ces relations a évolué vers une relation incluant de la sexualité, à l’initiative de sa confidente.
La découverte de cette relation a jeté le couple dans la tourmente, l’a presque fait voler en éclats. C’est l’ampleur de la souffrance de Suzy qui a ramené Jean-François à son couple. Et c’est alors qu’ils m’ont contactée.
Une autre lecture de l’histoire du couple
Lors de leur récit, aucun lien n’est fait par l’un ou l’autre entre l’agression de leur fille et le début de ces relations hors-couple.
C’est moi qui vais pointer cette concomitance et leur proposer d’en explorer le sens. D’emblée, le couple est prêt et nous plongeons alors dans un récit détaillé de comment le couple a été informé puis a vécu cette agression sexuelle de leur fille. L’émotion est vive, la parole de Jean-François a besoin d’être encouragée puis soutenue par moi tant il est bouleversé et ne trouve pas de mots. Suzy déborde de douleur.
L’agression sexuelle de leur fille fait clairement trauma dans le couple, et je remarque que les postures de Suzy et Jean-François, au fil de cette séance, se figent progressivement et se replient. Leurs bras sont fermés, la respiration est difficile. Le contact entre eux est absent. A sa place, un trou béant.
Je les laisserai quitter cette séance le cœur lourd, en pointant cette distance qui les sépare dans l’ici et maintenant de la situation thérapeutique et en leur proposant de l’observer et de ne pas la forcer.
La séance suivante, je constate que la béance dans l’entre-deux du couple a bougé. Le lien semble tenter de se retisser, doucement, péniblement et dans la peur. La communication est encore très difficile mais elle évolue tout doucement.
Je fais l’hypothèse que c’est cette béance traumatique qui a scindé le nous du couple et mené Jean-François à se tourner vers des tierces personnes féminines.
Sortir du traumatisme et reconstruire du lien
Nous allons par la suite explorer ce possible retissage en pointillé du couple. Tenter de saisir ce qui entrave un plein remaillage… la peur, l’insécurité, la perte de confiance… Explorer aussi comment la communication manque de fluidité et se réduit à peau de chagrin à certains moments. La travailler pour la dynamiser en séances et puis au sein du couple.
Je fais également le pari explicite que le travail de restauration du lien du couple aidera la reconstruction de la structure familiale ainsi que celle de leur fille, qui fuit actuellement la cellule familiale et est en crise ouverte avec son père. Cette hypothèse a rapidement été travaillée et vérifiée.
La parentalité et son exercice ont été explorés et repensés, notamment en termes de gestion des conflits et de qualité de dialogue.
Le contrat de fidélité du couple devra être reconsidéré et reformulé, compte tenu de la façon dont il a été malmené. C’est une étape obligatoire dans la nécessaire restauration de la confiance de Suzy, mais aussi de celle de Jean-François !
Il y va de la sécurité psychologique et relationnelle du couple et aussi de l’ensemble de la famille.
La vie revient au sein de la famille
A l’heure où j’écris ces dernières lignes, le couple retisse du lien, de la confiance, a identifié ses impasses de communication, retrouve la voie du dialogue au quotidien.
Julie, quant à elle, a retrouvé sa place dans la famille, s’y sent à l’aise et y passe beaucoup plus de temps. Elle a même présenté son petit ami à ses parents et celui-ci est fréquemment à la maison. Suzy et Jean-François pensent que c’est dû à une meilleure ambiance familiale, générée par une meilleure cohésion du couple, et à un bien meilleur dialogue avec son papa.
(Les prénoms et signes distinctifs des personnes et situations qui ont inspiré cet article ont été modifiés.)
Christine Henseval est psychothérapeute et coach en Gestalt à Liège. Elle est spécialisée en Psychothérapie individuelle – thérapie familiale – thérapie de couple – thérapie de groupe - thérapie d’entreprises familiales - Conférencière.
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