Les peurs sont devenues un acteur fantôme à part entière de la société civile et la sécurité un thème majeur, au même titre que la santé, la qualité de vie, la protection de l’environnement. La notion de risque est omniprésente, le principe de précaution est partout, les stratégies préventives ont gagné tous les domaines de la société et ses modes de vie, de l’habitat à la planète. Ce besoin accru de sécurité, de protection, révèle une société anxiogène régie par les peurs, les ayant intériorisées. Mais il n’existe aucun risque zéro dans la vie…Jamais le monde extérieur ne sera sécurisé, ce n’est pas le but du jeu et de l’apprentissage humain !
Le piège principal réside dans des réponses exclusivement matérielles, externalisées, interventionnistes, avec une ingérence croissante dans la vie privée, et au final inefficaces et onéreuses … C’est oublier que la source de la véritable sécurité est intérieure, encore nommée Confiance !
Sécurité, santé, qualité de vie, respect de la nature… Ces thèmes qui auraient pu être affirmés depuis longtemps comme un objectif de civilisation, n’apparaissent depuis peu que sous l’effet de l’urgence, de la peur et de la nécessité. Ils sont revendiqués pour EVITER – le pire, des catastrophes majeures -, mais pas encore choisis comme étant des VALEURS DE VIE fondatrices de l’humanité dans son ensemble.
De plus, ils sont abordés exclusivement par des mesures extérieures - réglementation, dispositifs, normes, réorientation de comportements plus « citoyens » - au caractère d’obligation et d’autorité. C’est pourquoi les réponses apportées sont le plus souvent en distorsion. Elles semblent ignorer la puissance de la conscience individuelle et collective comme facteur premier de changement.
L’inversion du regard est au centre de la question de la sécurité – c’est-à-dire de l’insécurité et des peurs.
La quête de sécurité est partout et touche désormais à tous les aspects de la la vie : l’environnement, l’habitat, l’alimentation, l’espace public, les espaces numériques….
Les conséquences d’une telle inflation sécuritaire sont inversement proportionnelles à la démesure de moyens mis en œuvre. Prenons l’exemple de la santé. Etrange paradoxe que ce pays ou l’institution médicale est puissante et reconnue, détienne le record mondial de consommation d’antidépresseurs et de psychotropes.
D’anciennes maladies ressurgissent et de nouveaux virus apparaissent, la pandémie occidentale de cancers évoquée par David Servan Schreiber et quelques médecins éveillés, celle de maladies dégénératives comme Alzheimer, sont des questions directes adressées à nos choix de vie et de consommation. Les effets secondaires de médicaments aux molécules toujours plus actives sont souvent plus toxiques que le mal qu’ils sont censés soigner.
Les compagnies d’assurances s’engagent dans une sécurisation du parcours médical et on évoque désormais la sécurité de la naissance avec la médecine prédictive, permettant d’éliminer tout risque d’anomalie…mais surtout de générer de nouvelles formes de discrimination par la « pureté » de l’héritage génétique.
Aujourd’hui, au nom de la sécurité, la prévention de la violence urbaine offre des réponses musclées jusque dans les collèges, sur les traces d’une certaine Amérique du surarmement civil…
L’escalade des problèmes est le plus souvent la réponse directe au renforcement sécuritaire.
L’icône sécuritaire principale qu’est l’état se définit surtout par une supra-parentalité de type répressif et autoritaire qui renforce l’assistance et la dépendance.
Les icones secondaires sont payantes et prospères, notamment les compagnies d’assurances et le secteur bancaire. Longtemps protectrices, les entreprises sont sorties du cocon matriciel avec le capitalisme financier et le libéralisme galopant, incompatibles avec le désir de sécurité.
Les trois réponses apportées au développement des peurs collectives sont trois impasses qui amplifient le mal.
La réponse sécuritaire est extérieure, interventionniste, d’inspiration militaire, de court terme, en rien préventive. Le principe de précaution comme stratégie du quotidien, se fait au détriment de la conscience de la vie et des libertés individuelles. Traçabilité électronique, biométrie, puces et implants, les nouvelles technologies du contrôle déploient leur nasse sur la planète. Les bases de données dressant les profils des passagers à destination des Etats-Unis se sont banalisées. Les outils autrefois réservés aux cellules secrètes de la Défense s’appliquent désormais au tout venant, chaque individu étant potentiellement suspect. Une curieuse expression de la démocratie en marche !
