Procrastination : nuages à l’horizon ? (Partie 2)

Par Catherine Absil


Procrastination : nuages à l'horizon ? (Partie (...)

A lecture de la première partie, vous vous êtes peut-être interrogés sur votre procrastination. Quelle en est l’intensité ? Quelle(s) en est(sont) sa(ses) source(s) ? Est-elle toujours négative ou pouvons-nous nous permettre une lueur d’espoir ? La procrastination pourrait-elle être un mode de fonctionnement utile ?

Avez-vous reconnu les différentes étapes du processus de procrastination ?

Voici certaines des différentes étapes que le procrastinateur traverse lorsqu’il procrastine, les étapes pouvant se présenter sur un laps de temps plus ou moins long selon les individus- on peut compter en minutes, heures, semaines, voire en années :

"Je vais commencer tôt cette fois"
"Je dois commencer tôt cette fois"
"Que se passe-t-il si je ne commence pas ?"
"Ça va, il y a encore assez de temps"
"Qu’est-ce qui ne fonctionne pas avec moi ?"
Le choix final : "Le faire ou ne pas le faire ?"
"Je ne procrastinerai plus jamais !"

Envie de mesurer votre tendance à procrastiner ?

Voici différentes échelles de mesure de notre tendance à procrastiner :

  1. L’inventaire de procrastination de Aitken qui cible la procrastination académique (http://www.yorku.ca/rokada/psyctest/prcrasts.pdf ou http://www.lsv.ens-cachan.fr/~finkel/papiers-mescours/af_public/2015-Pratiques-Psychologiques.pdf - p32)
  2. L’échelle de procrastination générale de Lay pour mesurer votre tendance à reporter les tâches dans la vie de tous les jours.
  3. L’échelle de procrastination de Mann pour mesurer votre tendance à la procrastination décisionnelle.
  4. Ou encore l’échelle de procrastination de Tuckman.

Uniquement en anglais sur Internet, vous pourrez trouver certaines d’entre elles en français dans le très intéressant livre de Bruno Koeltz - “Comment ne pas remettre tout au lendemain”.

Quelles sont les causes de notre procrastination ?

Les recherches menées depuis plusieurs années révèlent qu’il n’y a pas un seul type de procrastinateur. Le procrastinateur chronique a en permanence des difficultés à terminer l’ensemble de ses tâches tandis que le procrastinateur situationnel reportera selon la tâche. Par exemple l’étudiant qui va à l’école pour des raisons extrinsèques ( éviter les échecs et juste avoir la moyenne) aura tendance à procrastiner quand il s’agira d’étudier ses leçons.

Autre exemple, dans le cadre académique (chercheurs, thésards), la procrastination apparaît fréquemment. Un site humoristique y est d’ailleurs consacré (http://www.phdcomics.com) avec de nombreux cas de procrastination (voir par exemple http://www.phdcomics.com/comics/archive.php?comicid=124 qui est le premier cartoon du top 200 !)

Les conditions propices à la procrastination sont en lien avec l’impulsivité, la motivation et la capacité à reporter la satisfaction. Ceux qui remettent à plus tard y sont amenés aussi bien pour des aspects négatifs ( peur de l’échec, perfectionnisme, .. ) que pour des aspects positifs ( plaisir immédiat).

En général, les gens apprennent de leurs erreurs et ajustent leur approche pour les prochaines expériences. Les procrastinateurs chroniques ne le font pas : cette boucle de feedback semble ne pas fonctionner alors qu’ils souffrent des conséquences de la remise à plus tard et qu’ils savent que ce sera encore pire les fois suivantes.
De plus, il est troublant de constater que certains éléments déclencheront notre procrastination alors que chez notre voisin pas du tout.

