Le harcélement moral au travail

Par le Professeur Philippe Corten et la cellule Stress-less


Depuis 2002, toutes les entreprises de Belgique doivent mettre sur pied une procédure de prévention et de traitement des plaintes concernant le harcèlement moral au travail.

La philosophie de cette loi est de considérer le harcèlement moral comme une violence au même titre que le harcèlement sexuel ou la violence tant physique que verbale.

Les buts de la loi sont de :

  1. responsabiliser les entreprises contre ce genre de pratique
  2. ne plus laisser dans l’impunité les harceleurs
  3. protéger le travailleur qui se plaint de harcèlement
  4. proposer des médiations plutôt que de recourir à une procédure en justice (toujours très coûteuse, longue et aléatoire).

Par rapport au passé, cette loi apporte les avantages et limites suivants :

  1. La victime doit présenter par écrit des faits qui présument du harcèlement
  2. La charge de la preuve contraire est reportée sur le harceleur et/ou l’employeur. Concrètement cela veut dire que c’est à ces derniers de démontrer que les faits ne se sont pas produits ou ne sont pas constitutifs de harcèlement !
  3. La personne qui se plaint doit être de bonne foi sous peine de sanctions. Il ne s’agirait pas de détruire une personne intègre par vengeance !

Qu’est-ce que le harcèlement moral ?

Le harcèlement moral est un type de violence qui, au lieu de s’en prendre directement au physique ou à la sexualité de quelqu’un, vise à le détruire en le déstabilisant moralement.

Outre cette dimension abusive, la notion de harcèlement moral implique obligatoirement une idée de comportement répétitif.

L’agression ne se pratique généralement pas ouvertement. L’effet destructeur vient de la répétition d’agressions apparemment anodines (allusions, non-dits, « bêtes blagues », tâches dévalorisantes ou inutiles, disparition de dossiers…) mais continuelles et dont on sait qu’elles ne s’arrêteront jamais. Ces agressions visent l’individu dans sa personne (sa couleur de cheveux, ses ambitions, ce qui est important pour lui,…) dans le but de le déstabiliser.

In fine, cela aboutit à induire chez la victime un sentiment de détresse qui la paralyse et où elle n’imagine plus comme solution que la démission, la maladie ou le suicide.

En quoi le harcèlement moral est-il une violence ?

Dans la violence caractérisée on constate généralement un processus  :
- 1. où la victime est non consentante
- 2. où l’on neutralise la victime en l’empêchant de fuir, de se défendre ou de demander de l’aide
- 3. où l’on transgresse ensuite une limite ou une règle
- 4. dont l’effet est d’atteindre l’intégrité de la victime.

Il en va de même dans le harcèlement moral.

  • 1. Malgré le fait que, bien souvent, la victime ait été consentante en apparence -puisqu’elle n’a pas refusé d’effectuer les tâches ou qu’elle n’a pas refusé les comportements dont elle est l’objet-, ce consentement peut légitimement être remis en question à partir du moment où il a été obtenu abusivement. (Abus d’autorité, non explicitation des intentions ou des finalités dans le but de faire accepter le comportement, menace et/ou chantage explicite ou implicite, atteinte aux droits d’une personne, non respect des limites, etc)
  • 2. Bien sûr, on ne ligote ni ne bâillonne ici les victimes, mais on va :
    • a. les isoler
    • b. les empêcher de s’exprimer
    • c. induire chez la victime l’idée que les seules issues sont de démissionner (être mutée), tomber malade ou se suicider.
  • 3. La transgression, dans le cas du harcèlement moral, va consister à discréditer la victime en, et/ou :
    • a. l’amenant à se considérer comme incapable de répondre adéquatement à sa tâche (la déstabiliser, la stresser,…)
    • b. la dénigrant auprès de ses collègues et de sa hiérarchie.
  • 4. L’effet de cette transgression sera :
    • a. de mettre en péril l’emploi actuel et/ou l’avenir professionnel de la personne
    • b. de compromettre la santé mentale et/ou physique de la victime
    • c. de créer un environnement hostile.

On peut être responsable de harcèlement sans l’avoir voulu intentionnellement !

