Le savoir, le pouvoir et le coaching


Le savoir, le pouvoir et le coaching

« Qu’est-ce que c’est que les relations de pouvoir ?
Le pouvoir, c’est essentiellement des relations, c’est-à-dire ce qui fait que les individus, les êtres humains sont en relation les uns avec les autres, non pas simplement sous la forme du désir, mais également sous une certaine forme qui leur permet d’agir les uns sur les autres et, si vous voulez, en donnant un sens très large à ce mot, de se « gouverner »
les uns les autres. Les parents gouvernent les enfants,
le professeur gouverne… » (Michel Foucault).

Et le coach, que gouverne-t-il ? Comment gouverne-t-il ? Est-ce qu’il assoit son gouvernement sur la détention du savoir ? Auquel cas, il cherchera à en savoir toujours plus. Plus de savoir technique et d’outils, et aussi plus de savoir sur le client. Toujours plus d’information, comme si l’obtention du résultat était liée à la compréhension et au savoir. Comme s’il y avait une cause à effet entre le savoir du coach, sa compréhension de l’autre et le fait que le client trouve ses solutions.

Le Savoir

Le praticien (thérapeute, coach, counselor), s’en va souvent en quête d’un nouveau savoir, d’une nouvelle pratique, nouvel outil, nouvelle typologie de personnalité, nouveau test, qui lui permettraient d’en savoir plus. Pour quoi faire ? Pour être plus compétent ? Pour être qui ? Etre le meilleur ? Pour mieux aider le client ? Alors, quel est le savoir du praticien qui aide le client ? Est-ce que l’outil supplémentaire aide le client ? Ou nous rassure, car c’est une béquille au cas où nous ne saurions pas quoi faire ? Pas qui être ? Ceci pour nous aider à combler nos vides intérieurs, notre peur de ce qui peut arriver que nous n’attendions pas. Cette peur du futur immédiat qui nous ferait peur si nous ne contrôlions pas ?
Le risque est de vouloir savoir pour faire et faire pour exister en séance, pour justifier sa présence, se légitimer, légitimer sa prestation, éviter la disqualification toujours possible.
Il y a même des praticiens, ils sont rares heureusement qui font un test avant de commencer une séance. Ceci, juste pour se rassurer quant à l’autre ? Mais, comment peut-on seulement envisager de connaître l’autre ?

Je me souviens d’un praticien qui, ayant utilisé un profil de personnalité, en avait conclu en accord avec le client, que celui-ci n’était pas fait pour telle fonction, alors qu’il était venu, en fait, voir le praticien en vue d’y arriver. S’appuyant sur son système typologique, le praticien avait dit « Vous ne semblez pas fait pour cela, explorons d’autres pistes possibles » allant ainsi dans le sens de la faiblesse du client, à l’inverse de sa demande.

Le savoir d’un praticien, c’est du savoir-faire. Savoir-faire avec les processus. Et des procédures pour le cadre. C’est aussi de la connaissance : éthique, philosophique, scientifique, méthodologique pour pouvoir travailler avec ce qui est important. L’important, c’est le savoir du client, l’important c’est qu’il retrouve son savoir, qu’il retrouve sa compétence, qu’il retrouve son autonomie.

Nous allons partir de l’hypothèse que, dans une conversation, plus le praticien veut savoir, moins le client saura. Plus le praticien fera, moins le client aura d’espace pour faire. Conduire une séance, c’est créer un contenant, être concave, poser espace vide où sont présents le confort et la sécurité, pour permettre au client d’expérimenter ce qu’il ne peut ou n’ose pas ou plus faire dans le contexte problématique particulier pour lequel il est venu nous voir.

Plus le praticien connaît ce dont on parle, plus il sera tenté, souvent, d’agir « à la place », d’utiliser ses savoirs pour intervenir. Avec le risque d’afficher un pouvoir, celui du savoir. Et plus il agira en ce sens, moins il laissera de place au client pour faire.

Alors, acquérir encore plus de savoir, que ce soit en posant des questions de contenu afin de nous rassurer que nous comprenons, ou mettre en avant du savoir pour nous rassurer que nous sommes professionnels, sont une même démarche : craindre de ne pas savoir quoi faire, de ne pas savoir qui être en séance, légitimer sa présence, sa prestation ou désir de briller. La peur du silence ? La crainte de ne pas exister ? La méconnaissance de sa position ?
Ceci était la posture stratégique, savoir, analyser, diagnostiquer, anticiper, intervenir pour.
La posture collaborative sera d’acquérir des savoirs nécessaires pour pouvoir s’en retirer, générant ainsi un espace au client.
« Comment être en même temps tout à la fois l’entourage qui appelle le mouvement et le mouvement qui informe le vivant ? Il n’y a qu’une réponse : être aveugle et ignorant, aveugle pour voir sans bouger dans toutes les directions et ignorant pour que tout puisse venir à l’esprit et au corps  ». (François Roustang)

Le Pouvoir

Le savoir procure du pouvoir. C’est un danger certain. Sommes-nous ici pour prendre du pouvoir sur le client ? Certainement pas, beaucoup de professionnels en sont convaincus.
Michael White évoquait ainsi le pouvoir dans les métiers de la relation d’aide :
« Nous devons travailler à identifier le contexte des idées dans lesquelles nos pratiques se situent et à explorer l’histoire de ces idées. Cela nous permettra d’identifier les effets, les dangers et les limites de ces idées et de nos propres pratiques. Et, au lieu de croire que l’accompagnement n’a rien à voir avec le contrôle social, nous devrions supposer que ça a toujours été une forte possibilité. Nous devons donc travailler à repérer et à critiquer les aspects de notre travail qui pourraient s’apparenter à des techniques de contrôle social ».