A l’occasion de la journée de la procrastination, le 25 mars dernier, certains spécialistes se sont exprimés au sujet de la procrastination  :

  • « Elle est cognitive mais pas seulement. Ce n’est pas que du domaine de la pensée. Je vois cette attente comme une forme d’installation dans un confort de vie ».
  • « La procrastination est en réalité une question émotionnelle, et non de gestion du temps. Il s’agit de la peur de perdre, la peur de la culpabilité ou la peur de faire une erreur. »
  • Elle maintient notre système de croyances ( dont celles introjectées dans l’enfance). Pour les auteurs du livre "Procrastination : Why You Do It, What to Do About It Now", Jane B. Burka et Lenora M. Yuen, pour comprendre pourquoi certains d’entre nous ont choisi la procrastination comme stratégie primaire de coping nous devons rechercher plutôt dans les aspects personnels de notre vie et analyser nos premières situations de procrastination :
    • Quelles en étaient les circonstances ?
    • Quelle décision(s) avons-nous prise(s) ?
    • Quel(s) besoin(s) ont été satisfait(s) grâce à la procrastination ?
    • Elles ont constaté que de nombreux adultes continuent à se voir de la même manière dont ils ont été catalogués quand ils étaient enfants et que la procrastination perpétue ce fait.

Les étudiants plus concernés ?

« Environ 50 % des étudiants, contre 30% en moyenne de la population adulte sont touchés par la procrastination » pointe le psychothérapeute Bruno Koeltz. D’autre part, il souligne également que le pourcentage varie en fonction du critère choisi ( le comportement pour 50% ou les conséquences négatives pour 20% ).
Selon la psychopédagogue Brigitte Prot, la procrastination est le problème majeur que rencontrent les jeunes au cours de leur cursus scolaire. « Sur les dix dernières années, les nouvelles technologies ont accéléré le temps et ont établi un règne de l’immédiat où l’on doit en permanence réagir à des sollicitations. ... Le risque, c’est de se laisser engloutir, sans savoir comment y remédier », explique-t-elle. Le phénomène a entraîné une baisse de l’attention et de la concentration. Certains ont une tendance au “binge-watching” », une pratique assimilée à la boulimie qui consiste à engloutir de nombreux épisodes de séries télévisées à la suite les uns des autres. Certaines études ont mis en évidence qu’effectivement, la procrastination académique était relativement élevée en comparaison avec sa prévalence dans d’autres aspects de la vie (Ellis&Knauss, 1977, Overcoming procrastination ; Lay,1987 ; Solomon & Rothblum, 1984, Academic procrastination : Frequency and cognitive behavioral correlates).

Des modèles explicatifs de la procrastination

Ce qui est à l’origine de la procrastination, ainsi que les divers facteurs et caractéristiques qui l’entretiennent, la renforcent, la diminuent peuvent être capturés au sein de modèles explicatifs. Examinons dès lors quelques modèles..

1. Modèle lié à la peur

On y retrouve :

  • L’anxiété d’évaluation, à savoir que certains redoutent la critique à un point tel qu’il leur apparaît préférable de remettre à plus tard que d’être confronté à l’évaluation sur base d’un temps adéquat pour réaliser le travail : "Il y a une bonne réponse, et je vais attendre jusqu’à ce que je la trouve.", "Il est plus sûr de ne rien faire que de prendre un risque et échouer". Ces personnes ont peur d’être jugées incompétentes. Des études ont mis en évidence que lorsque les individus ayant tendance à procrastiner sont dans une situation évaluative, ils se mettent à procrastiner davantage.
  • La crainte de tester leurs capacités réelles et le fait de pouvoir ainsi continuer à fantasmer sur des capacités idéales plutôt que les évaluer concrètement.
  • La peur de la séparation ou de l’attachement. Si vous croyez que les gens ne vont pas vous apprécier tel(le) que vous êtes, si vous craignez d’être seul(e) alors vous pouvez utiliser la procrastination afin de rester proche des gens ou au contraire à distance.
  • La peur du succès : "Si je réussis, quelqu’un va se blesser". "Si je fais bien cette fois-ci, on attendra toujours cela de moi ensuite, c’est trop." Ou, “si je réussis, je devrai être à la hauteur alors que je suis incompétent à ce niveau-là”.

Ces individus sont en mode “s’éloigner de” leurs peurs et des sentiments inconfortables qu’elles génèrent. Pourtant vous connaissez probablement des personnes de votre entourage qui ayant peur de l’échec, redoublent d’effort (dans leurs études, leur carrière, …) et ne procrastinent pas du tout. C’est à mettre en relation avec notre croyance personnelles de l’échec. Pour certains d’entre nous, l’échec est insupportable car il est vécu comme une remise en question globale de leur valeur personnelle.

