Améliorer la santé par l’hypnose et les thérapies brèves ?

Par le Docteur Yves Doutrelugne


Améliorer la santé par l'hypnose et les thérapies brèves (...)

De Mesmer, médecin allemand, de James Braid, médecin anglais, de Charcot, Liébeault et Berheim, médecins français, de Freud, d’Esdale, et j’en passe ...Tous médecins, ils utilisaient l’hypnose il y a un siècle dans l’art de guérir, chacun dans sa voie. On peut dire qu’il y a une longue tradition d’hypnose dans l’histoire de la médecine. Néanmoins cette affirmation heurte car, en Europe et jusqu’il y a peu, l’hypnose était rigoureusement inconnue voire rejetée avec tout le mépris dû au charlatanisme, à l’occultisme.

Evolution chronologique, historique

1. Avant Erickson : l’hypnose, un pouvoir. L’hypnothérapie : un travail symptomatique

L’hypnose fut connue de tous les temps et sur tous les continents. Elle fut l’outil des prêtres, des magiciens autant que des thérapeutes de tous poils.

Son aspect religieux a – officiellement - disparu chez nous. Quoiqu’il y aurait beaucoup à dire des incantations et des onomatopées de nombreux rites religieux quant à l’état de transe qu’ils induisent. Que dire du chant grégorien ? Des musiques sacrées orthodoxes ? De l’état de conscience particulier de certains lieux de pèlerinages ?
Son aspect magique pèse lourdement sur l’image de l’hypnose médicale moderne. Il reste le gagne-pain de l’hypnotiseur de spectacle et demeure malheureusement plus attrayant pour les médias que l’analyse plus froide, plus logique de la recherche clinique concernant l’hypnose, laquelle démythifie et démystifie rapidement l’hypnose.

Son aspect thérapeutique nous intéresse particulièrement. Sans remonter à la nuit des temps, aux prêtres-guérisseurs des Asclépias, aux druides celtiques, etc. ...souvenons- nous plus près de nous de Mesmer, médecin allemand, de James Braid, médecin anglais, de Charcot, Liébeault et Berheim, médecins français, de Freud, d’Esdale, et j’en passe ...Tous médecins, ils utilisaient l’hypnose il y a un siècle dans l’art de guérir, chacun dans sa voie. On peut dire qu’il y a une longue tradition d’hypnose dans l’histoire de la médecine. Néanmoins cette affirmation heurte car, en Europe et jusqu’il y a peu, l’hypnose était rigoureusement inconnue voire rejetée avec tout le mépris dû au charlatanisme, à l’occultisme.

Pour certains, le terme "hypnose" - ou pire "hypnotisme"- évoque des images telles que Mesmer (théâtralisme, illusion...), Charcot (hystérie = névrose = suggestion = hypnose) ou l’hypnose de music-hall (tricherie, crédulité, soumission aux ordres...). Le pré-jugement (préjugé) n’est pas loin...Chez d’autres, il évoque tel film, auréolé de mystère parfois scabreux, le témoignage d’un ami, le hasard d’une lecture. La curiosité est évidente, mais la peur la talonne. Comment pourrait-il en être autrement ? Les "états de conscience modifiés", comme on préfère les appeler aujourd’hui, ouvrent un nouveau champ de recherche : quel lien y a t’il entre la simple relaxation, le rêve éveillé (dirigé, analytique...), le divan du psychanalyste, l’hypnose de scène, la sophrologie, l’hypnose thérapeutique "ancienne" (autoritaire, symptomatique), la méditation (Rainville, Pierre ; 2011) et l’hypnothérapie moderne ?

L’hypnose « ancienne » (archéo-hypnose ?), l’hypnotiste se dit détenteur d’un pouvoir d’influence. En spectacle, il travaille uniquement avec des personnes hyper suggestibles et soigneusement sélectionnées, leur faisant accomplir des actes éventuellement bizarres ou ridicules.

Quand ils soignaient, le traitement était à visée purement symptomatique, la méthode –dans l’idée du pouvoir et de l’influence - était on ne peut plus directive – les suggestions étaient des ordres - avec peu de résultats durables. Ainsi Freud, formé chez Charcot à une hypnose parfois « effractive » (tirer un coup de pistolet à coté d’une personne pour la mettre en transe…) ne pouvait il que rejeter cette pratique qui pourtant lui donna accès à la notion d’inconscient pour laquelle il choisit un autre outil de travail en créant la psychanalyse. On comprend comment il jeta le bébé avec l’eau du bain…

Actuellement, très peu de soignants utilisent encore cette hypnose ancienne : car depuis Mesmer, Charcot et Freud, l’eau a coulé sous les ponts… D’abord aux Etats-Unis, sa pratique en hôpitaux et son enseignement sur les campus ont permis son étude et sa diffusion, l’hypnose a fait l’objet d’études cliniques qui en ont progressivement précisé la nature, les modalités d’application, les phénomènes associés et les principales indications. La deuxième vie de l’hypnose thérapeutique commençait, sous le nom d’hypnose « éricksonienne ».

2 Erickson : l’hypnose, un état naturel de ressources pour soigner : les Thérapies brèves

Milton H. Erickson (1901-1980) est le plus connu des psychiatres novateurs en ce domaine. Déjà en I923, il rencontrait au cours de ses études de médecine, l’un de ses Professeurs de Faculté C. HULL qui pratiquait et enseignait l’hypnose « ancienne ». Au cours de sa longue vie, Erickson a développé une pratique psychothérapeutique et hypno-thérapeutique de plus en plus affinées dont se sont inspirées l’Ecole de Palo Alto qui jeta les bases des théories modernes de la communication humaine, normale et pathologique au point de départ des thérapies systémiques et familiales, d’une part, des thérapies stratégiques (Erickson) ou brèves (Palo Alto) d’autre part.

Milton H. Erickson publia plus de 150 articles scientifiques, fruits de son travail de recherche et de sa pratique repris dans les « Collected papers »" (dont les quatre tomes sont maintenant traduits aux éditions Satas). Il fonda en 1957 l’ "American Society of Clinical Hypnosis (ASCH), dont la revue fait encore autorité aujourd’hui.

