Rencontre

Développement personnel : Aller mieux ou aller plus loin ?

Entretien avec Marie-Françoise Louche


Développement personnel : Aller mieux ou aller plus loin (...)

Quelle est la ligne de démarcation entre psychothérapies et développement personnel ?
Que peut-on attendre, et ne pas attendre de démarches qui visent avant tout l’évolution de la personne ? Questions primordiales pour un public, de plus en plus nombreux, soucieux d’actualiser ses potentialités et non pas de soigner ses souffrances psychiques. La frontière est malgré tout fluctuante. Au détour d’un atelier de prime abord anodin, il n’est pas rare de revisiter un passé douloureux alors que l’on ne s’y attendait pas… Le champ d’intervention du développement personnel est, par définition, mouvant et nébuleux. On peut néanmoins souligner son expansion récente en observant deux phénomènes : la revendication de l’épanouissement de soi dans l’entreprise qui devient un terrain d’expérimentation privilégié pour les techniques de développement personnel ainsi que la référence à la spiritualité et à l’énergie cosmique qui marquent nombre d’approches récentes.

Marie-Françoise Louche, compte tenu de son parcours, est bien placée pour nous faire part de son expérience.

- Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

- Licenciée en communications sociales, j’ai d’abord exercé la profession d’animatrice.
Fin des années 70, il s’agissait, à travers le socioculturel, d’œuvrer « au développement communautaire »…Démarche qui me conduira finalement à me tourner vers le développement personnel ! Mon trajet est marqué par l’expérience de la psychanalyse et des approches psycho-corporelles mais aussi par celle de la méditation. Je pratique la psychothérapie par le souffle (rebirth) depuis la fin des années 80 et anime des groupes d’évolution personnelle.
J’ai également assumé pendant sept ans la coordination d’un centre de planning familial. Aujourd’hui, après un retour à l’université et une licence en psychologie clinique, je me consacre aussi à la réalisation de programmes de formation dans le cadre de la psychothérapie par le souffle et du Transpersonnel. Ce trajet m’amène à être particulièrement attentive aux intrications entre travail personnel et enjeux collectifs.

-Un grand nombre de propositions sont faites au public et il peut sembler difficile de s’y retrouver. Il apparaît que certaines personnes participent à des groupes de développement personnel en pensant régler leurs difficultés psychologiques. Quelle est selon vous, la frontière entre psychothérapie et développement personnel ?

- A mon avis, ce qui distingue la psychothérapie du registre du développement personnel, ce ne sont pas les méthodes appliquées ou les effets recherchés, c’est le type de contrat qui s’établit entre le professionnel et son client. Dans le cadre d’une psychothérapie, une personne demande explicitement de l’aide à une autre appelée psychothérapeute afin de pouvoir apporter réponse à sa souffrance et à ses problèmes. Le psychothérapeute lui s’engage à assister cette personne et en prend la responsabilité. L’accent ici est mis sur la relation.
Dans le cadre du développement personnel, la demande du client est souvent plus restreinte et l’engagement du psychothérapeute délimité, notamment dans le temps. Le plus souvent, il s’agit d’un travail en groupe où le rôle de la relation au thérapeute se trouve relativisé par la dynamique relationnelle entre participants.

- Développement de la créativité, de la communication, de la spiritualité : quelle analyse faites-vous de la multiplication des approches et des techniques visant à se sentir « plus heureux » ?

- Avec la psychanalyse (l’inconscient nous interdit de pouvoir tout connaître et tout maîtriser de nous- même, le manque est le ressort même de notre désir) et la faillite des grandes idéologies (la maîtrise du champ socio-économique), nous avons fait un travail collectif de perte des illusions. Peut-être le temps est-il venu de réenchanter le monde, de se permettre de le penser plus vaste et non réductible à la matière qui le porte. Si cette vision là, qui ne passerait plus par un discours totalitaire, mais par des approches et des techniques multiples, amène à mieux relier les personnes entre elles et à leur univers, si elle nous conduit à une nouvelle « écologie » personnelle et globale plus respectueuse de la vie, je pense effectivement qu’elle nous rendra plus heureux, mais s’agit-il seulement de bonheur ?

-Les approches de développement personnel telles que le Transpersonnel vont au-delà du psychologique et propose une expansion de conscience dans une vision du monde élargie incluant la dimension spirituelle. Ne réclament-elles pas une qualité d’être de la part des praticiens/animateurs d’autant plus grande qu’ils ne se référent pas, la plupart du temps, à un cadre théorique et d’intervention aussi structuré que la psychothérapie ?

