Un nouveau regard sur le stress

Par Karin Reuter et Michel Savage


Les premières recherches

Que sait-on du stress aujourd’hui ? En 1936, un médecin canadien, Hans Selye avait déjà découvert que le stress est un mécanisme d’adaptation non spécifique de l’organisme à son environnement pour se maintenir en équilibre. Qu’il s’agisse d’une blessure physique, d’une agression verbale ou d’un choc affectif, notre corps réagit toujours de la même façon suivant une séquence alerte - réaction - récupération, ce que le Dr Selye appelait le SGA - le Syndrome Général d’Adaptation.

Lorsque le stress est ponctuel, les surrénales secrètent de l’adrénaline qui va mobiliser le sucre stocké dans le foie pour contracter les muscles et stimuler l’apport d’oxygène au cerveau en accélérant le rythme cardiaque. Une fois la menace passée, les résidus de l’effort musculaire s’éliminent et le corps reconstitue ses réserves. Quand le stress devient chronique et que les réserves d’énergie s’épuisent, ce sont les hormones corticoïdes qui prennent le relais de l’adrénaline pour produire de nouvelles réserves de sucre à partir des protéines, mais au prix cette fois d’une chute du système immunitaire et de divers troubles secondaires. C’est une stratégie de survie de dernière chance. Si le phénomène persiste, l’organisme s’épuise, il n’arrive plus à faire surface et le cercle vicieux s’installe.

Toutes les applications en matière de stress depuis ces découvertes consistent à identifier son seuil de résistance au stress, à le respecter et le faire respecter. Tout l’art est donc de cerner ce qui nous fait réagir et de ne pas dépasser ses limites. Ce travail peut évidemment être accéléré ou facilité par la présence de quelqu’un aidant à digérer le stress : en l’occurrence, le plus souvent : faire le deuil, (se) pardonner, accepter l’inévitable, mobiliser ses ressources, boucler les situations inachevées.

Changer le regard

Que faire quand on n’a pas prise sur les facteurs ambiants de stress ou qu’on ne peut pas s’y soustraire ? Chacun sait que ce qui stresse les uns ne stresse pas forcément les autres ; pourquoi certaines personnes sont elles sensibles aux maladies infectieuses, au bruit, à la foule, à l’agressivité ou n’importe quel autre facteur de stress et d’autre beaucoup moins ? Il y’a bien une question de terrain. Tout semble se passer comme si ce n’était pas la réalité qui nous stressait mais l’idée qu’on s’en fait. C’est l’impression de ne pas avoir prise sur soi ou sur son environnement qui nous met en difficulté.

Le terme « stress » lui-même est non spécifique et désigne aussi bien un facteur de stress que la réaction de notre organisme pour s’y adapter. Dans le monde animal, le stress reste un mécanisme purement biologique permettant aux individus de l’espèce d’attaquer, de fuir ou de faire le mort : trois grandes stratégies pour préserver leur survie.

Lorsque quelqu’un vit un stress au moment de parler en public, de passer un examen, parce qu’il rate son train ou parce que son partenaire regarde quelqu’un d’autre, où est la menace vitale ? Ce n’est évidemment pas la survie qui est en jeu mais l’image que l’on se fait de soi. « Que va-t-on penser de moi si je n’assure pas face au public ? Si je rate mon examen ? Si j’arrive en retard à mon rendez-vous ? Si on me trompe ? » Il y a confusion entre survie biologique et survie psychologique : le mécanisme naturel du stress est dévié, dénaturé. Tout l’organisme est mis en alerte comme s’il risquait d’y laisser sa peau alors qu’il n’y a rien de vital en jeu. Est-il possible d’éviter cette déviation, et comment faire ?

Nous autres, être humains, sommes programmés pour le meilleur comme pour le pire à prendre la carte pour le territoire. Autrement dit, à un niveau inconscient, le cerveau ne fait pas la différence entre la réalité et l’image de la réalité ou son symbole verbal. Ce qui constitue notre talon d’Achille peut aussi être notre planche de salut. Si nous sommes capables de nous mettre dans tous nos états à la seule évocation d’un scénario catastrophe, nous pouvons aussi nous passer des films beaucoup plus réjouissants. A priori, une éventualité n’est pas plus réelle qu’une autre tant qu’elle ne s’est pas déroulée, et les conclusions que nous en tirons ne prouvent que ce que nous voulons bien croire. Une preuve ne vaut que jusqu’à preuve du contraire, après tout. Alors, pourquoi se priver de cette possibilité ?

Tant que nous n’avons pas prouvé que nous étions incapables de faire face à une situation qui nous dépasse, c’est que nous en sommes capables. Et même si nous n’y arrivons pas, cela ne prouve rien quant à notre valeur personnelle et à notre potentiel. Un échec apparent n’est qu’un jugement négatif sur une expérience qui est une étape d’apprentissage.

Les thérapies cognitives et comportementales ont mis à jour toute une série de schémas mentaux à l’origine du stress. Ces « schémas précoces d’adaptation » ont pour nom sentiment d’abandon, de trahison, d’exclusion, de manque, de fragilité, de dépendance, d’indignité, d’échec, de soumission, d’imperfection, avec tout le cortège de compensations qui vont avec : arrogance, jalousie, agressivité etc.

Ce sont autant de variantes du SGA mis à jour par Hans Selye, enrichis du dialogue intérieur et donc de la croyance implicite plus ou moins néfaste qui déclenche le stress. Un peu comme si un animal de laboratoire, soumis pendant des mois à des chocs électriques, restait figé bien après que les chocs aient été supprimés : il a pris le pli. Nous sommes ainsi conditionnés par un certain nombre de « faux plis » qui sont autant de réactions précoces, sans doute adaptées à un moment de notre histoire mais devenues totalement obsolètes.
Bob Hoffman nomme cela les « traits » négatifs, caractéristiques du mal-amour. Dans le processus thérapeutique auquel il a donné son nom, le travail consiste à dénoncer ces traits de caractère dont on a hérité et mesurer leurs dégâts dans notre vie, à pardonner nos parents de nous les avoir transmis, se pardonner de les avoir adoptés et s’engager à y renoncer. Indépendamment de ce travail thérapeutique, chacun peut apprendre à faire face aux difficultés de la vie de façon adulte et non plus infantile en cessant de croire aux pensées qui le diminuent ou l’invalident.

Nous n’avons alors plus tant d’image artificielle à défendre : le stress retrouve sa fonction première de mécanisme biologique pour mobiliser nos ressources au lieu de les bloquer.

Karin Reuter, Psychologue,Directrice de l’Institut Hoffman France
Michel Savage, Consultant RH

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