La confiance en soi comporte cinq caractéristiques essentielles. En comprenant bien chacune d’elles, on peut facilement imaginer des façons d’agir sur notre confiance et sur celles des autres.
Pierre entre dans la salle pour la première réunion de ce nouveau groupe de travail. Il est essoufflé et en sueur même s’il est en avance. D’un coup d’oeil il trouve une place libre et s’empresse d’y déposer ses documents. Mine de rien, il jette des coups d’œil furtifs aux autres. Il cherche à se donner une contenance pour que personne ne puisse voir combien il est tendu. Ses gestes sont saccadés et maladroits, sa posture est rigide, ses mains sont moites, il a la bouche sèche. En ce moment, il n’aspire qu’à une chose : survivre à cette première réunion.
Lorsque Julie arrive, elle s’arrête, jette un regard sur les personnes déjà présentes et sourit aux deux personnes qui répondent à son regard. Pierre n’est pas de ceux-là ; il l’examinait du coin de l’oeil, mais s’est empressé de regarder dans la direction opposée lorsqu’elle s’est tournée vers lui. Il s’en veut aussitôt, mais il voudrait quand-même être invisible. Lorsque Julie vient s’installer à côté de lui, il est tellement embarrassé que son crayon lui échappe. Comble de malheur, elle lui parle : "Bonjour, je m’appelle Julie, je travaille à la comptabilité. Je me demande bien pourquoi on nous a réunis. Le savez-vous ?"
Maintenant, Pierre est terrorisé ! Il veut répondre, mais aucun son ne sort de sa gorge. Il se demande quoi dire, quoi faire de ses mains, comment avoir l’air dégagé. Il sait qu’il ne réussira pas, comme d’habitude... Heureusement, la réunion commence immédiatement ; sauvé !
Pendant la première partie de la réunion, Pierre n’arrive pas à être attentif. Il est trop occupé à s’en vouloir d’avoir bafouillé. Il envie l’assurance de Julie. Il la trouve chanceuse d’être aussi complètement à l’aise, d’avoir parfaitement confiance en elle et de réussir ainsi sans effort. Après une heure à peine, il constate que Julie devient déjà une personne importante dans le groupe alors que lui n’a pas encore ouvert la bouche et ne sait pas trop de quoi il est question.
Comme dans les autres comités dont il a fait partie, Pierre se dirige vers un échec humiliant. Il ne sera qu’un figurant aussi silencieux que possible. Lorsqu’il ne pourra pas éviter d’émettre une opinion, il s’en tiendra à un point de vue vague, aussi proche que possible des opinions des autres. Pourquoi ?
On peut certainement dire que Pierre n’a pas confiance en lui-même. C’est vrai, mais incomplet. On pourrait tout aussi bien dire que Pierre prend tous les moyens pour éviter d’avoir confiance en lui : il fait exactement tout ce qu’il faut pour saboter ses chances d’augmenter sa confiance. C’est également vrai, mais beaucoup plus important, car cette vision laisse entrevoir une solution.
En comprenant bien chacune d’elles, on peut facilement imaginer des façons d’agir sur notre confiance et sur celles des autres.
1- Une prédiction
La confiance en soi est toujours une prédiction. Il ne s’agit pas d’une qualité innée, du résultat d’un "insight" ou d’un sentiment. Cette confiance existe d’abord dans l’esprit : la personne fait une prédiction. Elle prévoit quelque chose qui surviendra dans l’avenir. Contrairement à ce qu’on croit souvent en regardant de l’extérieur une personne qui a confiance en elle, il ne s’agit pas d’une certitude mais d’une prédiction, avec une part réelle d’incertitude comme toutes les prédictions.
2- Réaliste
Contrairement à ce qu’on croit souvent, il ne s’agit pas d’une confiance aveugle. La confiance en soi est réaliste : elle s’appuie sur l’expérience réelle accumulée par la personne. Autrement, cette confiance serait dangereuse et conduirait à des échecs graves. Mais nous avons la chance d’être protégés par des réflexes vitaux qui nous empêchent, en temps normal, de nous faire une confiance aveugle ou excessive. Sans avoir à le décider, nous avons naturellement tendance à nous inspirer des résultats obtenus dans le passé pour prévoir ce qui nous attend.