On peut parler d’hypnose avant et après Erickson, tant celui-ci révolutionna les conceptions et les méthodes de l’hypnothérapie. S’il fut un thérapeute réellement hors du commun, c’est probablement par la somme de travail, de créativité, de perspicacité, d’obstination et d’humanité qu’il déploya avec ses malades, utilisant l’hypnose d’une façon très différente. Il fut formé d’abord à l’hypnose directive, bien sûr, mais avait appris de ses nombreux handicaps et de son observation pointue de la vie de tous les jours combien l’hypnose est un phénomène naturel, que chacun d’entre nous vit à de nombreux moments dans la journée.

Deux exemples :
-  Vous roulez, calmement, deux heures durant sur une autoroute. Vos idées vagabondent de façon désordonnée, vous pensez à cent choses dans le désordre. Tellement dans vos pensées, un peu ailleurs, vous n’avez accordé à votre conduite que l’attention strictement nécessaire, sans intérêt particulier pour votre poste de radio qui débite pubs, musique et informations. Arrivé à destination, vous ne vous souvenez que de quelques sujets qui ont traversé votre esprit, ayant spontanément oublié tous les autres et vous vous dites « Tiens, je suis déjà là, le temps a passé vite ! ». Quoi de plus banal ?... Vous venez d’expérimenter une dissociation par rapport à votre environnement, « les pensées vous sont venues » de façon anarchique (ni volontaire, ni en ordre logique), une amnésie immédiate, spontanée, massive et une distorsion du temps. Une idée originale, créative, vous est peut-être venue à l’esprit « sans raison » et loin de l’angoisse de la feuille blanche…

- Vous êtes au cinéma, captivé par ce film « dans lequel vous êtes » : cela se passe en Australie, au siècle passé ; la frêle jeune fille rentre chez elle où est caché le méchant agresseur. Elle l’ignore, mais vous le savez ! Votre cœur bat plus vite, votre gorge se serre, les paumes de vos mains sont moites… C’est comme si vous y étiez : vous êtes dans le film ! Et votre corps réagit à vos émotions…
A chaque instant de notre vie, Conscient et Inconscient sont comme des vases communicants : nous pouvons passer de l’un à l’autre en une seconde ou – le plus souvent - tranquillement, dans une mouvance imperceptible.
Nous verrons plus loin comment les caractéristiques particulières de cet état, par ailleurs banal, peuvent être utiles dans les soins de santé, mentale et physique.

Milton Erickson évolua. Quand on lit ses articles (Collected papers) chronologiquement, il est évident que sa pensée évolue avec le temps, au fil de sa recherche et de sa pratique clinique.

Quelques grandes lignes :

  • Le travail de l’hypno-thérapeute consistant donc à faciliter (plutôt qu’induire) l’état hypnotique chez son patient, lequel s’y trouve de toute façon très souvent spontanément. Dans un moment banal de la journée ou à l’occasion d’une souffrance – morale et/ou physique – intense.
  • L’hypnose, pour Erickson, est un état qui favorise le fonctionnement Inconscient par rapport au fonctionnement Conscient.
  • L’Inconscient (éricksonien), c’est tout ce qui n’est pas conscient. Définition trop simple pour plaire à tout le monde, particulièrement à ceux qui ont lu des bibliothèques entières sur le sujet…
  • Plutôt que de voir dans son inconscient un réservoir de refoulé, de traumatismes, de culpabilité, de déficits, il considèrera son inconscient comme un "grand réservoir de ressources " que le patient était jusque là incapable de mobiliser utilement. Erickson reconnaitra les exceptions au problème, les domaines différents où le patient a déjà réussi à trouver une solution en mobilisant ses ressources, ses compétences : il les renforcera et les utilisera à la résolution du problème. Ce en quoi il est le précurseur des « Thérapies (brèves) Orientées Solution (T.O.S) » de Steve de Shazer et l’Ecole de Milwaukee, maintenant volontiers appelées « thérapies orientées compétences ». Ses stratégies thérapeutiques influenceront grandement les thérapies systémiques, brèves ou non, de l’Ecole de Palo Alto.
  • Plutôt que de travailler symptomatiquement, il comprenait la souffrance du patient dans toutes ses dimensions et tentait d’en travailler – consciemment et inconsciemment - toutes les facettes, toutes les dynamiques.
  • Ses suggestions étaient infiniment moins directives, plus indirectes par l’usage d’allusions ou de métaphores par exemple.
  • Son langage était plus permissif : il offrait au patient un éventail de choix duquel celui-ci pouvait encore sortir : suggestions ouvertes couvrant toutes les possibilités d’une classe, doubles liens, etc. Plutôt que de vouloir imprimer, comme cela se faisait jadis dans l’hypnose autoritaire, ses directives thérapeutiques au patient.
  • Il aimait reconnaître, accepter, augmenter et utiliser tout ce qu’amenait le patient : son non-verbal, son langage, ses croyances. Rien de ce que le patient n’apportait n’était considéré comme « résistance » : quand on l’utilise, la « résistance » existe-t-elle ? Il faisait flèche de tout bois, s’utilisant lui-même ainsi que tous les éléments du contexte : familles (la sienne comme celle du patient), lieux, proches, etc. C’est une sorte de « judo relationnel », psycho-judo pour Nicholas Cummings, aspect très utilisationnel de son hypnose et plus généralement de ses thérapies. Ce travail tout en souplesse est élégant, léger, tant pour le patient que pour le thérapeute, c’est « l’hypnose brève et légère » comme l’appellera plus tard Dominique Megglé.
  • Les comportements hypnotiques sont involontaires : on ne parvient pas par un effort de volonté à entrer en transe hypnotique ni à favoriser une anesthésie ou une amnésie ! Le patient est d’ailleurs surpris, étonné, de constater les changements survenus au cours de son hypnothérapie ; lui qui est tellement habitué à analyser ses problèmes, à choisir une solution, à prendre une décision et à faire des efforts pour y parvenir ! Ceci surprend – voire heurte- les thérapeutes dont le présupposé est que les changements sont liés à des prises de conscience. Au point de penser qu’une telle façon de faire « vole la guérison au patient »… Erickson disait que l’inconscient peut rester inconscient. Est-ce à des psys qu’il faut rappeler que l’essentiel de notre vie psychique est inconsciente ? On retrouvera dans l’EMDR et le MATH ces changements majeurs où ni le patient ni le thérapeute ne « comprennent » ce qui s’est passé… Simplement, le résultat clinique est là !