En PNL, on dira que l’impact est haut placé dans l’échelle des niveaux logiques. Pour d’autres, ce n’est qu’un accident de parcours et ils se remettent de leur échec quand ils y sont confrontés car ils ne posent pas de jugement négatif global sur eux-mêmes. C’est un processus d’auto-évaluation qui protège l’estime de soi.
Cependant la peur de l’échec est aussi à mettre en relation avec nos croyances sur nos chances de réussite. Si nous ne nous pensons pas capables, à quoi bon quelque part entreprendre ? Le fait de croire en de faibles chances de réussite associées à la peur de l’échec est propice à la procrastination (que ce soit une peur faible ou forte) alors que de grands espoirs de réussite diminuent la procrastination. Dans notre accompagnement de personnes procrastinatrices, il sera parfois judicieux de faire vivre de petits succès avec quelqu’un ayant des croyances négatives sur ses capacités à réussir afin de créer des expériences de référence positives alors qu’avec les procrastinateurs ayant peur du succès cela ne sera pas constructif. Pour ces derniers, le succès étant vécu comme dangereux, ils préfèrent choisir de se protéger et de protéger autrui par le fait tergiverser et de réduire leurs chances de réussite en s’auto-handicapant à l’aide de la procrastination.

De plus, modifier leur perception de l’échec sera également un bon angle de travail.

Toutes ces peurs amènent ces individus à vivre de l’anxiété et des sentiments dépressifs. Elles affectent leur estime personnelle et les piègent dans un processus contre-productif qui attaque petit à petit leur estime personnelle comme illustré ci-dessous.

(Cercle vicieux de la procrastination)

Quand votre estime personnelle est haute et la procrastination rare, il est probable que l’impact occasionnel soit facilement “digéré”. Par contre, sans prise de conscience du processus et remise en question et notamment à travers une psychothérapie pour les personnes ayant une estime de soi fragilisée, la procrastination est un comportement qui s’auto-alimente.

2. Modèle lié aux situations et aux contextes

La situation dans laquelle se trouve la personne a une importante influence sur le fait qu’elle procrastine ou pas.

On peut y retrouver l’expression

  • D’un manque d’intérêt pour l’activité à mener et/ou un besoin important de stimulations.
  • De la crainte de l’inconnu qui paralyse certaines personnes.
  • Egalement des exemples cités précédemment comme les situations évaluatives.

Les résultats de recherches montrent que plus un individu perçoit que la tâche est difficile et ennuyeuse ou imposée, plus il aura tendance à procrastiner. Inversément, la majorité des individus ont tendance à choisir de faire en premier les tâches faciles et qui leur semblent intéressantes.

3. En lien avec la personnalité

Lorsque la procrastination est présente par rapport à de nombreuses tâches ou situations de vie, la procrastination est considérée comme un trait de personnalité. Il s’agit de procrastination dispositionnelle.
Certaines des causes précédentes peuvent également se retrouver dans cette section.
On y trouvera aussi l’expression

  • D’un refus inconscient des exigences d’autrui : "Suivre les règles de quelqu’un d’autre signifie que je ne suis pas en contrôle."
  • Du perfectionnisme : "Je dois être parfait.", "si ce n’est pas bien fait, cela ne sert à rien de le faire".
  • D’un problème d’acceptation de limites personnelles : "Tout ce que je fais doit aller facilement et sans effort."
  • D’avoir des difficultés à prendre des décisions : "Si je choisis cette tâche A, je ne pourrais faire la tâche B au même moment".

Le perfectionniste peut être très actif alors qu’il procrastine par rapport à une tâche spécifique. Certains étudiants refont leurs synthèses 10 fois, d’autres adultes rangent toutes leurs armoires ou refont leur nettoyage sans cesse. Cependant tous les perfectionnistes ne procrastinent pas. En effet, il y a un perfectionnisme sain et un perfectionnisme dysfonctionnel. Le perfectionniste sain a des attentes sur lui-même réalistes, perçoit les erreurs comme une occasion d’apprendre, de s’améliorer …. tandis que le perfectionniste dysfonctionnel a des attentes irréalistes, un souci exagéré du détail où la moindre erreur écorche l’estime de soi qui est déjà basse, pratique l’autocritique excessive....