La communication de la peur est l’autre réponse, habilement entretenue par le scénario émotionnel hypnotique quotidien nommée information, qui conduit à l’illusion de savoir en même temps qu’à une saturation mentale. En réalité surinformation car envahissant l’espace mental, sensible et imaginaire, et sous-information car le plus souvent d’une grande pauvreté d’approche. Plus les individus sont remplis d’information, moins ils sont à l’écoute d’eux-mêmes et de leurs ressentis, plus ils croient ce qu’on leur dit et entrent dans des systèmes de dépendance !
Ce n’est pas d’information dont nous avons besoin, mais d’une compréhension profonde des mécanismes intérieurs en jeu et de leurs impacts sur le monde extérieur, un tout autre processus.
« Escape » est la troisième réponse, plus inconsciente, mais profondément destructrice, celle des formes compensatoires. Elle consiste à intensifier les conduites de fuite nourries par ce climat anxiogène. L’ampleur de ces échappées constitue un phénomène de société récent regroupé sous le terme d’addictions. La quête de sensations extrêmes, de défonce, de transgression touche des publics de plus en plus jeunes – alcool, tabac, cannabis, boulimie/ anorexie, mondes virtuels, information, sexe, surendettement, surconsommation de médicaments … Ces conduites de dépendances révèlent surtout la douleur de la perte de la conscience d’être, noyée par la sur-stimulation illusoire sensorielle.
Mais qui remonte à la source des peurs ? Personne !
Parler de sécurité, c’est aller au SENTIMENT d’insécurité qui orchestre les peurs.
Une insécurité dont les facteurs ne sont qu’en apparence extérieurs et matériels.
Le sentiment d’insécurité s’origine dans les choix de développement du monde occidental qui ont externalisé la lecture et la compréhension du monde et de soi. La priorité du tout économique, les générations d’experts du monde extérieur, ont construit un modèle de vie axé sur la périphérie, loin des questions essentielles trop dérangeantes.
Faute d’un apprentissage à être soi, les êtres ne se connaissent pas et redoutent de se rencontrer.
Le « connais-toi toi-même » berceau de notre humanité, plus qu’oublié, a été longtemps discrédité. Il est revenu ces dernières années par le biais d’une psychologie nécessaire mais souvent formatée, peoplisée et light pour être plus consommable et accessible, et érigée en modèles s’ajoutant aux nombreux diktats environnants.
La satisfaction des besoins de base matériels et émotionnels est devenue l’unique finalité. Basé sur l’excès de consommation, ce système nourrit un sentiment perpétuel d’insatisfaction et d’incomplétude, l’humain ayant été réduit à une personnalité avide et à cette création illusoire qu’est le consommateur.
L’absence de réalisation personnelle conduit inévitablement à une société de frustration. L’incomplétude est individuelle et collective, il suffit de se retourner sur les mots clés aujourd’hui : insatisfaction, rancœur, mal être, mécontentement, violence…
A chaque pas, c’est le mouvement même de la vie qui est détourné, bloqué, stoppé par les barrages qui s’érigent. Cette impossibilité à aller de l’avant conduit le plus grand nombre à se conformer ou à se rebeller, deux déséquilibres opposés mais identiques dans leurs conséquences.
Puisque rien ne part de soi, que l’on n’ose pas, ne se risque pas, les vies sont étriquées, construites sur des fantômes de peurs, avec un rétrécissement sur la consommation, fuite suprême, et une paralysie progressive des systèmes. Les gens consomment, s’occupent, se divertissent mais ne se réalisent pas et passent à côté d’eux-mêmes… c’est la première des souffrances. On la croit extérieure, elle est d’abord intérieure, avant de se répercuter sur tous les secteurs de la vie.
Qu’en est il pour les seniors ? Les peurs de cet âge sont multiples. Parmi celles-ci, l’angoisse de la perte d’autonomie et de la dépendance. Des professionnels toujours plus nombreux - architectes, architectes d’intérieur, designers- proposent des systèmes très perfectionnés de sécurisation de l’habitat, à domicile et en résidences. Les services à la personne deviennent le premier secteur de l’économie, avec « une croissance à la chinoise ». Mais si ces professionnels apportent plus de sécurité et de confort, ils ne règlent pas le problème de la peur et ce n’est pas leur rôle.