Là où notre activité Consciente est logique, analytique, rationnelle, elle nécessite une prise de conscience, une décision, une volonté, un effort focalisé, « conscients ».
Notre activité Inconsciente sera davantage analogique, intuitive, émotionnelle, synthétique, spontanée, créative et plus diffuse.
Pour le thérapeute, ces deux activités différentes seront éminemment complémentaires !

Bien sûr, le patient a analysé logiquement sa situation, son problème et son objectif. Il a pris des décisions et fait des efforts pour y arriver. Les résultats de ce travail sont insuffisants, puisqu’il est là ! Peut-être avons-nous avec lui été au-delà dans cette démarche.

L’hypnose thérapeutique nous permettra d’utiliser ce que j’appelle volontiers « son deuxième moteur » : analogique (d’où tout le langage métaphorique, allusif, indirect), créatif (nouvelles façons de voir, nouvelles solutions) et plus émotionnel…

Exemple : Un patient dépressif décompense après avoir fait beaucoup d’efforts. Mais aussi un patient anxieux, anorexique ou boulimique, en addiction(s) ou en état de stress post-traumatique. Il a fait « plus de la même chose qui ne marche pas », dira l’Ecole de Palo Alto.

Sa solution pourra être « consciente » et/ou « inconsciente » : pourquoi se priver de ces ressources personnelles qui sont là, à sa disposition ? Lui (s’il apprend l’autohypnose) et nous, thérapeutes, apprendront à communiquer avec cette partie de lui qui s’exprime et entend autrement…

Le travail de l’hypno thérapeute consistera dès lors, (1) après avoir capté, fixé l’attention du patient, à (2) dépotentialiser son activité consciente - entre autre part l’usage de la confusion -, puis (3) à augmenter son activité inconsciente, en état de transe hypnotique. Ainsi comprise, la relation soignant patient est une interaction entre le conscient et l’inconscient du patient d’une part, et le conscient et l’inconscient du thérapeute d’autre part. Chacun des deux participants fonctionne, au cours de l’entretien, à la fois sur le mode conscient et sur le mode inconscient dans une proportion, un rapport, le plus souvent inégal et variable.
De formelle qu’elle était traditionnellement (hypnose « déclarée »), Erickson et ses élèves - au premier rang duquel ses enfants ! - sont passés à une hypnose dite « conversationnelle » dans laquelle on retrouve tous les ingrédients de l’hypnose tels que décrits ici même, sans la « déclaration d’hypnose » et le décorum qui l’accompagnait.

Depuis 1986, l’hypnose éricksonienne a fait son entrée en France principalement grâce à des médecins militaires (Jean Godin, Dominique Megglé, Roy, Villien, Quelet, etc.) ou non (J.A Malarewicz). Et en Belgique dès 1988 par l’Institut Milton Erickson de Belgique (I.M.H.E.B, à Bruxelles) et l’Espace Du Possible (E.D.P, à Tournai). Depuis lors, son usage s’y est répandu et une Confédération Francophone d’Hypnose et de Thérapie brève vit le jour en 1996 et tient un Forum (Congrès) tous les deux ans. Elle réunit actuellement quelques 3.000 praticiens francophones.

Sur le plan des neurosciences, les études de Marie-Elisabeth Faymonville en Belgique et de Pierre Rainville au Canada ont amené un début de compréhension de la physiologie de l’hypnose et de ce qui la différencie, sur ce plan, de la méditation ou du placebo par exemple. Données extrêmement récentes. Domaine où tout reste à construire.

2. Actuellement, après Erickson, les mouvements alternatifs : des thérapies encore plus brèves…

Francine Shapiro, psychologue du Mental Research Institute de Palo Alto, créa après 1987, l’Eye Movement Desensitization and Reprocessing (EMDR), ou Mouvement des yeux, désensibilisation et retraitement (de l’information), dont traite un autre chapitre de ce livre.

Ses détracteurs lui reprochent « d’avoir réinventé l’eau chaude », empruntant l’exposition, la relaxation et l’association à d’autres modèles. Mac Nally allant jusqu’à dire que ce qui est efficace dans l’EMDR n’est pas nouveau, et ce qui est nouveau n’est pas efficace...

Une particularité de l’EMDR est la stimulation sensorielle généralement appliquée sous une forme bilatérale alternée et initialement par le biais des mouvements oculaires. Francine Shapiro est une thérapeute TCC et elle présenta son modèle comme un outil TCC, l’argument le plus évident étant qu’il procède à une exposition (plus courte qu’en TCC) et à une restructuration cognitive.

Nous avons dès 2005 (25) fait remarquer que l’aspect hypnotique de cet outil était tout aussi évident :
- quant aux techniques utilisées :

  • comme en hypnothérapie, fixation de l’attention (sur la scène traumatique), monoïdéisme. Le retour à l’expérience traumatique suffit à placer le patient dans un état de conscience modifié, comme le font les flash-back.
  • comme en hypnothérapie, utilisation de stimuli monotones répétitifs : pendule, métronome, voix monotone, etc. Ces procédés étaient déjà utilisés à l’époque de Charcot…
  • comme en hypnothérapie, utilisation de la confusion, entre autres en proposant deux activités simultanément : rester absorbé dans le souvenir traumatique et suivre les stimuli alternés. Certains patients disent d’ailleurs dès le départ qu’il leur est difficile de faire les deux choses simultanément. Perturbant l’activité rationnelle, cette confusion facilite le lâcher prise et le passage à un état modifié de conscience.
  • en hypnothérapie, une induction est dite fractionnée quand le thérapeute alterne des périodes pendant lesquelles il facilite un état modifié de conscience avec d’autres périodes au cours desquelles il ramène la personne à l’état de départ. Ceci approfondit très facilement l’ état hypnotique. C’est exactement le cas au cours de l’EMDR quand le thérapeute propose des « pauses » au cours desquelles le patient évalue sur des échelles le SUD et le VOC et récupère, avant de replonger dans son exposition…