Puisque le point important, c’est le pouvoir du client, c’est-à-dire qu’il « puisse » à nouveau, soyons attentifs au pouvoir qui met l’autre en déficit, et au savoir qui, issu d’une soumission inconsciente au contrôle social, risque d’influencer nos séances dans un sens que n’a pas souhaité le client.

Soyons attentif, l’accompagnement des personnes peut avoir une dimension politique. Soit de conformité, soit d’autonomie :
- De conformité aux normes économiques, sociales ?
- D’autonomie du client qui va retrouver sa puissance, se sentira plus responsable, plus à même de choisir dans sa vie professionnelle ce qui lui convient. Alors, la question que nous pourrions nous poser pourrait être : « Que fais-je quand j’interviens en séance ? Au service de qui, de quoi ? »

Le Non-Savoir

Partons de la dynamique suivante, si le praticien se retire de son savoir alors le client va pouvoir retrouver le sien. S’il se retire du pouvoir, alors le client va retrouver le sien.
Qu’est ce que cela veut dire ? Plus le coach montrera son savoir, utilisera son savoir, plus le client se retirera. C’est très visible en séance, et, dans ce cas, nous pouvons souvent voir le corps du client se reposer sur le dos de sa chaise. Il attend la suite « Et après ? ». Le risque est que le coach continue à fournir, fuie en avant. Ou donne des consignes, des impératifs... Alors quand il voudra reprendre la position, redonner la main au client, celui-ci, poussé en position passive par l’incongruité du coach, attendra une nouvelle réponse, sera démobilisé, et le coach pourra en conclure que le client résiste. Or résistance et pouvoir sont un couple indissociable.
Que faire d’informations qui ont amené le client à se noyer dans sa recherche d’informations ? Peu de choses. Les informations que relève le coach sont plus celles concernant la relation entre le client et lui, bien plus que celles de la situation problématique.

Le non-savoir, c’est se retirer de son savoir ce qui est différent du « pas savoir » qui est une attitude non-professionnelle (celle de ceux qui croient savoir). C’est la différence entre zazen et s’asseoir sur un coussin. Le non-savoir va permettre au coach d’avoir des nouvelles de la relation, de repérer le processus.

Pouvoir

Ce qui légitime le coach, ce n’est ni Le Savoir, ni Le Pouvoir, ce sont deux autres notions : non-savoir et pouvoir.
« Pouvoir », comme un verbe à l’infinitif. Si je désire que le client puisse arriver à faire ce qu’il souhaite, un bon moyen d’y arriver est de lui montrer que c’est possible, et donc d’être capable de le faire moi aussi - et surtout moi, en premier. Que je sois exemplaire, démonstratif de ce que le client souhaite. C’est parce que je vais prendre le risque d’oser, que le client, voyant que je peux le faire, que j’ose le faire, osera à son tour. L’exemplarité, c’est oser traverser le « thème » du client. Si je reste tranquille, sans prendre de risque, sans être démonstratif, utilisant mes outils, typologies... pourquoi le client se bougerait-il ? J’ai à être à la hauteur du challenge du client, à la hauteur de sa prise de risque nécessaire.

Traverser le thème

Traverser le « thème » du client passe par l’ici et maintenant. C’est mettre en acte ce que le client est en train de nous montrer de son processus (ou ce qu’il nous dit). Et ça fait souvent peur ! Parce que c’est prendre un risque, celui de « percuter » le processus, donc de provoquer une rupture.

C’est, par exemple, couper la parole au client en disant « le temps court, bientôt il sera trop tard », quand celui-ci depuis le début de la séance répond en termes abstraits aux questions de contenu concret — évasion. Bien sûr, en agissant comme cela, le client ne faisait qu’acter sa problématique (« Je n’arrive pas à passer à l’acte »). Résultat, il s’est levé de sa chaise en disant « je vais vous montrer ».

C’est dire « nous tournons en rond, je ne sais pas si nous pouvons continuer à travailler ensemble, je ne sais pas si je suis la bonne personne pour vous accompagner », au moment où la conversation s’enlise et que le coach se dit « nous tournons en rond, il n’ose pas plonger, je ne sais pas quoi faire, on va dans l’impasse ». Evidemment, cette impasse était la mise en acte de la problématique du client : dévalorisé par son hiérarchique, il avait perdu son autorité et en était arrivé à se demander s’il était vraiment fait pour être manager (suis-je la bonne personne ?) ; comment retrouver son autorité tout en gardant le relationnel ? Résultat, il bouge sur sa chaise, son visage se transforme et il dit « Je souhaite que nous travaillions ensemble, j’ai bien compris qu’il me fallait y aller ».

Mais attention ! Ce n’est pas calculé, ce n’est pas stratégique, ce n’est pas la position basse, ou la position métacomplémentaire de Palo-Alto. C’est une position collaborative, sans intention cachée, une position de fragilité, de vulnérabilité. Parce que la fragilité est une force saine.

Traverser le « thème » du client fait encore plus peur lorsque ce thème est en résonance avec le nôtre. Il s’agit alors non seulement de prendre le risque relationnel, mais en plus d’oser se confronter soi-même, traverser une zone sensible chez soi. Double appréhension ! Un lieu de thérapie et de supervision s’avère nécessaire.

Le coaching est un co-apprentissage. Là est le métier de coach, oser grandir aussi.

- Isabelle Laplante, Nicolas De Beer
contact@mediat-coaching.com

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