L’ en « jeu » du rythme. Entre ordre et chaos, un tiers équilibrant et transcendant.

Par Francis Debrabandere, musicothérapeute.


L' en « jeu » du rythme. Entre ordre et chaos, un tiers (...)

Le rythme fait partie de notre univers dés que la vie nous anime.
Il est difficile d’imaginer ce que peut être notre perception sensorielle quand nous sommes baignés dans la polyrythmie des sons et vibrations corporels de notre maman pendant cette longue période intra-utérine. D’autant que tout en étant enveloppé de cette symphonie vibratoire et rythmique, qui préfigure une certaine conscience du temps et de l’espace, se développent en même temps en nous nos propres rythmes internes, qu’ils soient respiratoires, cardiaques, cérébraux, neuronaux,etc...

Qu’on le veuille ou non, notre fonctionnement rythmique fait partie de notre condition humaine. Toute cette " mécanique rythmique " est fortement influencée..., imprégnée de facteurs qui nous échappent...plus ou moins. En effet, le monde externe est lui aussi empli de rythmes et de cycles qui nous accompagnent et ont une action déterminante sur notre façon d’être. L’alternance des jours et des nuits, les saisons, les marées, les cycles planétaires, tous ces mouvements naturels de l’univers que l’on retrouve à un niveau microscopique tout autant qu’à un niveau " macrocosmique ", constituent cette toile de fond kaléidoscopique perpétuelle de notre passage dans la vie humaine.

Qui plus est, nos rythmes sont aussi fortement influencés par nos mouvements émotionnels, notre manière de ressentir et réagir à ce qui nous traverse. La tristesse, la joie, la peur, la passion, la colère, l’enthousiasme..., tous nos états d’âme ont pour ainsi dire une connotation rythmique et une influence sur nos rythmes internes.
On peut dès lors facilement supposer que les modulations rythmiques de notre maman, liées à ses états d’âme et interactions psychiques avec le monde extérieur ( qu’elles soient réelles, imaginaires ou symboliques ) viennent en quelque sorte prendre une première forme langagière, qui serait porteuse de sens, évidemment inconscient, mais qui aurait son importance dans le développement de nos opérations psychiques et de notre identité.

Le rythme comme langage premier, comme première forme de transmission d’information...
Le rythme comme prémice de l’individuation, comme support de l’affirmation du sujet.
Ensuite, la psychologie du développement de l’enfant nous montre également à quel point la notion de « mimisme » est fondamentale dans notre construction. Le « mimisme », c’est imiter, faire comme , reproduire, répéter...et est intrinsèquement de nature rythmique. Et c’est la répétition qui va amener à l’intégration de l’acquis et à la mémoire, et ce dans une certaine jubilation narcissisante liée à la facilité et l’automatisme grandissant du geste, de l’attitude, renforcée par la reconnaissance dans le regard de l’autre.

Le rythme est donc vraiment imprégné au plus profond de nos cellules et est peut-être aussi involontairement vital que notre respiration dans le sens où celle-ci, bien qu’autonome, reste tributaire de l’environnement mais est aussi susceptible de modifications plus ou moins volontaires selon notre état de conscience.

De tous temps et à travers toutes les cultures que l’être humain a développé, le rythme a influencé l’activité de la vie. De tous temps et dans toutes les cultures, l’être humain a eu besoin de mettre en forme sonore sa perception du caractère inévitablement cyclique de la vie, au point de pouvoir accéder à des états d’extase, d’euphorie, d’énergie tout autant qu’à des états de détente, de sérénité et de conscience, en lien avec un certain sens du "sacré", concept où l’humain tout en étant acteur de la vie et du rythme, se reconnaît aussi agi par la vie et le rythme... et peut dès lors laisser l’ego se dissoudre dans sa dimension universelle.

Le rythme est superbement paradoxal car il nous met en présence de tension entre des opposés avec lesquels il fait tiers et nous met en devoir de créativité d’équilibre. Il est à la fois primitif, premier, primaire...et d’une étonnante complexité... ; il est véhicule du lâcher-prise tout autant que de l’ancrage au réel... ; il joue de l’absence et de la présence... ; il joue du son et du silence..., de la vie et de la mort..., de la nature et de la culture.