- quant à l’état de conscience modifié qu’elles semblent induire :

  • le protocole EMDR est très strict, d’allure mécanique et non interprétatif. Le thérapeute doit suivre le protocole rigoureux afin de laisser le patient continuer son travail dans son train de pensées. Ceci lui permet, selon nous, d’entrer en état modifié de conscience et d’y rester en élaborant. Les patients se disent surpris, étonnés d’eux-mêmes ; ils ne comprennent pas, ils constatent. Ils disent que quelque chose de différent s’est passé… Certains patients se montrent très clairement surpris par ces moments de l’expérience. Ils utilisent pour les décrire les mots qu’utilisent les patients quant à leur expérience hypnotique.
  • il serait intéressant de comparer ce vécu sur le plan clinique et, pourquoi pas, d’en étudier l’imagerie cérébrale. Celle-ci a été réalisée pour l’hypnose par les travaux pionniers de l’anesthésiste belge Marie Elisabeth Faymonville (2003). Des arguments physiologiques pourraient ainsi soutenir ou contredire notre hypothèse.

– quant aux élaborations spontanées réalisées par les patients :

  • il leur est clairement suggéré que des idées, peut-être étonnantes, peuvent leur venir à l’esprit. Que même si elles ne leur paraissent pas logiques, ils doivent les laisser venir et les verbaliser,
  • les associations libres et les outils thérapeutiques « inventés » par le patient sont des élaborations qui ne leur sont pas venues à l’état « normal », ni pendant la séance ni pendant les très nombreuses heures vécues depuis l’expérience traumatisante.
  • ici, cette utilisation ne leur a été ni suggérée ni proposée. Les patients utilisent « spontanément » des techniques (travelling arrière, projection dans le futur en se voyant guéri, etc.) qui sont enseignées ailleurs comme des outils thérapeutiques à utiliser par le praticien. Pour nous, la suggestion – inévitable quelle que soit l’école d’analyse ou de thérapie à laquelle se réfère le praticien – est ici minimale en cours de séance. Elle est, en revanche, importante par l’image qu’a cette méthode dans le public, image elle-même majorée par l’effet de mode et le marketing qui l’a fait connaître aux États-Unis comme chez nous.

Olivier Cottencin complète cette réflexion : « Mais nous ne pouvons nous empêcher de constater que les liens entre l’hypnose et l’EMDR sont forts, autant que les liens entre l’hypnose et l’état de conscience modifiée du psycho traumatisme le sont. C’est pour ces raisons que nous pensons que l’EMDR, à défaut d’être une thérapie, est une technique de choix dans l’abord du psycho traumatisme pour un trouble dans lequel l’hypnose a été non seulement historiquement impliquée (Janet, Freud) mais également cliniquement impliquée comme chacun d’entre nous peut le constater par les phénomènes de sidération, par l’atteinte de la mémoire autobiographique (sémantique et épisodique) et part l’atteinte de tous les canaux sensoriels. »

Dans le courant des thérapies brèves et de l’hypnose éricksonienne, l’équipe de l’Arepta, de Nantes intégra à l’EMDR des outils de thérapie brève - particulièrement solutionniste - et d’hypnothérapie. Elle fut suivie avec enthousiasme depuis 2005 par l’Ecole Lilloise (Espace Du Possible – EDP et Action et Communication Efficaces - ACE) qui créa le M.A.T.H (Mouvements Alternatifs en Thérapie et en Hypnose), développé par Jean- François Terakowski. Ses apports sont nombreux : la définition d’objectif, le travail en dissociation (évitant les abréactions), l’apport de multiples ressources, l’utilisation des métaphores et du dessin, le tissage. On voit l’empreinte d’Erickson… Et plus récemment le « travail orienté sur l’état désiré » qui nous éloigne d’autant des difficultés rencontrées dans le travail plus direct sur le trauma. Le résultat de cet apport est une sécurité accrue, l’élargissement des indications (traumatismes complexes, troubles anxieux, dépression, douleur et autres symptômes corporels, etc.), une brièveté et une efficacité accrues avec un minimum de moyens particulièrement ciblés. Bref, au-delà de l’efficacité, l’efficience. L’utilisation des Mouvements Alternatifs se conjugue ainsi à la façon de voir et d’agir des thérapies stratégiques brèves, hypnose comprise.

Serait-ce la troisième vie de l’hypnose qui commence ???

Les phénomènes (dits) hypnotiques sont des phénomènes de la vie quotidienne qui se voient davantage dans l’hypnose que hors hypnose. Ils peuvent être utilisés à tout moment de la thérapie, soit pour eux-mêmes (ex : modification des perceptions douloureuses), soit à titre de métaphore (lévitation pour le traitement des troubles de l’érection, par exemple).

Leurs principales applications seront citées. La validation par les études récentes (source PubMed) est encore hésitante, hormis le domaine du traitement de la douleur où tant l’efficacité que la documentation en neurosciences sont établies.

1. Les phénomènes idéo-moteurs

Les comportements idéomoteurs sont des réponses motrices à des idées suggérées : il est classique de développer ainsi des lévitations ou des catalepsies.

Lors de la lévitation du bras, celui-ci s’élève – de façon particulièrement lente et discrètement saccadée- et reste suspendu sans que le sujet ait le sentiment d’être l’auteur de ce mouvement. Depuis les travaux d’Erickson (1943), c’est un phénomène souvent utilisé en début de transe pour suggérer l’apparition des autres phénomènes hypnotiques.
La catalepsie (tonus musculaire particulièrement bien adapté, dira Erickson) traduit par une tonicité involontaire des muscles, conférant aux membres une spasticité cireuse. La catalepsie peut être généralisée, mais reste le plus souvent limitée à un bras, un avant-bras, une main, voire les paupières.