La transition de la retraite est souvent vécue dans la confusion et la perte de repères, le sentiment de n’être rien, de ne plus exister, prenant origine dans la perte de statut social et l’image encore largement dévalorisante et discriminante de l’âge dans notre société.
Mais la principale carence vient de l’absence de préparation de ce temps de la vie, hors une approche matérielle -financière, fiscale, juridique- sociale et sanitaire. Rien sur le sens et les contenus à donner aux 20/30 années de vie active de la retraite, et pas de reconnaissance ni de valorisation de leur formidable capital d’expérience. Quand vient le temps de la retraite, les questions refoulées réapparaissent, celles du sens.
Si les peurs évoquées ci-dessus sont extérieures, la retraite est propice à l’apparition de peurs existentielles, insidieuses, obsédantes. Peurs liées à l’image, à la relation, à l’adaptation, peur de vieillir, de la maladie, de mourir…Peurs d’être, de vivre, de se rencontrer.
Une panoplie sophistiquée de mesures est déployée pour les peurs extérieures. Les peurs existentielles sont des archaïsmes puissants et comme tels se comportent en véritables envahisseurs.
Quelles sont les conséquences et impacts de la peur ?
Une fois la peur intériorisée, elle travaille… comme l’argent ! Son puissant magnétisme attire précisément ce que l’on redoute. Se focaliser sur la peur, c’est courir le risque de la renforcer.
Par contre, comprendre ses mécanismes et ses impacts psychologiques et comportementaux aide à la maîtriser, pour développer de nouveaux apprentissages.
Quels processus sont habituellement mis en place avec la peur ? Selon notre mode polarisé humain, les deux réactions habituelles sont la fuite et l’agression, la manipulation étant une voie intermédiaire conduite par le besoin de pouvoir.
Dans la fuite, les êtres s’en remettent aux instances extérieures, oubliant que la première instance est soi. Il en résulte déresponsabilisation et perte d’autonomie. La peur place en position de victime, d’impuissance, d’autolimitation et entretient les comportements et demande d’assistance. Voilà pourquoi la consommation, mode passif, est le refuge des peureux qui ne veulent surtout rien changer !
Le sentiment d’impuissance, de frilosité, l’absence d’initiatives, aggravé par un repli individualiste, sont caractéristiques de nos sociétés de peur.
Pourquoi ? La peur nourrissant la peur conduit à imaginer le pire dans des scénarios d’anticipation irréalistes, empêchant de s’atteler son véritable devenir.
Dans le mode de l’agression en hausse constante, l’autre, l’inconnu, l’expérience nouvelle sont vécus comme une menace potentielle, avec un apriori de méfiance préjudiciable au lien social. L’arme de la peur n’est elle pas de diviser pour régner ?
Cette méfiance génère inévitablement de la violence, qui conduit, dans une logique d’escalade, à la répression et à la sursécurisation. C’est ainsi qu’une culture sécuritaire se met en place.
Or, ces précautions grandissantes entretiennent et nourrissent constamment le sentiment d’insécurité, de menace, avec la caisse de résonance des media largement participative !
Alors, quelle solution ?
La solution intérieure est le titre d’un magnifique livre du médecin Thierry Janssen qui renvoie, dans le domaine de la santé, aux réponses intérieures, encore si étrangères à la logique occidentale. L’origine de la violence n’est pas extérieure et environnementale : ce monde de violence est notre responsabilité et notre création psychique, reflet de notre état d’esprit, particulièrement de nos peurs.
La carte mondiale de la violence planétaire est d’abord celle de notre cartographie mentale.
La violence extérieure renvoie D’ABORD à l’attitude de chacun devant la vie, à sa relation à lui-même donc à l’autre, à sa capacité de retrouver cette confiance intérieure. Elle parle de notre identité profonde et de notre conception du monde.
Là ou nos gouvernements persistent dans un déploiement de forces extérieures, il existe des solutions intérieures bien plus profitables, TRANSFORMANTES ET DURABLES.
Changer notre état d’esprit et notre regard sur le monde autant que sur nous est un acte d’intelligence et d’urgence à poser, pour amener des réponses réelles et profondes au sentiment d’insécurité.