Des études ont montré que l’estime de soi est une variable déterminante de la personnalité d’un individu en lien avec la procrastination (Burka & Yen, 1983 ; Ellis & Knauss, 1977 ; Ferrari, 1991 ; …) qui apparaît comme un outil de protection de leur estime de soi fragilisée. Parallèlement, on a constaté que les étudiants procrastinateurs attribuent à des causes extérieures et instables leurs échecs mais également leurs mérites ce qui ne leur permet pas dans ce cas de rehausser leur estime de soi plutôt basse ni de prendre la responsabilité de leur action ou non action. Ils sont dans une perception de non-contrôle sur les résultats des tâches qu’ils accomplissent. Des études ont montré qu’améliorer la perception de contrôle chez les procrastinateurs les amène à moins procrastiner.

L’optimisme est également une variable de la personnalité qui peut avoir une influence sur la tendance à procrastiner. Il semble influencer positivement l’engagement face à la tâche chez les procrastinateurs situationnels mais néanmoins peut nuire aux procrastinateurs dispositionnels (étude de Lay et Burns,1991). Pour ceux-là, l’optimisme accroît le retard de l’accomplissement de la tâche car ils estiment de manière irréaliste le temps dont ils auront besoin.

Si pour vous pensez que suivre un ordre est en fait “perdre le contrôle”, alors en remettant les choses à plus tard et en choisissant de les faire lorsque vous êtes prêt, vous maintenez ainsi votre sentiment de contrôle. Les personnalités passives-agressives utilisent le comportement passif qu’est la procrastination pour résister à la situation, marquer leur désaccord qu’elles n’arrivent pas à exprimer ou pensent ne pas pouvoir exprimer verbalement. Attention cependant de ne pas s’arrêter uniquement à l’hostilité passive. Le psychologue Albert Ellis conseille de ne pas se limiter à cette explication car pour lui l’hostilité peut être mise en avant pour rationaliser un comportement avant tout induit par le souhait de diminuer la frustration ou de protéger son estime de soi. C’est l’occasion de remarquer aussi que plusieurs mécanismes de procrastination permettant d’échapper à la frustration ou protégeant l’estime de soi ou … peuvent coexister.

4. Modèle motivationnel

Il a été aussi montré que la motivation est une variable importante en lien avec le phénomène de la procrastination. Celle-ci se définit comme étant les forces internes et/ou externes qui agissent sur un individu et l’amène à réaliser un comportement précis. Selon la théorie de l’autodétermination de Deci et Ryan(1985,1991), il existe 3 types de motivations : intrinsèque (plaisir, satisfaction inhérente à l’activité), extrinsèque ( évitement ou récompense, régulation externe, introjection, identification) et l’amotivation (absence des 2 précédentes). Dans son mémoire “étude prospective de la procrastination académique : Le rôle des illusions positives, de la perception illusoire du temps et de la motivation” http://www.collectionscanada.gc.ca/obj/s4/f2/dsk2/ftp01/MQ38146.pdf , p38), Annick Martin propose un modèle des facteurs qui interviennent dans la procrastination académique :

“Pour ce faire, un modèle médiationnel a été développé et testé auprès de 219 universitaires du premier cycle. Les résultats des analyses de régression soutiennent le modèle proposé. IIs démontrent que les illusions positives (estime de soi, optimisme, perception de contrôle) rehaussent la motivation (situationnelle - académique) à la mi-session, tandis que la perception illusoire du temps I’influence négativement. En retour, plus l’étudiant est motivé de manière autodéterminée à la mi-session moins il a tendance à faire de la procrastination à la fin du trimestre.“

Le modèle ci-dessus illustre l’influence déterminante sur la motivation des facteurs clé de :
- valeur personnelle ou estime de soi
- l’optimisme par rapport à la situation
- l’impression d’avoir du contrôle sur les événements
- la perception du temps

Ces divers facteurs influencent la motivation en situation qui en retour influence le niveau de procrastination académique. Plus la motivation est grande, plus le niveau de procrastination est bas. Les illusions positives permettent aux individus de développer des stratégies d’adaptation actives au lieu de recourir à l’évitement lors des transitions de vie (Aspinwall & Taylor, 1992). Remarquons également qu’une erreur classique que font les procrastinateurs est de croire qu’il faut que la motivation soit là pour commencer à agir.