- Le Transpersonnel ne se réduit pas à une approche de développement personnel. Il s’agit plutôt d’un cadre de pensée qui interroge le réel de manière interdisciplinaire. La psychologie transpersonnelle est une psychologie intégrative. Les psychothérapeutes, psychanalystes et praticiens qui se réclament de ce cadre peuvent utiliser des théories ou des techniques originales et/ ou plus classiques : issues de la psychanalyse ou issues de la psychologie humaniste. La structuration de leur intervention dépend donc aussi grandement de leur formation de base…Pour résumer de façon drastique ce qui réunit ces intervenants, je dirais qu’il s’agit de l’affirmation de l’existence au niveau psychologique d’une instance au-delà de l’égo, de la légitimité de parler non seulement de causalité psychique mais encore de finalité et que beaucoup étudient et utilisent les états modifiés de conscience. Quant à la qualité d’être de l’animateur il va de soi que si elle est vivement souhaitée, elle n’est pas garantie par l’appartenance au Transpersonnel. Les mêmes mesures de prudence s’imposent avant d’entamer une activité psy… Quel que soit son cadre !

- Trouvez-vous que les participants à des activités de développement personnel sont suffisamment informés des objectifs visés, des effets à attendre (ou inattendus), bref des grandeurs et des limites d’une activité ?

- J’ai envie de souligner la responsabilité du participant dans ses choix…mais pour pouvoir vraiment choisir, il est indispensable de se renseigner et toutes les questions sont légitimes : expérience et formation du praticien, appartenance à une association professionnelle, objectifs de l’activité, durée, coût, contre-indications…les témoignages d’anciens participants sont également souvent éclairants.

- Quel regard portez-vous sur l’évolution des mouvements de développement personnel tels qu’ils sont apparus dans les années 60 aux Etats-Unis ? Selon vous quelles grandes tendances se dégagent ?

- C’est dans l’après-mai 1968 que se développe en Europe les mouvements de développement personnel, issus de la psychologie humaniste, dont le berceau fut le centre californien « de développement du potentiel humain » d’Essalen fondé en 1962 par Murphy. Dans ce contexte du début des années 70, la psychologie humaniste, en réaction à la psychanalyse, essentiellement, se propose d’ouvrir vers d’autres horizons et cela principalement selon trois axes :
- 1° l’essor des techniques de groupe (ex gestalt),
- 2°la valorisation du corps (ex, essor de la bioénergie, rebirth etc.) et de la communication non-verbale
- 3° le retour à la nature.

Passée également par le creuset d’Esssalen et fine pointe de la psychologie humaniste, la psychologie transpersonnelle s’implante en Europe début des années 80. Ces mouvements ont permis de modifier ou de contrebalancer la vision anthropologique que nous avions héritée de la psychanalyse. En effet, la psychologie humaniste se refuse à expliquer l’homme à partir de la maladie et de la psychopathologie. Le contraire du pathologique n’est pas pour elle le normal, mais le sain. Le moi sain est un moi unifié, créatif et orienté vers son dépassement dans la spiritualité (Beyond Ego).
Il me semble que ces dernières années voient se construire de nouvelles théories et de nouvelles techniques pour articuler sociologique et psychologique (ex. Approche biographique) et je me réjouis que certains acteurs du développement personnel posent la question des liens entre changements personnels, responsabilité collective et citoyenneté responsable… !

- Y va-t-il des « ponts » et des influences enrichissantes entre approches de développement personnel et psychothérapies ?

- Il n’est pas rare que des activités de développement personnel amènent pour le participant, une remise en question ou une souffrance qui trouvera plus facilement à s’élaborer et à se dépasser dans le cadre psychothérapeutique. Les deux approches se complètent et s’enrichissent. Le travail psychothérapeutique permet souvent un travail plus en profondeur, personnalisé et plus adéquat aux personnes trop « fragiles », tandis que les groupes de développement personnel offrent généralement plus d’exploration et de mise en valeur de la créativité, de la communication et des capacités expressives de chacun.

- On rencontre des personnes très « gourmandes » en stages et pratiques de développement personnel. Ces activités, en offrant un cadre sécurisant et valorisant aux participants, ne risquent-elles pas d’entraîner une certaine dépendance ?

- Tout comme pour n’importe quelle relation, il existe dans le décours d’une relation à un groupe ou à un psychothérapeute des moments de dépendance tout à fait légitimes et constructeurs où la personne puise la sécurité et les ressources nécessaires pour apprendre à devenir autonome ! Ceci étant, il m’apparaît aussi important de prévenir les participants à un groupe de développement personnel contre l’ « illusion groupale » : les groupes constituent des laboratoires, il est dangereux de s’imaginer que tout le positif qui peut s’y vivre est transposable, aisément, dans la vie quotidienne…

- On parle souvent de liens entre les sectes et le développement personnel. Quel est votre sentiment sur la question ? Et si ces liens peuvent exister, comment pouvez-vous aider nos lecteurs à choisir sans danger ou à quoi doivent-ils être vigilants ?

- Les sectes utilisent souvent le développement personnel comme argument de vente de leur fonds de commerce. Je conseillerais aux lecteurs, d’au moins toujours se renseigner sur l’appartenance à une association professionnelle du praticien ou à une communauté religieuse reconnue s’il s’agit d’un intervenant « spirituel ». Etre membre d’une association professionnelle sérieuse « contraint » le praticien a disposer d’une certaine formation, à respecter un code de déontologie et à maintenir la qualité de son travail, notamment à travers les activités de supervision ou d’intervision, en bref, à se comporter en professionnel responsable.

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