Relation d’aide : Que penser de ce qu’on pense qu’on y fait ?

Par Paul Kestemont


Relation d'aide : Que penser de ce qu'on pense qu'on y (...)

Extrait de l’intervention de Paul Kestemont au Bistro Mieux-Etre du 1er octobre 2014.

Pour élaborer mon intervention, je me suis livré à une petite enquête auprès de quelques patients. Ceci n’a évidemment aucune prétention scientifique ; il s’agit uniquement d’un point de départ à la réflexion.

J’ai donc demandé à quelques patients : « Que pense t-on qu’on pense que vous faites en thérapie ? ». Généralement, j’ai dû m’y reprendre à deux fois pour m’assurer que la question était bien comprise. Une autre façon de poser la question serait : « Que pensez-vous que votre entourage pense du travail thérapeutique que vous faites avec moi ? ».

Ensuite, j’ai demandé à ces mêmes patients qui s’étaient gentiment prêtés à l’expérience de questionner leurs proches sans les influencer et de revenir en séance avec leurs réponses. Nous pourrions alors comparer leurs représentations avec celles de leur entourage.

L’exercice s’est révélé non seulement amusant, mais il a débouché sur un véritable travail thérapeutique. Certains ont reconnu, par exemple, qu’ils ne s’étaient jamais posé la question ; d’autres avaient peur de questionner leur entourage, car, en effet, que pensait-on qu’ils faisaient en thérapie ?
Un patient a reconnu qu’il était désolé de ne pas pouvoir m’aider car il n’avait dit à personne qu’il suivait une psychothérapie, pas même à son épouse.
Le thérapeute lui-même était inquiet, redoutant certaines réponses du genre : « tu perds ton temps en allant en thérapie ou tu gaspilles ton argent, cela ne sert à rien ».

Heureusement, rien de tout cela dans les réponses. Mais au contraire, des réponses qui ont débouché dans certains cas sur des échanges vraiment intéressants.

Ainsi, en nous prêtant à ce petit exercice sur les représentations de ce qu’on fait en psychothérapie, nous inventions, s’il n’existe pas encore, mais il existe sûrement, un nouvel outil thérapeutique.
Je me suis souvenu alors d’une parole qu’un de mes premiers formateurs en Gestalt-thérapie, Michel Katzeff, nous avait enseignée quand il disait : « En psychothérapie, on peut faire feu de tout bois ». On pourrait dire aussi : « En psychothérapie, tout peut faire farine au moulin ». Oui, à condition de savoir allumer un feu ou de se servir d’un moulin.
Par exemple, l’échange que cet enseignant qui a participé à notre petite enquête a eu avec son fils aîné après lui avoir posé la question de ce qu’il pensait que son père faisait en thérapie a débouché sur une longue conversation entre eux. Mon patient m’a dit qu’il n’avait jamais parlé de cela avec son fils. Divorcé, voyant peu ses garçons, sauf le dernier, il était persuadé que son fils avait adopté les représentations de sa mère qui avait souvent décrié la psychothérapie. Il n’en revenait pas de lire tout ce que son fils avait pu écrire à propos du processus psychothérapeutique.
Lorsque ce patient m’a rapporté l’échange qu’il venait d’avoir avec son fils aîné, nous avons partagé ensemble son émotion.

Pour moi, c’est cela le plus important en psychothérapie : « mettre des outils au service d’une relation la plus soignante possible ».

Dans l’exemple cité, l’enjeu est la relation : relation du patient à lui-même, à son entourage (dans ce cas à ses fils) et relation patient-thérapeute. C’est la position d’Irvin Yalom et de la psychothérapie existentielle en général. Yalom dit : « C’est la relation qui guérit ».
Mais cette relation pour être soignante nécessite certains ingrédients.
Rogers en propose trois : l’empathie, la congruence du thérapeute (l’authenticité), l’acceptation inconditionnelle du patient.
Nous pouvons y ajouter, l’implication du thérapeute, son engagement dans le processus thérapeutique. Mais aussi, une attention constante à son contre transfert.