Beaucoup de monde confond responsabilité et intentionnalité. Pourtant il s’agit de deux choses différentes. Si par mégarde vous ne respectez pas une priorité de droite et que vous emboutissez une voiture, certes vous ne l’avez pas fait exprès, mais vous êtes responsable du dégât et vous devrez le rembourser.
Il en va de même dans le harcèlement moral.

La non-intentionnalité du harcèlement ne déresponsabilise pas le ou les auteurs. Et le fait qu’on ait toujours fait comme ça n’excuse en rien le comportement. Il fut un temps où pincer les fesses d’une femme était considéré comme ‘normal’, ces temps ont changé.

L’intentionnalité du comportement, par contre, est une circonstance aggravante et sera tenue en compte dans les sanctions éventuelles qui seront prises à l’égard du harceleur.

Il peut aussi se faire que le harcèlement soit relayé par des collègues qui, dès lors, peuvent être considérés comme des complices dont la responsabilité est également engagée.

Point de vue de la victime et point de vue de l’agresseur diamétralement opposés.

Il y a lieu d’insister sur l’aspect intrinsèquement subjectif d’une plainte pour harcèlement ou violence.
D’une part, une même situation peut être vécue très différemment d’un sujet à l’autre, ou d’un jour à l’autre. Une même allusion peut pour l’un être prise avec humour et pour l’autre être considérée comme blessante.
D’autre part, il y a toujours une asymétrie de points de vue entre l’auteur des faits et la victime. Dans une engueulade, l’auteur reconnaîtra tout au plus qu’il a haussé le ton, par contre la victime fera part de l’aspect humiliant d’être agressée en public, du ton menaçant, du vécu destructeur des remarques.
Dans toute plainte on observera donc, au départ, une extrême discordance des points de vue, d’autant que les faits reprochés se basent sur des allusions, comportements qui, pris isolément, peuvent apparaître anodins.

Les types de harcèlement moral

Il existe trois grands types de harcèlement moral :
- le Mobbing : pression exercée par (l’intermédiaire) des collègues (mob= foule) – Harcèlement horizontal
- le Bullying : pratique de management qui consiste à rudoyer le travailleur de façon excessive. Généralement exercé verticalement (par le chef)
- le Stalking : consiste à traquer en permanence le travailleur jusque dans sa vie privée (par exemple par un ex-patient).

Concrètement

On appelle harcèlement moral toute conduite :

- 1. abusive (comportements, paroles, intimidations, actes, gestes, écrits unilatéraux) dans

  • a. l’obtention du consentement
  • b. le non-respect de la dignité humaine
  • c. les reproches faits à la victime (discrédit)

- 2. répétée (en général on table sur une durée de plusieurs mois se répétant au moins hebdomadairement)

- 3. ciblée (ou non) sur un individu

  • a. on exclura du champ de cette définition une situation où collectivement tous les collègues sont soumis aux mêmes contraintes ou aux mêmes pressions, sans que ce management ne porte atteinte à la dignité de l’individu en tant que personne.
  • b. on inclura par contre les situations où :
    • il y a rudoiement collectif des travailleurs ou des collègues
    • il est rapporté que par le passé, sur d’autres personnes, les mêmes comportements ou les mêmes conséquences ont été observés

- 4. ayant pour objet (c’est à dire intentionnellement), ou pour effet (c’est à dire non intentionnellement) de :

  • a. porter atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité (physique ou psychique) d’un individu
  • b. mettre en péril son emploi et/ou sa santé (mentale ou physique)
  • c. créer un environnement intimidant, hostile, dégradant humiliant ou offensant,

- 5. dont l’auteur est soit :

  • a. un membre de l’institution
  • b. un tiers externe (un patient par exemple).

Le processus du harcèlement moral

Le harcèlement est le fruit d’un processus répétitif qui s’opère généralement en trois temps :

  • Empêcher la victime de pouvoir réagir
  • La déstabiliser et la discréditer
  • La détruire moralement.

La plupart des faits ou attitudes incriminées sont anodins pris isolément et difficilement objectivables, c’est l’accumulation par effet de microtraumatismes qui use moralement la victime.