5. Aussi un symptôme

La procrastination peut aussi être un symptôme d’autres problématiques
Comme par exemple

  • La fatigue, qui en mode chronique, peut se transformer en burn-out,
  • L’état dépressif

« Désapprendre » la procrastination

La procrastination est un comportement « acquis », c’est un comportement que l’on apprend ! Dès lors, nous pouvons apprendre à nous en défaire, changer nos réactions aux événements ou éléments qui déclenchent notre mode de fonctionnement routinier de procrastination.

Importance des croyances

Nous avons découvert différentes croyances irrationnelles sous-jacentes à la tendance à la procrastination. Ces croyances empêchent le procrastinateur de faire des progrès. Pratiquer l’auto-critique par exemple, être dans la crainte et avoir les pensées catastrophiques peut rendre impossible de surmonter les obstacles inévitables de la vie quotidienne. Parmi les pensées irréalistes on trouve des pensées liées au manque d’efficacité ou de valeur personnelle ( “Je n’ai aucune chance de réussir”), des pensées liées à l’évitement(“cela ne sert à rien de commencer pour mal faire”), des distorsions cognitives(“Je rate toujours tout”). Souvent, ces pensées dysfonctionnelles ne sont pas du tout remises en question par le procrastinateur et entretiennent le comportement de procrastination.

Pour Jane B. Burka et Lenora M. Yuen, un premier pas consiste à réaliser que ces façons de penser sont irréalistes mais également de prendre conscience qu’il y a plus que ces pensées irréalistes comme par exemple la peur des ennuis que leur actions pourraient leur attirer, ou la peur d’être inacceptables sans leur désorganisation et leurs retards apparents et donc préfèrent se cacher du monde mais surtout aussi d’eux-mêmes. Aussi douloureux que cela puisse être d’endurer l’auto-critique, le mépris, le sentiment d’impuissance, la honte, la culpabilité .... tous ces sentiments leur semblent plus faciles à supporter que les sentiments de vulnérabilité liés au fait d’être exposés et vus tels qu’ils sont. Finalement, la procrastination leur sert de protection. Mais bizarrement, alors que le procrastinateur se concentre sur le fait de se sentir bien ici et maintenant, il rate beaucoup de choses en termes d’apprentissage de ce qui permettrait d’apprendre comment corriger son comportement et éviter des problèmes similaires dans le futur et donc se sentir mieux à long terme. Le procrastinateur est pris dans le paradoxe suivant : en s’éloignant d’un désagrément, d’une souffrance et en allant vers un peu de plaisir, il s’engage sur un chemin sur lequel il s’éloigne de plus de plaisir et va vers plus de déplaisir ou souffrance.

La procrastination est finalement comme une blessure qu’il s’inflige à lui-même et qui grignote à la fois l’estime personnelle et à la fois du temps de vie. On pourrait dans certains cas s’interroger sur une reproduction d’une forme de maltraitance auto-infligée en fidélité à un vécu de maltraitance dans l’enfance.

La procrastination peut être un problème existentiel car le procrastinateur chronique ne s’engage finalement pas avec la vie elle-même.

Pour court-circuiter les croyances ou pensées irréalistes déclencheuses du comportement de procrastination, Barbara Oakley et Terry Sejnowski conseillent de mettre son attention sur le processus plutôt que le contenu associé à la tâche et source du ressenti négatif. On retrouve l’idée de Walter Mischel qui mentionne la “répartition stratégique de l’attention”.
Pour ce faire ils proposent notamment la technique du "Pomodoro" qui a été mise au point par Francesco Cirillo dans les années 80.
Au départ, il s’agit d’accepter de faire le premier pas désagréable de débuter la tâche en gardant à l’esprit que ce ressenti disparaîtra plus vite qu’on ne l’imagine. Voici le schéma proposé par Bruno Koeltz à ce sujet :

La portion bleue représente le début de l’activité vécue comme désagréable. L’erreur est de croire que cela va continuer à être désagréable indéfiniment. En fait le niveau de ce sentiment désagréable se stabilise à un moment assez proche du début de la tâche (portion verte). A nouveau, le procrastinateur commet l’erreur de croire que la stabilisation va durer indéfiniment. Le plus souvent, le sentiment désagréable diminue fait place à du plaisir ( portion orange) pour finalement permettre de la satisfaction (portion rouge). A un moment, la fatigue survient (portion rose).