Le travail que le psychothérapeute a effectué sur lui-même tout au long d’une thérapie suffisamment importante est le pilier le plus important sur lequel il pourra s’appuyer.
Mais, comme vous le savez, cela ne suffit pas. Les connaissances théoriques sont importantes car elles aident à la construction d’un moi professionnel « sécure ». Elles proposent des balises pour aborder certains patients qui relèvent de la pathologie et elles font tiers dans la relation patient-thérapeute.
Il ne faut pas non plus négliger la place du cadre et de la méthodologie qui sont des outils précieux pour éviter certaines dérives.
Et la question la plus importante qui à mon sens doit guider le psychothérapeute est celle de la finalité de son approche.

C’est dans ce sens qu’une psychothérapie s’inscrit toujours dans une certaine vision de l’Homme qu’il en soit conscient ou non, qu’elle soit clairement explicitée ou non, c’est-à-dire dans une Anthropologie et c’est cette anthropologie qui va servir de support aux différentes interventions du psychothérapeute. Cette anthropologie est d’ailleurs généralement commune aux différentes méthodes qui se retrouvent dans un des courants thérapeutiques reconnus.

Pour ma part, c’est le courant des thérapies humanistes.
Dans l’histoire de la Psychothérapie, le courant Humaniste est relativement récent puisqu’il date de la seconde guerre mondiale. Mais, comme le dit très bien Patrick Traube dans son ouvrage consacré à la « Psychothérapie humaniste, une troisième voie entre psychanalyse et behaviourisme », il (le courant humaniste) puise ses racines dans un terreau ancien.
Les racines de la Psychologie humaniste remontent, en effet, à l’époque de la Renaissance, soit le XV° siècle. L’esprit humaniste se veut ouvert à soi et à l’autre, à la remise en question. Il s’agit de relativiser ce que nous pensons connaître sur nous-mêmes et sur les autres.

Je pense que c’est comme cela que nous pouvons entendre la réflexion du compagnon de cette jeune patiente : « La somme de ce travail n’apporte pas une explication ultime, mais un esprit plus limpide ». La psychologie humaniste et la forme de psychothérapie qui en découle ne visent d’ailleurs pas l’explication, mais bien la compréhension, c’est-à-dire l’écoute du monde singulier du patient/client et la rencontre intersubjective.

Les valeurs prônées par le courant humaniste, nous les connaissons. Ce sont principalement : le respect de la dignité de chaque être, la liberté et la responsabilité qui en découle, la croyance au potentiel humain, c’est-à-dire la croyance en la capacité de chaque être humain de se réaliser et d’être créatif.

La relation thérapeutique, les outils que le psychothérapeute utilisera serviront de support pour aider la personne, le couple ou le groupe de personnes qui le consultent à cette « renaissance ». Tout cela s’opérera dans une Histoire singulière que le thérapeute et le patient/client écriront ensemble (co-construction), relation qui servira à son tour de point d’appui dans l’existence.

Car que gardons-nous en définitive de notre psychothérapie ? Les prises de conscience que nous y avons faites ? Oui, quelques-unes sont importantes, mais reconnaissons que nous savions déjà la plupart de ces choses sur nous-mêmes. Les interprétations magistrales du thérapeute ou de l’analyste ?
A mon avis, moins que ce que nous avons envie de croire.

Non, je crois que ce que nous gardons le plus lorsque les choses ont bien tourné, et il s’en faut souvent de pas grand-chose pour qu’elles tournent mal, c’est le souvenir d’une relation avec une personne dont nous sommes convaincus qu’elle nous voulait vraiment du bien.

Paul KESTEMONT.
Paul Kestemont est psychologue, psychothérapeute et formateur.
Il est aussi Président de la FPH (Fédération belge des Psychothérapeutes Humanistes).

Cet article est extrait de l’intervention de Paul Kestemont au Bistro Mieux-Etre du 1er octobre 2014 (Les Bistros Mieux-Etre).

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