1. Isoler la victime

  • N’accorder aucune attention à sa présence
  • L’ignorer
  • La tenir à l’écart de ses collègues
  • Empêcher les autres travailleurs de lui adresser la parole
  • Ne pas l’inviter aux fêtes et sorties de l’équipe
  • Priver la victime des moyens humains dont elle a besoin
  • Lui refuser systématiquement de prendre ses heures de table avec ses collègues
  • Lui imposer des horaires où elle n’est pas en contact avec les autres
  • L’empêcher de fuir ou de se soustraire

Mais aussi , de façon plus objectivable

  • La confiner dans un local isolé
  • Lui supprimer progressivement ses outils de travail
  • Ne lui donner que des tâches à faire seule
  • Lui interdire de demander de l’aide ou des renseignements à ses collègues

2. Empêcher la victime de s’exprimer

  • L’interrompre systématiquement
  • Hurler
  • Ne plus lui adresser directement la parole
  • Refuser de la rencontrer (ou ne pas répondre à ses demandes de confrontation)
  • Lui interdire de faire appel à la hiérarchie ou aux procédures ad hoc
  • Ne pas faire suivre ses plaintes et ses demandes
  • La menacer de sanctions

Mais aussi , plus objectivable

  • La priver de moyens de communication (téléphone, ordinateur, courrier…)
  • Ne lui transmettre ses ordres que par écrit

3. Discréditer la victime (la faire douter d’elle)

  • La critiquer systématiquement
  • Ne lui imposer que des tâches inutiles ou absurdes
  • Mettre le travailleur en échec
  • Simuler des fautes professionnelles
  • La pousser à la faute
  • Ne pas faire suivre ses dossiers, les égarer
  • La dénigrer auprès de la hiérarchie
  • Médire, calomnier
  • Détruire le travail réalisé
  • Compromettre sa carrière

Mais aussi, plus objectivable

  • Lui imposer de façon extensive des tâches qui ne correspondent pas à sa fonction ou ses qualifications
  • Ne plus lui confier de tâches du tout

4. Porter atteinte à la personne en tant qu’individu (l’humilier)

  • Dénigrer la victime face aux collègues ou la hiérarchie
  • Brimades et humiliations
  • Ridiculiser, ‘bêtes blagues’
  • Critiquer ses convictions religieuses, ses origines, sa vie privée
  • Mettre en doute ses capacités de jugement ou de décision
  • Faire des allusions sans jamais les expliciter
  • Faire courir des bruits

Mais aussi , plus objectivable

  • Engueulades publiques non justifiées
  • Endommager son outil de travail ou ses affaires personnelles

5. Compromettre la santé de la victime

  • Obliger la personne à effectuer des travaux dangereux
  • Menaces de sévices
  • Non respect de la vie privée
  • Harcèlement ou violence sexuelle
  • La harceler à l’extérieur (téléphone, lettres ‘anonymes’,…)

Mais aussi , plus objectivable

  • Ne pas respecter systématiquement son besoin de récupération (physique ou psychique) : pauses, nombre d’heures de travail, récupérations…
  • Lui demander des tâches qui manifestement sont au-dessus de ses capacités physiques
  • Accidents
  • Agressions physiques

Profil de la victime

N’importe qui peut être victime de harcèlement moral, cependant des caractéristiques ressortent régulièrement et incitent à porter crédit à ses plaintes.

Assez souvent il s’agit de travailleurs que l’on peut taxer soit de ‘bonnes poires’ soit au contraire de personnes qui d’une manière ou d’une autre pourraient porter ombrage à l’agresseur (un rival). Ce sont rarement de ‘grandes gueules’, au contraire, ce sont plutôt des gens qui auraient tendance à s’écraser ou à être conciliants.

Assez souvent la victime rapporte :
- Qu’elle n’a pas vu venir le piège (voir ci-après le profil de l’agresseur), et quand elle s’en est rendu compte il était trop tard.
- Qu’au départ il s’agissait de choses anodines qu’elle a acceptées en se disant que cela allait passer
- Qu’avant cet incident elle avait toujours eu des évaluations favorables
- Qu’elle est motivée pour son travail et qu’elle aimerait le poursuivre si l’ambiance n’était pas telle
- Qu’elle n’est pas la première à qui cela arrive avec le même personnage ou la même équipe.