L’expérience de ces particularités musculaires par la personne l’étonne :
qu’elle soit patiente ou en train de se former à l’hypnose thérapeutique, elle permet au sujet de découvrir qu’il est capable de vivre des expériences nouvelles qu’il ne soupçonnait pas un instant plus tôt… Ce qui est une belle métaphore des changements possibles au cours du travail entamé…

Cette expérience illustre l’impact physiologique du travail de l’hypno thérapeute, ratifie l’état hypnotique et permet d’illustrer comment celui ci peut affecter d’autres mécanismes physiologiques tels que l’immunité, les douleurs et les spasmes bronchiques, digestifs, urologiques, gynécologiques, etc. On comprend mieux, dès lors, l’utilisation de l’hypnose thérapeutique au niveau corporel, dans les différentes spécialités de la médecine, pas seulement en psychiatrie.

Le signaling idéo-moteur est la possibilité pour la personne de donner une réponse motrice, non verbale, à une question par exemple. Nous le faisons tous spontanément quand nous hochons la tête pour dire oui ou non. Dans la vie courante, le plus souvent notre réponse est involontaire et même inconsciente… En hypnothérapie, le thérapeute pourra poser des questions à l’inconscient (appelé Questionnement idéo-moteur) après avoir établi un code de réponses, par exemple par élévation de tel doigt (finger signaling) pour dire « Oui », tel autre pour dire « Non », tel autre encore pour dire « Je ne désire pas répondre maintenant ». David Cheek, un gynéco-obstétricien californien contemporain de Milton Erickson, a largement contribué à la diffusion de cette technique et « Les 7 clés de LeCron et Cheek » est un outil particulièrement utile dans le travail psychosomatique, décrit dans Clinical Hypnotherapy : nous l’avons « éricksonisé » et décrit par ailleurs.

L’écriture automatique, c’est la possibilité d’écrire automatiquement sans savoir ce qui est rédigé. Comme le signaling idéo-moteur, elle permet une " communication avec l’inconscient ». Elle est souvent maladroite, voire illisible, chez les sujets inexpérimentés.

2. Le travail de la mémoire

Des modifications de la mémoire sont possibles en état de transe : hypermnésie, amnésie, modification d’un souvenir traumatique, création de faux souvenirs.

L’hypermnésie permet de retrouver des souvenirs précis, en retrouvant des détails que le sujet avait oubliés. En thérapie, elle peut amener la personne à retrouver des moments de ressources passés, qui avaient éventuellement été amnésiés. La reviviscence de ces moments (« comme si c’était vrai ») permet de recontacter ces personnes à leur(s) ressource(s) ici et maintenant et, par projection dans le futur (se voir guéri ; Erickson) de leur faire vivre ce que la présence active de cette ressource change dans leur situation tant sur le plan somatique, comportemental, cognitif qu’émotionnel. Ou pour le dire en termes plus actuels, imaginer l’état désiré ce qui équivaut à l’objectif atteint. On passe, pourrait on dire, de la reviviscence à la « pro viviscence ». C’est l’une des voies de développement actuel du M.A.T.H.

Cette recherche de souvenirs autobiographiques est très contestée quand elle est utilisée pour aider à préciser des témoignages dans des enquêtes policières puisqu’il s’agit là de trouver des faits authentiques, véridiques.

L’hypnose –comme d’autres types de communication d’ailleurs ! - peut aussi créer des faux souvenirs. Dans son célèbre cas « L’homme de février », Erickson a utilisé thérapeutiquement cette possibilité en fabriquant des faux souvenirs d’enfance.

Jean-Roch Laurence a étudié la mémoire autobiographique et aux aléas de sa plasticité : ses études nous incitent à la plus extrême prudence quant à l’authenticité de ces « souvenirs » …en interaction avec les croyances du thérapeute et à d’évidentes dérives judicaires et sectaires.

Ce qui amène l’hypnothérapeute à mettre en garde le patient : nous ne prétendons pas que le souvenir soit authentique. Ce que le patient dit est ce que le patient dit, rien de plus. Et le fait que l’état clinique du patient s’améliore après avoir travaillé ce souvenir autobiographique ( ?) - que ce soit en hypnose éricksonienne ou en E.M.D.R/M.A.T.H – dit seulement que le patient vit actuellement mieux. Il ne prouve en rien, contrairement à une idée très répandue dans le public, que les faits évoqués soient avérés. Le fait qu’un E.S.P.T (P.T.S.D) puisse survenir après le récit – non le vécu ! - d’un événement traumatique et que le patient puisse en guérir illustre bien notre propos. Certains thérapeutes et certains patients ne sont pas au clair avec cette idée, ce qui a amené des drames cliniques, familiaux et judiciaires (procès, condamnations, etc.) dont on constate aujourd’hui une - heureuse ! - baisse de fréquence. Alors que subsiste une demande de « Faites moi de l’hypnose pour que je sache si mon père (mon oncle, …) est un salaud ». L’hôpital et le Palais de Justice sont des lieux différents, avec des fonctions différentes…

L’amnésie post-hypnotique, c’est l’oubli – total ou partiel - du contenu de la séance. Elle peut survenir spontanément ou être facilitée par le thérapeute. L’amnésie de la source en est une variante.

L’amnésie peut parfois être utile et elle se fait aussi très spontanément dans la vie… Comme le disait Jacques Brel « Je vous souhaite (…) de vous souvenir de ce dont il faut vous souvenir et d’oublier ce qu’il faut oublier »… L’état hypnotique peut faciliter cet « oubli » et être, à ce titre, utilisé en thérapie.

La modification de souvenirs traumatiques est utilisée en hypnose dans le traitement des E.S.P.T (P.T.S.D).