Il s’agit ensuite d’utiliser un minuteur (le Pomodoro) et de se concentrer consciencieusement pendant 25 minutes sur une tâche sans aucune interruption. Ensuite pendant quelques minutes (5 à 10), de se récompenser soit par le fait de surfer sur le net, prendre une tasse de café, sortir respirer le bon air dans votre jardin ou lancer la balle à votre chien ou encore, vous étirer et bavarder sans réfléchir. Choisissez bien entendu une forme de récompense non problématique. Ce sas de récompense permet à votre cerveau qui vient de réaliser 25 min de gym mentale d’avoir un temps de relaxation mentale avec changement de son point d’attention. Si vous n’avez pas de minuteur, l’application http://www.teamviz.com/ pourra le remplacer. Pour la pause relaxation vous pouvez utiliser doNothing ou encore www.calm.com.

Personnellement, j’utilise pour améliorer ma concentration lors de tâches que je juge rébarbatives, l’application focus@will qui lie les récentes découvertes en neurosciences avec la musique. La musique proposée aide à se concentrer, à réduire les distractions et retenir plus efficacement les informations lorsque l’on travaille, étudie,lit.... elle permet de prolonger l’attention (focus) en calmant le système limbique.

Du fantasme à la réalité

Chez l’humain, la capacité à imaginer dépasse nettement la capacité à réaliser… Rester dans l’imagination sans passer à la mise en oeuvre concrète évite de se confronter à ses manques, à ses maladresses, au fait qu’il faudra apprendre encore et encore. Finalement, c’est dur. La motivation et l’auto-determination sont des éléments clé . Pour qui, pour quoi fait-on les choses ? Il est utile de comprendre que la motivation s’entretient. et qu’un recadrage sur nos éventuels conflits de motivation nous permettra à la fois une remise en mouvement et de faire des choix constructifs.

On en viendra à un moment à la question du sens. Le sens de la vie. A notre niveau, on peut peut-être simplement se préoccuper d’être dans une vie qui a du sens, et non pas du sens de la vie qui nous échappe. Qu’est-ce qui a du sens pour nous ? A travers divers ajustements créateurs comme s’ouvrir à différents points de vue, recadrer nos pensées irrationnelles et les introjections, développer notre responsabilisation, apprendre de nouveaux comportements, restaurer notre capacité de choix, traverser les deuils de nos beaux idéaux pour passer à la pratique du terrain, … nous pourrons expérimenter d’autres cycles de vie que celui de la procrastination et en acquérir petit à petit une nouvelle flexibilité comportementale.

Au sujet du temps et des émotions

En travaillant sur notre représentation de notre ligne du temps, notre perception du temps et de notre « futur soi », nous pouvons améliorer les prises de conscience des conséquences néfastes à long terme du comportement de procrastination et progressivement développer notre “response-ability” au présent face aux éléments déclencheurs et pensées irréalistes.
D’autres chercheurs soulignent l’importance de pouvoir réguler ses émotions : en travaillant d’abord sur notre stress et notre anxiété, nous pourrons parvenir à maîtriser les mécanismes que nous utilisons face à ce stress.

Des logiciels pour "aider"

Pour lutter contre la procrastination, de nombreux logiciels sont apparus :
Ommwriter, Focus Writer, Isolator, Think, Rescue Time, Habit RPG, Stop procrastinating, Self Control, StayFocused, ....

Certains vous proposeront de créer un environnement propice au travail tel une chambre d’écrivain, d’autres bloqueront les autres fenêtres actives de votre ordinateur. D’autres encore vous aideront à tenir un planning de révisions incluant vos tâches quotidiennes. Parfois, l’application se présentera sous forme d’un jeu basé sur l’auto-motivation. Votre succès dans l’application sera en relation avec les succès des tâches que vous aurez définies. Pour les procrastinateurs les plus assidus, des logiciels pourront bloquer l’accès à divers sites durant une période fixée et le redémarrage de l’ordinateur n’y changera rien.

Vraiment utiles ?

On peut s’interroger sur l’utilité réelle de ces logiciels sans un suivi psychothérapeutique dans les cas où à l’origine de la procrastination il y a par exemple un échec de régulation de soi-même qui se produit en raison d’une priorité accordée à la gestion de l’humeur à court terme. C’est alors un trouble d’ordre émotionnel qui nécessite pour que l’on puisse le traiter d’en prendre conscience. Certains de ces logiciels pourraient peut-être le permettre étant donné qu’ils peuvent par exemple quantifier les différents types d’activités que nous menons. D’autre part, la procrastination n’est pas limitée à l’usage de l’ordinateur et un procrastinateur coriace pourrait trouver d’autres occupations amusantes en dehors de son ordinateur ...