Profil de l’agresseur

Classiquement, on rapporte que l’agresseur a une personnalité perverse et, en effet, il faut beaucoup de perversité pour mener à bien un tel scénario jusqu’au bout. Malheureusement cette observation est peu utilisable dans la pratique parce que :

  1. il s’agit d’un terme psychiatrique où les psys eux-mêmes ne sont pas toujours d’accord sur la définition. On peut cependant dire qu’on s’accorde pour estimer que ce sont des gens séducteurs qui manipulent bien leur entourage. Ils sont généralement bien vus de la hiérarchie parce qu’ils semblent efficaces dans leur management et que l’on a reçu peu de plaintes à leur égard,
  2. bien souvent l’une des caractéristiques c’est qu’on ne les voit pas venir. Ce n’est que pris au piège que leur vrai visage apparaît,
  3. tout un chacun dans certains contextes peut utiliser sa fibre perverse, comme tout un chacun peut certains jours être parano, anxieux ou déprimé.

Un devoir tant de prudence que de vigilance s’impose donc. Les deux écueils seraient soit de banaliser de telles pratiques, soit de faire une chasse aux sorcières.

Si on en a la possibilité, on peut s’enquérir de quelques indices qui vont généralement de pair avec du harcèlement comme avec toute situation stressante :

  1. un turn-over élevé des collaborateurs de celui qui est suspecté de harcèlement
  2. un petit absentéisme élevé dans ce service
  3. un taux élevé d’absences pour maladie
  4. des suicides.

Les pièges à éviter

Dans toutes circonstances, il y a lieu de rester prudent : l’inversion de la charge de la preuve contraire de même que l’asymétrie fondamentale entre le vécu de la victime et les faits vus par l’auteur, imposent un devoir de réserve. Trois « pièges » peuvent être rencontrés :

  • Une augmentation générale de la pression au travail qui peut induire une augmentation du stress chez le travailleur. Il n’est pas exceptionnel d’être confronté à des situations qui exigent plus de performance, d’efficacité ou de rendement avec des moyens toujours limités (voire avec moins de moyens). Cette pression accrue peut engendrer un sentiment de frustration ou un syndrome démotivationnel.
    Certains craquent et peuvent, alors, avoir tendance à imputer l’entièreté de la faute à l’autre (le chef, la hiérarchie,…). Dans ce cas, il ne s’agit pas de harcèlement moral mais de stress auquel on ne résiste pas. La souffrance est là certes, et l’on peut en tomber gravement malade (infarctus, ulcères, suicides…).
    Le type de leadership du chef peut être à la source de ce syndrome démotivationnel et il n’y a pas lieu de le banaliser : l’équipe est le bien le plus précieux d’un responsable et il a la tâche difficile de lui faire affronter les défis comme de la soutenir dans l’adversité. Ce n’est pas la filière du harcèlement moral qui résoudra le problème, mais un travail commun au sein des structures de l’institution avec les différents partenaires chargés du bien-être des travailleurs (SIPP, SEPP, Ressources humaines, hiérarchie, syndicats,…).
    Par ailleurs, il existe dans l’institution des structures pour soutenir ces travailleurs (Ressources humaines, médecine du travail, clinique du stress…) et les empêcher de devenir vraiment malades.
  • 2. Il peut arriver que, pour une raison ou une autre, on ne soit vraiment pas satisfait par le travail fourni par un collaborateur. Cela peut être passager ou depuis un certain temps. C’est, en effet, le rôle du responsable de faire percevoir cet état de fait, d’exprimer les doléances et de lui donner une chance pour que cela change. Pour cela, bien souvent, il devra être « derrière lui » et l’attitude du chef sera « ciblée » (il n’y aucune raison de critiquer l’ensemble d’une équipe quand les faits reprochés ne dépendent que d’une seule personne, toute l’équipe crierait à l’injustice). Mais la nuance entre harcèlement et contrôle rapproché est parfois difficile. Là, tout dépendra de la description de ce qu’on demande de faire à la « victime ». L’humilie-t-on dans sa personne ? (Parfois les deux sont cumulés). Cherche-t-on à la faire craquer ou à la sortir de là ?
  • 3. Le plus rare, mais aussi le plus dur, est lorsqu’on se trouve face à un renversement de rôle. La personne qui se présente comme victime est le véritable harceleur. A nouveau il s’agit de personnalités perverses. On imagine bien les dégâts que peut provoquer une fausse accusation de harcèlement moral ou sexuel chez une personne intègre. On a beau dire que l’accusé bénéficie d’un droit d’innocence, la rumeur est destructrice. Si intègre soit-il, et ce durant des mois parfois des années, il sera un suspect. On imagine aussi fort bien le parti de vengeance que certains êtres frustrés peuvent en tirer, surtout si la charge de la preuve contraire incombe à l’accusé. On ne peut jamais prouver son innocence ! Ils le savent bien, on ne se relève jamais indemne d’une fausse accusation, même blanchi !