A une société égoïste, matérialiste et déséquilibrée qui affirme individuellement et collectivement le primat de l’argent et du pouvoir, de la compétition et des rapports de force, il est temps de substituer une société adulte, consciente de ses créations, de leurs impacts, capable de se responsabiliser.
La première société procède des « maîtres du monde », programmant les comportements et croyances du bonheur par la consommation. La société adulte est celle de nous tous, le peuple planétaire qui a aujourd’hui à affirmer sa volonté d’un monde autre, responsable et en voie d’accomplissement.
La sécurité intérieure – ou confiance- s’installe quand on a retrouvé son fil directeur, sa raison d’être, sa clé de motivation. Ce qui amène à une nouvelle intelligence de la vie et de l’être, le nouveau paradigme à mettre en œuvre. Il n’est ni complexe, ni scientifique, ni technologique, ni élitiste, mais au contraire à la portée de chacun.
Mieux se connaître, c’est devenir plus conscient de ses modes de fonctionnement, lignes de force, talents, aptitudes, passions…
Trouver et réaliser des projets qui partent de soi –envies, aspirations, centres d’intérêt, idéaux, valeurs –, vivre ses rêves et ses aspirations, valoriser et exprimer ses talents et sa créativité font partie de la solution intérieure. Une nouvelle reconnaissance de soi en naîtra et la redécouverte de la joie de s’exprimer et du bonheur d’exister.
Dans cette naissance à une nouvelle conscience de soi et de sa vie, chacun pourra prendre une place juste et responsable dans la cité. Non plus en se cramponnant sur les emblèmes du pouvoir, de l’avoir et du paraître, mais en apportant sa contribution d’expérience, de conscience et de sens. C’est la planète dans son entier qui en bénéficiera.
Il est vrai que les seniors, par leur nombre, leur disponibilité de temps et d’esprit, ont l’opportunité plus que d’autres de réorienter leur regard vers les réponses intérieures. En réalisant que leurs pensées, émotions, état d’esprit déterminent et modèlent le monde extérieur, ils prendront conscience de leur responsabilité dans l’état du monde. Mais la conscience n’a pas d’âge et nous appelle tous sur ce chemin de maturité.
Bien sûr, il reste alors à apprivoiser ses peurs, les reconnaître, les accueillir, écouter leur message et les intégrer. C’est une autre étape d’importance pour laquelle coachs et thérapeutes sont des accompagnateurs qualifiés. Les nier, les rejeter ou les affronter ne réussirait qu’à les renforcer et à orienter notre énergie sur la résistance ou le combat, deux voies d’épuisement et d’échec assuré.
Pour l’instant, il ne s’agit pas de vivre sans peur…mais de mieux vivre avec elle.
La conscience des systèmes qui nous emprisonnent est un préalable à un dégagement progressif des conditionnements en place, et à une pensée libre et ouverte.
Chaque humain étant appelé à faire cet apprentissage un jour ou l’autre, commençons aujourd’hui !
Diane Saunier
Coach, Communication et modes de vie, Chargée de cours, Ecrivain, Conférencière.
Diane Saunier est l’auteur de : Seniors, l’âge d’être paru aux Editions Dangles en 2006.
Ce livre accompagne les seniors de 55/70 ans pour mieux vivre le temps de leur retraite, inventer ce nouvel âge, installer un mieux être global et une qualité de vie - santé, habitat, modes de vie. Il est un véritable programme de jeunesse, donc de prévention du vieillissement !
L’approche coaching et développement personnel lui donne une grande efficacité.
Cet ouvrage propose des clés de conscience et des outils pratiques pour se rencontrer et développer son projet créatif.
Il permet de passer à une nouvelle dimension de soi, non plus philosophique ni psychologique, mais expérientielle, la vision « Meta », basée sur une responsabilité de conscience et de sens.
Il apporte le mode d’emploi pour Vivre mieux et autrement et s’extraire de l’impasse évolutive d’une société qui a atteint le point de rupture.
Les seniors, notamment les retraités d’aujourd’hui, sont de hauts potentiels qui ont tout à apporter par leur maturité, leur expérience, leur sagesse et leur vision. Ils peuvent être le levier d’un profond changement… s’ils le choisissent.
Diane Saunier est Coach spécialisée en Communication et modes de vie. Elle est aussi chargée de cours, écrivain et conférencière.