Selon le neurologue Jean-Philippe Lachaux, directeur de recherche à l’INSERM : "Ça ne remplace pas un travail de long terme sur la raison de la distraction et du manque de concentration. » Il pense essentiel d’analyser les mécanismes de l’attention, afin de comprendre pourquoi le sujet se disperse. Selon lui, nous en demandons beaucoup au système exécutif de notre cerveau situé dans le lobe frontal et chargé de la planification des actions et de la gestion de l’attention. Il préfère donc recommander des logiciels de soutien au système exécutif du cerveau comme Omnifocus. Cette plateforme permet d’organiser toutes vos activités quotidiennes en fonction d’un contexte, d’un lieu, d’une temporalité. Il faut ensuite les subdiviser en sous-tâches et les hiérarchiser, de la même façon que s’organise notre cerveau. C’est donc une excellente façon de combattre la procrastination car aborder de plus petites tâches est moins anxiogène que de s’attaquer à une seule tâche complexe. « Ce type de logiciels soulage la mémoire prospective, qui projette les actions à réaliser dans un futur proche et développe une dextérité attentionnelle, en permettant de ne se focaliser que sur les tâches primordiales », conclut Jean-Philippe Lachaux.

De son côté, Bruno Koeltz recommande de développer une véritable discipline de vie et une hygiène de travail. « Plus qu’une simple déconnexion virtuelle des sources de procrastination, il faut une déconnexion physique. Il conseille de trouver un environnement libre de toute distraction pour pouvoir se concentrer ce qui ne règle pas complètement le problème néanmoins.

Une note positive : La procrastination structurée, ou l’art subtil d’utiliser sa procrastination à son profit

John Perry, professeur de philosophie à l’université de Stanford, nous montre comment transformer notre procrastination pour en faire un véritable atout et nous donne une véritable stratégie pour transformer les procrastinateurs en êtres efficaces et travailleurs. Il signale au préalable que le procrastineur n’est pas quelqu’un qui ne veut rien faire du tout mais plutôt un individu qui préfère faire autre chose que ce qu’il devrait faire vraiment. Le procrastineur repousse sans cesse les tâches “importantes” (on pourrait dire problématiques selon ses critères personnels), pas toutes les tâches. Pour lui, se concentrer sur peu de tâches “importantes” : « si je me limite aux 2 ou 3 tâches vraiment importantes, je vais réussir à ne pas les repousser », est une mauvaise idée. C’est au contraire ce qui vous poussera à les retarder.

L’idée maîtresse de John Perry est que procrastiner c’est simplement se concentrer sur toutes les tâches que l’on juge comme les moins importantes ou même carrément inutiles. C’est avant tout détester effectuer des tâches "importantes". Avec la procrastination structurée le procrastinateur peut éviter de faire une tâche difficile prioritaire en se concentrant sur des tâches moins difficiles. Même les procrastinateurs les plus assidus peuvent espérer y arriver. Pour cela, il conseille de classer les tâches par ordre d’importance et d’en mettre un maximum (toutes des tâches ayant une utilité petite ou grande et même d’une utilité relative). En accumulant des tâches diverses utilités sur sa liste, le procrastinateur va accomplir une grande quantité d’entre elles de diverses utilités, en évitant simplement les plus utiles en haut de sa liste. En fait, le procrastinateur peut effectuer des tâches compliquées, urgentes et importantes, si cela lui permet d’échapper à des tâches encore plus urgentes et importantes. La liste de vos tâches à effectuer doit donc tenir compte de ce mécanisme.

Une question subsiste : quid des tâches urgentes et/ou importantes en haut de ma liste ?

L’art de cette technique consiste à choisir très adroitement les tâches que vous mettrez en haut de votre liste. Ces tâches doivent avoir deux caractéristiques : sembler avoir une date butoir précise (alors qu’en réalité cela peut être faux) et sembler très importantes (en réalité cela peut être faux aussi). Par chance, la vie abonde de tâches de ce type. Cela nécessite d’être un minimum capable de se mentir à soi-même mais selon John Perry, pour les procrastinateurs l’auto-tromperie est une seconde nature !