Exemple : Une maman perd son fils unique de 12 ans au 3è jour d’une intervention de neurochirurgie sur un anévrysme cérébral. Quatre mois plus tard, elle consulte pour un E.S.P.T caractérisé, étant également dans son travail de deuil. L’induction hypnotique n’est pas nécessaire, la reviviscence de la scène traumatique se faisant par simple évocation. Dans cet état hypnotique des suggestions multiples et permissives de modification des perceptions par les différents canaux sensoriels (changements de décor visuel, auditif, kinesthésique et olfactif) « faussent » le souvenir de cette patiente : le « film » qu’elle se répétait inlassablement pendant ses flashbacks a été modifié. Elle est cliniquement et durablement guérie.

La technique appelée changement de patterns en thérapies brèves Palo Alto dérive de cette façon de faire : un changement de rituel, même minime, casse un rituel. Celui-ci, comme le béton d’un barrage, ne supporte pas la fissure…

3. La distorsion du temps

C’est une autre caractéristique de l’état hypnotique : le temps passe très vite quand vous effectuez un trajet en voiture ou en train et que votre attention n’est pas nécessaire, qu’elle peut devenir "flottante ", que « vous êtes ailleurs » comme on dit ...Vous éprouvez dans ces moments non seulement la dissociation hypnotique (être ailleurs) mais aussi une perception du temps discordante par rapport à ce que vous dit votre montre. Le patient qui termine sa première séance d’hypnose découvre ce phénomène avec étonnement ...

Dans les soins de santé, ce processus sera utilisé par exemple chez les personnes qui souffrent de douleurs intermittentes (cancéreuses, migraineuses,…) pour augmenter progressivement leur perception de la durée des périodes de confort et réduire leur perception de la durée des périodes douloureuses. Ceci s’applique tout autant aux souffrances psychiques que physiques…

4. Les modifications des perceptions sensorielles

Quelques exemples…

  • Les hallucinations dites « positives » sont des perceptions sans objet. Exemple : créer une démangeaison d’un doigt.
  • Les hallucinations dites « négatives » sont des diminutions ou absences de perceptions. Exemple : diminution ou disparition d’une perception douloureuse d’un autre doigt. Dans la vie de tous les jours, un douloureux chroniques qui perçoit peu ou pas sa douleur pendant tel type de films ou d’émissions de jeux à la T.V, ou lors de la visite d’un proche…
  • Les déplacements de perception
  • Les substitutions de perceptions. Exemple : substituer un fourmillement à une douleur

Ces phénomènes sont connus de chacun d’entre nous : le patient a fait de l’hypnose bien avant de rencontrer son thérapeute, parfois avec un résultat thérapeutique, ni conscient ni volontaire, comme Monsieur Jourdain… L’hypno thérapeute, ici encore, ne fait qu’utiliser et amplifier des phénomènes naturels, dans un état naturel, vers un but thérapeutique. Il proposera au patient l’utilisation de l’autohypnose.

La modification porte sur les perceptions visuelles, auditives et kinesthésiques. Ces dernières sont à la base du travail de la douleur : anesthésie (endoscopies et dentisterie y comprises), pain clinics, traitements de grands brûlés, oncologie et soins palliatifs, pédiatrie, médecine générale, etc.

D’autres symptômes (psycho)-somatiques bénéficient également de traitements par hypnose : vertiges et acouphènes chez l’O.R.L, asthme et toux sine materia chez le pneumologue, prurits chez le dermatologue , effets secondaires des chimiothérapies, nausées, colons irritables et autres constipations chez le gastro-entérologue, dysesthésies et paresthésies chez le neurologue, etc.…

Le diagnostic médical préalable et complet est une évidente nécessité.

Alors que l’histoire de l’hypnose fourmille d’expériences passées d’accouchements et interventions chirurgicales aidées par la suggestion et l’hypnose, le traitement de la douleur est l’une des applications les plus médiatisées de l’hypnothérapie actuellement. M-E Faymonville du C.H.U de Liège a fait connaitre sa technique d’hypno-sédation autant que ses études d’imagerie médicale. « L’hypno-sédation, dit elle (2008), permet une amélioration du confort per- et postopératoire, une récupération plus rapide, une fatigue moindre et une valorisation du patient (réussite, participation active). Lorsqu’elle compare les bénéfices psychologiques dans la prise en charge de la douleur par hypnose par rapport à d’autres techniques de réduction de stress, elle observe que les suggestions hypnotiques ont un effet analgésique important dans 75% de la population étudiée. » Les explorations endoscopiques ont également bénéficié de nouvelles procédures d’intervention qui, rivalisant d’ingéniosité, sont présentées dans les Forums de la Confédération Francophone d’Hypnose et Thérapie Brève… L’accouchement « sous hypnose » s’est développé en France sous l’impulsion d’Yves Halfon et d’Armelle Touyarot.

5. La dissociation

Phénomène décrit quand l’une des parties d’une personne – physique ou mentale – fonctionne distinctement et indépendamment d’une autre. En hypnose : conscient/inconscient ; corps/esprit ; tête/corps ; représentation/affect, etc. Elle représente donc une rupture temporaire d’unité dans le fonctionnement d’un individu.

Mot utilisé en psychiatrie dans la description des états hystériques et schizophréniques mais aussi dans le vécu de situations traumatiques : certains survivants sains de scènes de tortures ont utilisé - sciemment ou non - un mécanisme de dissociation hypnotique pour survivre le moins mal possible à ces sévices . Ce mécanisme ordinaire est commun à tous les individus, sans que l’on puisse parler de troubles psychique : la personne est « un peu ailleurs », c’est la « naturalistic hypnosis » de Milton Erickson. Notre conscience fluctue en permanence autour d’un certain degré de dissociation.

La dissociation se retrouve en hypnose thérapeutique, qu’il s’agisse d’auto hypnose ou d’hétéro hypnose, sans que l’on n’y trouve un lien avec la psychopathologie.

Application récente : en M.A.T.H et contrairement à ce qui se fait en E.M.D.R, le patient est invité à voir, en dissociation sur la main du praticien, comme un film, la cible choisie dans l’événement traumatique. Cette dissociation, qui met le patient en position méta (d’observateur, de spectateur et non d’acteur en reviviscence) ici et maintenant, permet d’éviter les abréactions, dérapages douloureux pour le patient. Les résultats sont identiques, les effets secondaires beaucoup moindres.

