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Cartes des Pratiques Narratives

Michael White


Cartes des Pratiques Narratives

Depuis la publication, il y a presque vingt ans, de son ouvrage détonnant Les Moyens Narratifs au Service de la Thérapie, co-écrit avec David Epston, Michael White s’est incontestablement positionné comme le talentueux fondateur des Pratiques Narratives. Ses idées et ses pratiques représentent une innovation majeure dans le monde de la thérapie, tant sur le plan théorique que sur le plan clinique. Son influence a débordé le champ de la thérapie familiale pour s’étendre au traitement des traumatismes, des dépendances, des désordres alimentaires (anorexie/boulimie), de la schizophrénie, du deuil, de la violence domestique. Il est également connu pour son travail avec les enfants et son implication auprès de communautés (aborigènes en Nouvelles Galles du Sud, rescapés au Rwanda, conflit des Trois-Nations à Toronto…)

Michael White est né en 1948 à Adelaide en Australie du Sud. Après avoir brièvement travaillé comme agent de probation, il a obtenu son diplôme d’assistant social de l’Université d’Australie du Sud en 1979. Il est ensuite devenu assistant social psychiatrique à l’Hôpital pour Enfants d’Adelaide avant de fonder, en 1983, son centre privé, le ‘Dulwich Centre’, qu’il a dirigé jusqu’à la fin de l’année 2007. A cette date, il a quitté ce centre pour en fonder un nouveau le ‘Narrative Practices Adelaide’, centre qui fonctionne toujours aujourd’hui avec ses associés Maggie Carrey, Shona Russell et Robert Hall.

C’est en 2004 que nous avons fait la connaissance de Michael White, lorsqu’il a accepté notre invitation de venir animer la première formation en France aux Pratiques Narratives. Connu dans le monde entier, invité sur tous les continents, célébré dans toute l’Europe, Michael White était à l’époque quasiment inconnu en France. Depuis lors, grâce à sa venue régulière et à celle de ses collègues, une petite communauté Narrative a vu le jour au pays de Michel Foucault, de Jacques Derrida, de Pierre Bourdieu et de Gilles Deleuze, pour ne citer que quelques uns des principaux penseurs alimentant sa réflexion.

Michael White était très inspiré par ces penseurs qui avaient en commun de faire émerger des idées, des concepts en dehors du sentier battu et rebattu du pouvoir moderne qui impose un standard dominant. Il s’inspirait aussi de Jerome Bruner qui a ouvert la porte de la culture dans la psychologie et a inscrit la narration dans l’identité et les histoires dans le vivant. Nombre d’autres figures comme Lev Vygotski, Barbara Myerhoff ou Ignace Meyerson, ont aussi nourri sa pensée.

Durant 25 ans, il a relié philosophie et pratique professionnelle. Il a incarné dans sa pratique, très concrètement, méthodologiquement et de façon cohérente, les réflexions de ces grands personnages. On peut dire de lui qu’il a aidé les gens par la philosophie en action. Michael White était une étoile dans le champ de la relation d’aide, qu’il avait façonnée à la lumière de la pensée critique française. Il fut en cela un précurseur.

Michael White

Michael White a initié une forme particulière d’accompagnement basée sur les analogies topologique et textuelle (cartes et récits...) quand d’autres lui préféraient l’analogie mécaniste (outils et techniques pour réparer des systèmes qui dysfonctionnent...) ou l’analogie des sciences sociales (le jeu, déplacements pour élaborer une stratégie......) ou encore l’analogie biologique (un système vivant, les principes d’énaction, d’autopoièse...).

Ainsi, le travail de Michael White repose sur la métaphore littéraire. La vie est considérée du point de vue de celui qui en fait le récit, elle devient donc une histoire et son narrateur, la personne qui consulte, en est l’auteur. L’identité du narrateur, forgée par son histoire, devient une entité mobile qui peut se redéfinir au gré des narrations. Cette conception narrative de l’identité constitue une véritable révolution en psychologie. Paul Ricœur la décrit non plus seulement comme un « même » (du latin idem, sujet identique à lui-même dans la diversité de ses états) stable et figé, cœur de l’être, qu’il s’agit de mettre à jour par un patient travail d’introspection, mais également comme un « soi-même » (du latin ipse, sujet refiguré par toutes les histoires véridiques ou fictives qu’il se raconte sur lui-même) mobile et souple qui inclut le changement et la mutabilité dans la cohésion de sa vie.

Le but d’une conversation narrative est d’aider la personne qui consulte à recouvrer sa capacité à agir, à redevenir capable de prendre sa vie en mains, à reconquérir ce sens de l’initiative personnelle dont tout être humain est doté, et qui peut se trouver occulté. La re-négociation des relations avec des personnages significatifs de la vie de la personne fournit des points d’appui sur le chemin, étayant les fines traces d’une « histoire préférée ». L’aboutissement du travail est une auto-biographie écrite cette fois, non plus à l’insu du client, mais de son plein gré.

Pour conduire ce type de conversation, pour aller à la découverte des riches territoires de vie des personnes qui le consultent, Michael White a mis au point des « cartes » qui sont autant d’instruments de navigation. Elles fournissent des échafaudages qui, en construisant des séquences narratives organisées, permettent d’arpenter les chemins qui mènent aux lieux exotiques de la vie des clients. Elles mettent à jour des alternatives au récit dominant que les clients se racontent et valident jour après jour. Le récit dominant occulte d’autres histoires possibles (contre-exemples) que l’on pourrait façonner à partir d’autres événements laissés à l’écart car invalidant l’histoire dominante. Cette navigation en collaboration permet d’envisager l’histoire de vie comme peuplée d’événements « uniques », existants et oubliés.

Dans son dernier ouvrage, Michael White nous dévoile, dans un langage simple et clair, son atlas. Il y détaille la topographie de son fascinant terrain thérapeutique. Il fournit au lecteur le compas et la boussole qui pourront le guider pas-à-pas dans la traversée. Il offre de multiples exemples pratiques, des retranscriptions consistantes et démonstratives de séances ainsi que leur cartographie. Il propose des cadres théoriques de référence, il expose les fondements historiques de son approche.

Cartes des Pratiques Narratives est si accessible qu’il fournit une magnifique vue d’ensemble pour les lecteurs qui découvrent aujourd’hui la démarche. Simultanément, il est tellement détaillé et complet, que les praticiens plus expérimentés y verront une étude captivante.

Michael White a succombé à un arrêt cardiaque le 4 avril 2008 à San Diego, Californie. Au sommet de son talent, il nous avait confié avoir pour projet de rassembler sa pensée en un ouvrage philosophique.

A sa requête, nous nous sommes engagés à diffuser les Pratiques Narratives et, ce faisant, à contribuer au développement de leur histoire en Franco-phonie.

Isabelle LAPLANTE et Nicolas DE BEER
- www.pratiquesnarratives.com

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