Qu’en conclure ?
- 1. Qu’il y a lieu de faire la différence entre la souffrance, qui doit toujours être prise au sérieux, et la plainte.
- 2. Qu’il y a lieu de se montrer empathique face à la souffrance, réaliste face à la plainte.

Les conséquences pour la victime

Dans un premier temps, l’effet destructeur du harcèlement moral ne se voit pas, ou si peu. Tout comme la mérule, il va opérer de l’intérieur, insidieusement, jusqu’à laisser chez la victime des séquelles indélébiles.

La stratégie du harceleur est de créer une situation de stress expérimental où sa victime ne peut ni fuir ni se défendre jusqu’à ce qu’elle en arrive au ‘syndrome d’inhibition’ (cfr Guideline pour une clinique du stress). Il s’agit, en l’occurrence de stimuler, de façon répétitive, une réaction très archaïque de l’organisme qui du temps où nous étions reptiles, servait à sauver notre peau : le système sympathique. A petite dose, cette réaction est très bénéfique, à dose répétitive elle peut être catastrophique. En effet, elle déclenche une secousse sismique de tout l’organisme : flush d’adrénaline, libération de cortisol, augmentation du rythme cardiaque et respiratoire, emballement du métabolisme (cholestérol, glycémie, équilibre hydrominéral…),etc. On imagine bien l’effet silencieux et dévastateur de tels séismes répétés heures après heures, jours après jours, mois après mois…

Finalement, l’individu ne peut plus que perforer son estomac, faire un infarctus ou à tout le moins de l’hypertension, tomber en dépression, se suicider.

C’est en ce sens que le harcèlement moral est un acte de violence. A terme, il peut conduire à la mort : une mort lente, insidieuse, indétectable.

Bien heureusement, tous n’en arrivent pas là et font appel avant, mais à quel prix ?

Le prix du harcèlement moral ?

- 1. des perturbations importantes du métabolisme qui prendront un temps considérable pour se rétablir
- 2. un sommeil peu profond et non réparateur entraînant une asthénie de très longue durée, malgré le repos et l’incapacité de travail
- 3. une blessure indélébile, fragilisant la victime face à des stress ultérieurs
- 4. sans parler des gastrites tenaces, de l’hypertension, de l’anxiété, des impressions de ‘qui vive’ permanentes qui la replongent dans la situation traumatisante,…
Et ceci pour autant qu’elle s’en sorte !

Le traitement du harcèlement moral

1. Tout comme dans le viol ou les traumatismes aigus, le premier point est de conforter l’individu dans son droit d’être en colère. En effet, il y a eu franchissement inadmissible de limite (de respect du droit humain). Trop souvent les victimes soit se culpabilisent soit ont un sentiment d’impuissance qu’elles retournent contre elles-mêmes. Les soutenir dans une démarche réaliste mais ferme concernant leurs droits les aide à diminuer leur sentiment de flétrissure dans leur dignité humaine.

2. Transformer la colère en projet de vie et non en projet de vengeance. Aucun procès, aucune punition ne réparera le traumatisme subi. Ce n’est que, mise en perspective du futur, que la victime apprendra à pouvoir dire Non (Stop) à ceux qui attentent à son identité.