6. LE LANGAGE ANALOGIQUE : LES METAPHORES

Littéralement, le mot métaphore veut dire « transposition d’un élément dans un autre domaine ».

La métaphore peut être soit une simple image, cliché, analogie : « Ma douleur, c’est comme…un étau ». Soit un film, une histoire, une anecdote, … Avec un début et une fin. Fables, contes, paraboles, éléments d’actualité, histoires de patients…

La métaphore peut venir du patient, nous indiquant son orientation à la réalité. Ce sont les plus utiles en thérapie ! J’aime cette petite phrase paradoxale et ici fort à propos : « Nos meilleures idées nous viennent des autres ! »

Exemple : Une patiente a présenté un blocage de 3 troncs veineux. Entre autres conséquences, ses règles se sont arrêtées. Lors d’une séance d’hypnose thérapeutique de longs mois plus tard et alors que, de l’avis même de son cardiologue, les choses semblaient figées, elle me décrit sa visite dans une pièce de couleur ocre rouge où se trouve une horloge arrêtée. Cette horloge se remet en route. Ses règles reprirent quelque temps après.

Exemple : lors d’une céphalée « en étau », voir l’étau et le desserrer.

La métaphore peut, bien sûr, être amenée par le thérapeute, lequel amène une réalité extérieure au patient.

Exemple :
Une patiente âgée, déprimée de longue date, se présente dans une attitude de repli, recroquevillée sur elle-même. Elle décrit le peu qu’elle a réalisé dans sa vie comparé à la réussite socioprofessionnelle de son mari, importante à ses yeux. Celui-ci serait un homme assez rustre qui pratique, à titre de hobby, la sculpture sur pierre. Elle ajoute combien, la semaine dernière, son mari lui était paru grand alors qu’il lui disait : « Secoue-toi, tu as tout pour être heureuse » penché sur le lit où elle sanglotait…

Je lui ai proposé la métaphore du géant aux pieds d’argile. Je revenais de quelques jours de vacances dans les Vosges et, en hypnose, lui racontais l’histoire que l’on répétait aux enfants de ce village depuis des générations : il y avait dans la montagne un géant et je le décrivais dans les termes qu’elle utilisait pour parler de son mari. On apprenait aux enfants à ne pas s’éloigner trop loin dans la montagne afin d’éviter de le rencontrer. Un jour, une petite fille s’aventura un peu loin dans la montagne et, au détour d’un chemin, se trouva juste derrière le géant qui cueillait des myrtilles. Terrorisée, elle avait la chance d’être derrière lui. Elle constata qu’il boitait en raison d’une escarre au talon. Elle se dit : « Comment est-ce possible que tous mes copains, toutes mes copines et moi-même ayons si peur de ce géant : c’est un handicapé ! ». Et elle redescendit toute guillerette.

Lors de la séance suivante, elle allait cliniquement beaucoup mieux tout en ayant réduit sa dose de médicaments. Elle raconta qu’elle avait « engueulé » son mari en lui disant : « Je croyais que tu étais un ceci, un ceci, un ceci (en mettant sa main plus haut que sa tête) ; or, tu n’es qu’un cela, un cela, un cela » (en mettant sa main à un niveau bien plus bas)… Elle avait, en quelque sorte, « remis son mari à sa place », c’est-à-dire qu’elle l’avait descendu du piédestal où elle l’avait elle-même placé… Cette patiente a pu « voir autrement » ce mari qu’elle croyait tellement mieux qu’elle – et se voir elle-même plus grande. Ce fut le début d’une nette et durable amélioration.

La perception que cette patiente a d’elle-même et de son couple a ainsi été transformée sans que la « réalité » de ce couple ait le moins du monde changé.

La nouvelle vision du monde de cette patiente guérie n’est ni plus vraie, ni plus fausse, ni plus sincère, ni plus trompeuse que celle dans laquelle elle a vécu douloureusement pendant vingt-cinq ans. Elle est seulement moins douloureuse, plus acceptable. Dans ce cas particulier, le changement fut tel que cette patiente se mit à la sculpture sur pierre – qui était jusque là le hobby de son mari – et alla jusqu’à remporter un prix renommé dans cette discipline, au nez et à la barbe de son mari, dont l’œuvre ne fut pas primée… Elle venait de battre son géant de mari sur son propre terrain !

Intérêt des métaphores en hypnose thérapeutique :
Le rêve produit pendant notre sommeil n’est pas conscient : il émane de notre inconscient dont c’est un langage figuratif. Cette voie est-elle à sens unique ? Non ! Il est possible d’utiliser un langage figuratif pour s’adresser à l’inconscient – puisque c’est son langage – dans l’intention de modifier l’image du monde, de la réalité du patient. Ces évocations sont à l’origine de l’utilisation de métaphores, des techniques de saupoudrage et autres modes de communication à niveaux multiples.

L’état hypnotique renforce l’efficacité des métaphores thérapeutiques.
En effet, si le thérapeute peut raconter des métaphores à son patient à l’état de veille, ces récits seront vécus de façon bien plus intense en état hypnotique en raison de l’implication émotionnelle particulièrement forte pendant la transe « comme si c’était vrai ». Le thérapeute suivra les signes physiologiques de cette implication.