3- Des ressources suffisantes
La personne qui entreprend une tâche nouvelle ou s’implique dans une situation inconnue ne peut connaître à l’avance les résultats qu’elle obtiendra. Si elle est réaliste, elle sait qu’un grand nombre de facteurs contribueront à créer ces aboutissements et que sa contribution, même importante, n’est que partielle. La confiance en soi ne va pas jusqu’à prédire les résultats : elle prédit, avec réalisme, qu’on a les ressources nécessaires pour faire face à la situation. Elle prédit qu’on est capable de trouver des solutions aux problèmes qui ne manqueront pas de survenir en cours de route. La personne confiante prédit, en s’appuyant sur son expérience, qu’elle va réussir à se débrouiller adéquatement. Elle ne sait pas si elle va réussir à atteindre ses objectifs, mais elle croit, avec un niveau de certitude élevé, qu’elle trouvera les moyens de "faire pour le mieux" dans la situation réelle.
4- Dans un domaine particulier
La confiance en soi n’est pas un chèque en blanc ! Toute prédiction doit être relativement précise pour être réaliste. Cette prédiction s’applique toujours à un domaine particulier. Je peux avoir confiance en moi comme skieur sans être confiant comme golfeur. C’est le résultat de mes expériences accumulées dans ces deux domaines (ainsi que dans les domaines connexes comme le tennis et la planche à voile) qui est le principal critère. Je peux avoir confiance en moi comme amant mais non comme père, comme participant aux réunions mais non comme animateur, etc. Vue de l’extérieur, la confiance en soi apparaît souvent comme générale, mais en réalité, elle est toujours spécifique.
Par exemple, il est clair que Pierre n’a pas confiance en lui comme participant au groupe de travail dont il est membre avec Julie, mais il peut avoir une très grande confiance en lui-même comme père pour l’éducation de ses deux enfants. Tout dépend des expériences qu’il a accumulées dans chaque domaine et des conclusions qu’il en tire.
5- Temporaire
Et il faut ajouter enfin que la confiance en soi n’est jamais acquise définitivement. Elle est temporaire par définition, car elle est réaliste et ancrée dans l’expérience. Si je cesse de jouer au golf pendant quelques années, ma confiance dans ce secteur en souffrira. Je garderai sans doute la confiance d’être capable de retrouver mon habileté perdue, mais je sais par expérience qu’il faut jouer très régulièrement pour maintenir cette habileté. Le manque de nouvelles expériences amène ma confiance à s’émousser.
De nouvelles expériences malheureuses peuvent également l’atténuer ou même la détruire. Ce sera encore plus vrai si ces expériences ne peuvent être intégrées dans l’expérience de la personne. Par exemple, si je rencontre des échecs, surtout répétés, que je ne parviens pas à comprendre, leur effet sur ma confiance sera important. C’est comme si je ne pouvais plus me fier à mon expérience accumulée sur laquelle ma confiance s’appuyait. Ma compréhension pratique du domaine n’est plus applicable ou ne me semble plus valide.
Une définition La confiance en soi est donc "Une prédiction réaliste et ponctuelle qu’on a les ressources nécessaires pour faire face à un genre particulier de situation" en termes d’action. |
Elle est toujours le résultat d’une accumulation d’expériences. Il s’agit toujours d’une certitude partielle qui s’applique à un domaine particulier et à un moment donné. Il ne s’agit jamais d’une prédiction de résultat ou de performance ; c’est plutôt une prévision qui touche la façon dont les choses vont se passer.
Après ces explications, il est plus facile de comprendre pourquoi Pierre et Julie ont vécu, dans le même groupe de travail qui était nouveau pour les deux, des expériences si différentes. Ils abordaient la situation de façon bien différente et, à cause des choix qu’ils ont faits, ils obtiendront des résultats radicalement opposés du point de vue de la confiance en soi. Pierre en sortira avec encore moins de sécurité et plus convaincu que jamais qu’il est incapable de participer à ce genre de groupe alors que Julie y puisera une confiance qu’elle n’avait pas auparavant.
Max Meulemans, Directeur de Coaching Ways International.
Max Meulemans, Coach MCC intervient comme formateur et accompagne des personnes en entreprises et en individuel depuis plus de 20 ans.
Après un début de carrière dans le secteur de la chimie, son parcours de vie lui a fait découvrir son intérêt vis à vis des ressources humaines, des techniques de communication et de la gestion du changement.
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