3. Traiter le stress sur le plan :

  • a. somatique (troubles métaboliques)
  • b. du cycle éveil sommeil
  • c. des tensions neurovégétatives (kinésithérapie et relaxation)
  • d. psychothérapique (assertivité, distorsions cognitives, aspects psychodynamiques,…)
  • e. souvent avec l’aide d’une médication appropriée (antidépresseurs)
  • f. prendre soin de soi et se faire plaisir !

Procédures prévues par la loi (Belgique)

La loi du 11 juin 2002 prévoit trois procédures auxquelles le travailleur peut recourir soit successivement soit directement :

1. Procédure interne à l’entreprise
- a. La « personne de confiance »
Son rôle est de :

  • Estimer, sur base des dires de l’individu, s’il est probable qu’il s’agisse de harcèlement moral
  • Conseiller l’individu sur la meilleure démarche à suivre
  • Parfois, proposer une médiation.
  • En tout cas, le soutenir moralement.
    A ce stade, l’ANONYMAT LE PLUS COMPLET EST GARANTI.

- b. Le « conseiller en prévention »
Son rôle est de :

  • Analyser la recevabilité de la plainte écrite et motivée
  • Instruire de façon contradictoire la plainte (c’est à dire en allant chercher des renseignements à propos de la victime et de l’accusé et en l’entendant lui aussi)
  • Proposer une éventuelle médiation ou un arrangement
  • Faire rapport à l’employeur du résultat de l’affaire, afin que ce dernier prenne les mesures qui s’imposent pour que le harcèlement cesse.

Quelles sont les garanties offertes ?

  • Ici, une fois la plainte déposée, l’anonymat disparaît
  • Mais, le plaignant a LA GARANTIE PENDANT UN AN DE NE POUVOIR ETRE LICENCIE POUR L’UN DES MOTIFS DE LA PLAINTE. Par contre, s’il apparaît que la plainte se révélait totalement non fondée, le plaignant pourrait faire l’objet de sanctions à la mesure du préjudice porté.
  • La preuve contraire doit être apportée par l’accusé et /ou l’entreprise
  • Obliger l’employeur de prendre les mesures qui s’imposent. L’idée fondamentale de la loi est que le harceleur ne peut plus rester en état d’impunité tacite comme c’était le cas précédemment, en effet l’employeur est obligé de tenir compte de ce rapport au risque de devoir lui-même rendre des comptes à l’inspection du Ministère de l’Emploi et du Travail.

- c. La médecine du travail

  • elle informe le travailleur dont elle constate que l’état de santé est altéré du fait du harcèlement au travail sur les procédures internes à l’entreprise ;
  • elle peut informer elle-même le conseiller en prévention, moyennant l’accord du travailleur.

2. Ministère de l’Emploi et du Travail
Interpeller le Ministère de l’Emploi et du Travail peut être fait directement, mais n’a de réel sens que si :

  • La procédure interne n’a pas entraîné la cessation du harcèlement (absence de mesures par l’employeur ou mesures inefficaces)
  • L’employeur peut être soupçonné d’encourager ses cadres à utiliser ce genre de méthode dans le management du personnel
  • Les procédures internes sont absentes ou défaillantes
    Le rôle du Ministère de l’Emploi et du Travail est de vérifier que les lois du travail soient bien appliquées et ce contrôle s’exercera essentiellement à l’encontre de l’employeur.

3. Porter plainte en Justice
En tout état de cause le recours en justice doit rester l’ultime procédure à moins que les faits de violence soient à ce point graves qu’ils l’imposent. Le plaignant doit cependant être conscient que, s’il introduit une telle action, la possibilité de faire appel à une quelconque médiation est exclue de facto. L’instruction judiciaire prime sur tout autre démarche !

Philippe Corten
Professeur à l’Ecole de Santé Publique et à l’Institut du Travail de L’Université Libre de Bruxelles.
Chercheur au Laboratoire de Psychologie Médicale, d’Alcoologie et de Toxicomanies de l’Université Libre de Bruxelles.
Chef de Clinique Adjoint au Centre Hospitalier Brugmann à Bruxelles
Neuropsychiatre, spécialiste en réadaptation

Pour plus d’informations : http://homepages.ulb.ac.be/ phcorten

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