Le rythme, l’être humain le rend tangible et vivant de par ses innombrables activités de la vie quotidienne, qui font partie de son histoire individuelle et collective, actuelle et ancestrale. Le rythme est un lien à la vie, à l’humanité, à la nature et au cosmos, au temps et à l’universel.

Notre association Nganga postule que mettre l’humain dans une expérience ludique & créative du rythme, que ce soit dans un contexte culturel, pédagogique ou thérapeutique, peut avoir l’intérêt de le mettre en contact et en conscience de toutes les dimensions que le rythme contient et symbolise ; et de les mobiliser au service d’une évolution personnelle.

Le "jeu" du rythme peut faciliter une certaine présence, et une certaine conscience...
Tout comme il peut offrir l’accès à un lâcher-prise, à une mise au repos du mental et ouvrir ainsi l’accès à une expression plus authentique & moins défendue.
Toute manifestation du rythme pourra être prise en compte, car elle peut à minima être utilisée comme métaphore d’une expérience que nous connaissons au fin fond de nous-mêmes. Cependant, les médias que nous privilégions pour cette mise en jeu et en formes, sont les percussions, la danse et la voix.
Seuls ou associés, ou encore comme support à d’autres médias, ces moyens d’expression ont l’avantage d’être directement accessibles, ne nécessitant pas de technique à priori. Ce sont des moyens d’expression " premiers " dans le sens où leur utilisation remonte loin dans l’histoire de l’humanité, et dans le sens où ils sont avant tout sensoriels et corporels.

Les percussions, de par leur côté brut et primaire, nous mettent en présence du son en tant que matière première, matière qui appelle irrésistiblement à être exploitée, mise en forme et en rythme, en résonance et en interaction. Elles nous mettent aussi en présence d’un intense bagage culturel et archétypal, contenant le rite et le symbole, présageant l’énergie de la transe et de l’extase..., de la fête frénétique ou encore de la puissance guerrière...

La danse est le prolongement corporel du rythme, la réaction spontanée et innée du corps au rythme. L’un appelle naturellement l’autre. Et le rythme peut alors jouer d’une action centripète qui nous met en contact avec notre intériorité, là où peuvent se redécouvrir et se réorganiser nos potentiels créatifs, là où peut se clarifier la connexion à soi, l’ accès à notre énergie vitale. Et ensuite il peut aussi jouer d’une action centrifuge qui nous donne l’élan et nous invite à la création, l’expression , à la connexion à l’autre et à notre environnement.

La voix, c’est encore et aussi le lien entre intériorité et extériorité, manifesté par l’expression de la plus primaire ( cris, grognements, onomatopées ) à la plus raffinée ( langage, chant,...) , dans cette alchimie de souffle et de son, teintée de sens et d’émotion.
Ces moyens d’expression nous offrent tous un lien à ce que nous avons dû connaître avant que la vie technologique ne nous éloigne de notre âme, et consécutivement un lien à l’autre.

L’enjeu de l’expérience du rythme serait donc de pouvoir accéder à une fluidité dans le maintien de l’ équilibre entre intériorité ( et ses connotations de centrage, de repos, de retrait, d’âme...) et extériorité ( et ses connotations de pensée, de mouvement, de rencontre, de surprise...)...et de l’équilibre entre le contact à soi, le contact à l’autre et le contact à ce qui nous dépasse et nous transcende...

De plus en plus d’études scientifiques et de recherches montrent que l’expérience du rythme a des effets sur la fréquence de nos ondes cérébrales, sur la synchronisation de nos hémisphères cérébraux. Celle-ci peut être exploitée pour affiner nos états de conscience et découvrir des parts des plus profondes de notre être, à la source de nos potentiels d’équilibre entre nos aspects les plus sereins et détendus, et nos aspects les plus énergiques et créatifs.

Francis Debrabandere en est un des fondateurs de l’asbl Nganga. Il est musicothérapeute et percussionniste. Il intervient dans différents contextes socio-culturels, psycho-pédagogiques et psychothérapeutiques, ainsi que comme formateur.
www.nganga.be

Publication proposée par : Nganga asbl

Nganga est une association qui cherche à comprendre et développer l’intérêt de l’expérience du rythme dans les domaines de la culture, l’éducation & la thérapie.Elle propose des stages, séminaires, animations et supervisions.
- Rue de Pecq, 11
- 7730 St-Léger
- Courriel : nganga.asbl@gmail.com
- Tel. : +32 474 60 10 91
- www.nganga.be

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