Exemple : En séance d’hypnose thérapeutique, je raconte à un jeune patient universitaire, phobique social (avec tous les symptômes de difficultés relationnelles inhérentes à cette situation, entre autres dans ses rapports avec les filles), une ballade imaginaire dans la campagne. Il traverse un verger ( !) couvert de pommiers. Une lévitation ( !) de la main lui permet de caresser ( !) une pomme (Eve n’est pas loin…), ses rondeurs ( !), sa peau douce ( !)… pendant que la sueur perle sur son visage et que son front plissé exprime magistralement la difficulté de cet exercice…

La même histoire, racontée hors hypnose, serait sans doute tombée à plat…

Si l’on ajoute que, bien souvent, une amnésie spontanée ou suggérée suit ce récit, on comprend mieux que l’effet de ce travail, c’est-à-dire le changement souvent rapide qui intervient dans la vie du patient, étonne celui-ci, qui se demande alors ce qui a pu lui arriver…

Critères de qualité d’une métaphore

Pour qu’une métaphore soit utile, elle doit être :

  1. Congruente, isomorphique à la réalité du patient, avoir la même structure.
  2. Elle doit lui apporter une solution (l’étau douloureux se desserre, par exemple),
  3. Respecter la « carte du territoire » du patient, reprenant plusieurs éléments de sa réalité
  4. Amener une implication émotionnelle.
  5. Elle doit être compréhensible simplement par tout un chacun.
  6. Elle doit représenter une évolution progressive, soit d’apprentissage pas à pas, soit d’évolution d’un objet



Exemple : Question amenant la métaphore personnelle du patient « Votre dos, c’est comme quoi ? » La carapace noire d’une tortue marine. Et si ça devient différent, c’est comme quoi ? Une carapace en marbre blanc. Et elle peut évoluer comment ?..... Jusqu’à ce que la patiente évoque « le cuir souple d’une robe de jeune fille » et que la masseuse perçoive progressivement la détente de plus en plus nette des contractures dorsales de la patiente….

6 Littéralité et « Imprint »

Il est devenu classique de dire que l’inconscient entend littéralement ; par exemple, une personne en état de transe hypnotique à qui l’on poserait la question : « Peux-tu me dire l’heure qu’il est ? » répondra : « Oui » plutôt que de vous dire l’heure qu’il est. Si on lui demande : « Dans quel état es-tu ? », elle répondra par exemple « En France ». En réalité, il ne s’agit peut-être pas plus d’une compréhension plus littérale, mais simplement d’une compréhension à un autre niveau logique, dans un autre sens du mot « état ». On retrouve fréquemment ces changements de niveaux logiques dans l’humour, par exemple.

Ainsi les hypnothérapeutes ont-ils souvent l’occasion d’entendre de la bouche de leurs patients combien une petite phrase, d’allure banale, anodine, peut pénétrer dans leur inconscient et y faire la loi longtemps. Il suffit pour cela que la personne reçoive cette phrase à un moment de la vie quotidienne où elle est « ailleurs » – transe spontanée de la vie de tous les jours, imprégnation médicamenteuse, maladie grave, KO, entrée ou sortie d’anesthésie générale, etc. Les mécanismes de barrages conscients sont alors inopérants !

Prenons comme exemple une anxiété, apparue au décours d’une opération sous anesthésie générale, laquelle s’est par ailleurs parfaitement déroulée. L’hypnothérapeute apprendra, au cours de la transe, que l’anesthésiste a dit au chirurgien : « Dans deux heures, cela sera fini », ce qui, vu l’état de conscience modifié de la patiente, a pu être entendu par elle littéralement « Dans deux heures, je serai morte » avec les conséquences que l’on devine ! Comment comprendre et aider cette patiente sans repasser par un état de conscience modifié qui permet de retrouver ce mécanisme et de le traiter ? C’est l’utilité du questionnement de l’inconscient durant la séance. Ce questionnement permet de retrouver des souvenirs auxquels le conscient n’a plus accès et qui peuvent dès lors être utilement travaillés.

Il semble que dans les moments de transe spontanée que vous et moi vivons X fois par jour, notre état de conscience est modifié en ce sens que notre niveau de vigilance est bas et notre inconscient ainsi plus exposé à des suggestions, avec moins de défenses conscientes. Dans ces moments, une phrase d’allure banale peut « s’imprimer » aisément – d’où le terme d’imprint – et à notre insu dans notre esprit et y produire ses effets.

Exemple :
Une femme de 42 ans nous consulte pour une baisse importante et inexpliquée de sa vue, qui a eu pour conséquente récente un changement de verres de ses lunettes. En transe, elle retrouve un souvenir qui date, dit-elle, de deux ans. Son ophtalmologue lui aurait alors dit : « Votre vue est bonne, mais je vais quand même vous prescrire des lunettes. Et dans deux ans, il faudra revenir pour changer vos verres ». On sait ce qu’il en est advenu…

Pour accepter de telles suggestions, les suivre jusque dans sa physiologie oculaire et porter des lunettes alors que sa vue est bonne, cette patiente d’un très bon niveau intellectuel – allemande, elle est fonctionnaire européenne – ne pouvait disposer, au moment des faits, de tous ses moyens de défense conscients…

Le travail de ce souvenir et de ses conséquences engendra une amélioration rapide de sa vue. Mais comment aurait-on pu traiter cette patiente sans employer le même état de conscience modifiée qui avait permis au problème de survenir ?

Combien de phrases d’allure banale, dénuées de toute intention de nuire, sont prononcées par des soignants qui n’imaginent pas un instant le chemin que ces phrases, ces suggestions, parcourront dans l’esprit, puis dans le corps de celui ou celle qui les a reçues.

Conclusions provisoires…

L’hypnose thérapeutique, ancestrale, bénéficie d’un regain d’intérêt récemment accentué par les recherches en neurosciences et les anesthésies chirurgicales médiatisées pratiquées en C.H.U.
Depuis Erickson, ses concepts et applications cliniques sont loin de l’image véhiculée dans le public.

Son évaluation par des études sérieuses (méta-analyses, nombres de cas, méthodologie,…) doit encore beaucoup progresser, d’autant que les domaines concernés sont variés.

L’arrivée de l’EMDR crée une dynamique nouvelle combinant Mouvements Alternatifs, Hypnose et Thérapies Brèves (MATH) : la troisième vie de l’hypnose ?

Yves DOUTRELUGNE est médecin, formateur et chargé de conférence à l’Université de Lille II et à l’Université Libre de Bruxelles. Il dirige l’Espace du Possible asbl, centre de Formation à la thérapie systémique brève Modèle Palo Alto.

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