Transformer une faiblesse en force en s’appliquant à reporter adroitement voilà qui est élégant.

Conclusion

A travers ces deux articles, nous avons exploré le comportement de procrastination. Après une phase de découverte du concept et de ses conséquences souvent insoupçonnées, il était important de montrer qu’il n’y a pas une cause unique à la procrastination et que celle-ci présente plusieurs modes d’activation dont quelques uns ont été décrits au sein de différents modèles explicatifs.

Tous ces liens avec les émotions, notre estime personnelle, la motivation, notre perception du temps, les situations et contextes, la personnalité, la fidélité aux introjections, ainsi que le fait d’être potentiellement un symptôme d’une pathologie sous-jacente font de la procrastination un concept riche et passionnant.
Si vous êtes procrastinateur chronique et que vous en souffrez, j’espère que vous y avez trouvé des pistes de compréhension mais aussi un certain soulagement de la culpabilité souvent ressentie par ceux qui procrastinent et surtout de nouveaux possibles.

Même si certains nouveaux comportements sont à apprendre pour retrouver une procrastination choisie, évitons les solutions toutes faites et expérimentons plutôt dans le respect de nous-mêmes afin de découvrir ce qui fonctionne pour nous.
Finalement, il s’agit de parvenir à se connaître mieux et à composer avec nos difficultés et les différentes étapes de notre vie.

Munis d’une (nouvelle) flexibilité comportementale : Procrastiner ou ne pas procrastiner, telle est maintenant la question !

Sources [1]

- Lire : "Procrastination, nuages à l’horizon" (partie 1)

Catherine Absil.

Licenciée et agrégée en sciences mathématiques, Catherine Absil a débuté dès ses 18 ans dans le soutien scolaire. Ayant enseigné dans des écoles à discrimination positive et confrontée à des situations difficiles, elle a complété sa formation en tant que conseillère en stratégies d’apprentissage PNL afin d’aider au mieux ses étudiants. Et, par la suite, comme Maître-Praticienne PNL pour gérer les situations humainement très impliquantes.

Dans un premier temps pour réconcilier avec l’apprentissage et par la suite pour diverses autres situations humaines, elle a ensuite continué en se formant comme Gestalt thérapeute (3e cycle EPG, membre SBG).

Catherine propose de séances individuelles ou en binôme pour du coaching/conseil apprentissage ou du développement personnel ou un accompagnement psychothérapeutique.

- www.catherineabsil.be

[1Sources
Bruno Koeltz - “Comment ne pas tout remettre au lendemain” http://www.amazon.fr/gp/product/B007IWF1XO?psc=1&redirect=true&ref_=oh_aui_d_detailpage_o00_
http://www.amazon.fr/Procrastination-Why-You-What-About-ebook/dp/B005F1MOGM
http://www.lemonde.fr/campus/article/2014/10/09/la-procrastination-ennemie-des-etudiants_4503749_4401467.html
http://www.lefigaro.fr/culture/2015/03/25/03004-20150325ARTFIG00295-non-la-procrastination-n-est-pas-une-pathologie.php
http://www.psychomedia.qc.ca/psychologie/2014-04-07/lien-genetique-procrastination-impulsivite
http://www.psychologicalscience.org/index.php/publications/observer/2013/april-13/why-wait-the-science-behind-procrastination.html
http://escholarship.org/uc/item/5r26k54p#page-2
http://dspace.ucalgary.ca/jspui/bitstream/1880/47914/1/Steel_PsychBulletin_2007_Postprint.pdf
http://www.franceculture.fr/emission-la-grande-table-1ere-partie-petit-eloge-de-la-procrastination-2012-11-15
http://tracks.arte.tv/fr/la-procrastination-structur%C3%A9e-la-glandouille-productive
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https://www.coursera.org/learn/learning-how-to-learn
http://www.dynamique-mag.com/article/petit-eloge-procrastination-structuree.4154
http://phdcomics.com
http://phdcomics.com/events.php
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Publication proposée par : Absil Catherine

Catherine Absil, psychologue clinicienne et Gestalt thérapeute dans la Région de Wavre-Rixensart, propose des Séances individuelles ou en binôme pour du coaching/conseil apprentissage ou du développement personnel ou un accompagnement psychothérapeutique.
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