Constructivisme et accompagnement professionnel

Par Nicolas De Beer


Constructivisme et accompagnement professionnel

Nous pouvons aller chercher cette théorie du savoir jusqu’au 5ème siècle avant JC. En effet Héraclite disait déjà que l’on "ne peut se baigner deux fois dans une même rivière", "le soleil est nouveau chaque jour". Et nous la retrouverons au XVIII siècle avec l’historien Gianbattista Vico, puis Jean Piaget jusqu’à aujourd’hui. La résurgence du constructivisme dans la deuxième moitié du XXème siècle va s’appeler "le constructivisme radical" s’est opérée en parallèle au développement de la 2ème cybernétique (Maturana, Varela- Mead - Segal - von Foerster - von Glaserfeld - Watzlawick).

Cette vision du monde remet en question le monde cartésien et affirme que la réalité objective extérieure n’est pas connaissable. Dans le constructivisme radical, la réalité - donc le savoir - sont considérés comme construits individuellement et de manière interprétative ; le monde dans lequel nous vivons est inventé et non découvert. Dans le constructivisme, la réalité - donc le savoir - sont considérés comme construits individuellement et de manière interprétative ; le monde dans lequel nous vivons est inventé et non découvert ; "Toute communication et tout entendement, sont des interprétations construites par le sujet de l’expérience" et ne sont "qu’une manière d’organiser et de classer le monde selon notre vécu" (von Glaserfeld).

Deux découvertes importantes sous-tendent le constructivisme radical

- 1/ Les observations ne sont pas absolues mais relatives au point de vue de l’observateur (théorie de la relativité d’Einstein)
- 2/ Les observations influent sur ce qui est observé de telle façon que l’observateur ne peut plus espérer faire de prédictions, son incertitude est absolue (principe d’incertitude d’Heisenberg)

Comprendre que l’observateur, le phénomène observé et le processus d’observation lui-même forment un tout - et que l’on ne peut les décomposer en éléments qu’au prix de réifications absurdes - a des implications considérables pour la connaissance de l’homme et de ses problèmes. Et plus particulièrement des façons dont "il construit" littéralement sa réalité pour ensuite y réagir comme si elle existait "là-bas", indépendamment de lui, et finalement arriver à la surprenante idée que ces réactions sont à la fois la cause et l’effet de sa construction de la réalité.

D’après les constructivistes, du fait de la raison, nous souhaitons que notre volonté, que nous appelons "réalité" ait une certaine allure, une certaine forme. D’abord, nous voulons que la réalité existe "indépendamment de nous qui observons". Ensuite, nous voulons que la réalité puisse être découverte, qu’elle se "révèle" à nous. Et nous voulons donc connaître ses secrets, c’est à dire savoir comment elle fonctionne. Nous voulons que ces secrets obéissent à des lois afin que nous puissions prédire et finalement contrôler la réalité. Enfin, nous voulons des certitudes : nous voulons que ce que nous avons découvert de la réalité soit vrai.

Le constructivisme radical met en question cette volonté au sens où il se charge de la tâche impopulaire de détruire la croyance en l’existence d’une réalité objective.
Pour les constructiviste, il n’y a pas d’observations - c’est-à-dire ni données, ni lois de la nature, ni objets extérieurs - indépendantes des observateurs qui les font. La scientificité et la vérité de tous les phénomènes naturels sont la propriété de celui qui les décrit, non pas de ce qui est décrit. La logique du monde est celle de la description du monde.

Les constructivistes affirment que, pour connaître le monde, nous devons commencer par nous connaître nous-mêmes, les observateurs. C’est à dire d’être capable de connaître sa propre faculté de perception. Ils prennent en compte la réflexivité et la récurrence. Et, puisque tout discours scientifique est langage, le constructivisme a aussi pour but de formuler une épistémologie qui rende compte de la façon dont nous créons le langage.

Plus de choix

Le constructivisme rejette la croyance en une seule réponse à l’exclusion de toute autre. La multiplicité des choix garantit qu’un système est adaptable, et pour ce qui concerne les êtres humains, qu’il est sain.
L’impératif de Heinz von Foerster est "Agis toujours de manière à augmenter le nombre de choix possibles" et son impératif moral : "A va mieux quand B va mieux".
Il croit que la vie est un jeu à somme non-nulle. La condition sine qua non de toute vie sociale n’est pas la compétition mais la coopération. Le prix à payer est qu’il faut remplacer la notion d’objectivité par la notion de responsabilité.

Nous construisons ou inventons la réalité plutôt que nous ne la découvrons. Nous nous trompons en commençant par diviser le monde en deux réalités séparées - le monde subjectif de notre expérience, et le monde prétendument objectif de la réalité - et en fondant ensuite notre compréhension sur la correspondance de notre expérience avec un monde que nous supposons exister indépendamment de nous.

Et l’accompagnement professionnel (ou coaching) dans tout cela ?

Où situer le constructivisme dans le XXème siècle et en quoi nous est-il utile pour accompagner nos clients ? La première vague fut psychodynamique (Freud, Jung…). La deuxième fut systémique : inspirée par la 1ère cybernétique considérait l’humain comme un système auto-régulé et l’intervenant comme un technicien capable de résoudre les problèmes (AT, PNL, 1ère systémique), et la troisième vague dite collaborative inspirée de la 2ème cybernétique (Constructivisme, Orientation Solutions, constructionisme, méthode narrative) qui nous énonce que l’observateur fait partie intégrante de l’expérience et donc l’influe. Illusoires les notions de "positions méta", "postions objectives", "positions de recul".

Dans l’accompagnement des personnes cela signifie que nous travaillons dans « l’ici et maintenant » de ce qui se passe en séance. Cela veut dire que nous, praticiens, pouvons quitter ce savoir rassurant pour le rendre au client qui est compétent. Cela veut dire que nous ne nous appuyons plus sur le savoir quand nous ne savons pas quoi faire, mais plutôt nous remettre en question. Etre pour faire et non faire pour être. Les phénomènes qui se déroulent entre le client et le coach en séance sont les seuls événements tangibles et partageables. C’est l’espace partagé. Cela nous permet, nous praticiens de la relation, de nous intéresser exclusivement au client, et non aux techniques et outils (appris, conquis de haute lutte), à l’observation, à l’écoute et au silence plutôt qu’aux discours intérieurs, au descriptif plutôt qu’à l’explicatif, au processus plutôt qu’au contenu.

Le client se sentira écouté, respecté pour son savoir et son savoir-faire, l’accompagnant ou coach restera dans sa position d’humilité et de perplexité.
Le coach générant un espace de savoir et de pouvoir pour le client, celui-ci pourra se redéployer bien plus vite, se donnant toutes les permissions pour réussir. Et le coach quittera son savoir et son pouvoir pour simplement garantir le cadre de sécurité essentiel pour l’auto-apprentissage du client.

Nicolas De Beer
- http://www.mediat-coaching.com
mai 2006

* D’après les travaux de Heinz von Foerster, Lynn Segal, Varela.

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