Comment passer de la réaction à la réponse ?

Par Fabian Battistoni


Comment passer de la réaction à la réponse ?

Peut-être l’avez-vous déjà constaté : nos pensées, sensations et émotions nous accompagnent à chaque instant. Nous sommes en permanence « connectés » de manière consciente ou non, à ces « vécus intérieurs ». À chaque instant, notre mental élabore des pensées, le corps nous informe de nos sensations, et nous construisons une émotion dans laquelle nous baignons. Ces Pensées, Sensations ou Emotions vont venir nous activer de manière plus ou moins intense, et peuvent être agréables, désagréables ou neutres. Pour vous assurer de cela, il vous suffit de vous assoir confortablement, de fermer les yeux, de porter votre attention sur votre respiration et d’accueillir ce qu’il se passe... Pensées, questions, gène, curiosité, ... apparaissent naturellement (ou explosent brutalement) à notre conscience dès que nous nous arrêtons pour écouter. Et ce n’est pas parce qu’on ne l’écoute généralement pas, que notre mental et notre corps ne « chantent » pas en permanence.

Ceci étant, lorsqu’il se passe quelque chose dans notre environnement et que nous le percevons (stimulus ou déclencheur) nous avons pour habitude de réagir de manière plus ou moins automatique. Avez-vous déjà réfléchi comment se construit cette réaction ? Je vous propose d’utiliser la métaphore du pendule de Newton pour illustrer notre propos. (Fig 1.)

Lorsqu’on soulève une bille du pendule de Newton et qu’on la laisse retomber (déclencheur) on perçoit uniquement la dernière bille s’élever (réaction) comme si les billes intérieures n’avaient pas été affectées. (Fig. 2)
Pourtant si ces billes intérieures n’étaient pas présentes, aucune impulsion ne se serait transmise entre le déclencheur et la réaction, et par conséquent, il n’y aurait pas eu de réaction. Il se passe donc bien quelque chose entre le déclencheur et la réaction, ce quelque chose qui se passe au niveau de ces billes intérieures (Pensées, Sensations, Emotions) est déterminant.

Explorons comment ça fonctionne quand l’expérience est qualifiée d’agréable.

Prenons un exemple concret. Vous vous promenez en rue et vous croisez un(e) ami(e) que vous n’avez pas vu(e) depuis longtemps. Et cette personne vous salue avec beaucoup d’enthousiasme en vous exprimant le plaisir qu’elle a de vous revoir, et toute l’affection qu’elle a pour vous. Ceci s’apparente plutôt à un « Déclencheur positif ».
Quelles pourraient être vos pensées, sensations et émotions dans cette situation ? Lorsqu’un déclencheur est particulièrement agréable, et il y a fort à parier que les P ; S ; E qui y sont associées le seront aussi. Et il y a de fortes chances que votre réaction dans pareille situation sera positive et agréable. (Fig.3) Autrement dit, tout se passe pour le mieux dans le meilleur des mondes, et comme la vie est agréable et que « ça fonctionne » nous ne cherchons pas à « réparer » quoi que ce soit, ce qui est une bonne chose.

Explorons comment ça fonctionne quand l’expérience est qualifiée de désagréable.

Prenons un second exemple. Vous vous promenez en rue, soudain un inconnu vous croise et vous bouscule assez agressivement sans s’excuser... C’est une expérience assez désagréable... vous sentez ? Si vous ne trouvez pas cela trop désagréable, imaginez que c’est votre bien-aimé(e) ou votre enfant que cet inconnu bouscule violemment et blesse en le faisant tomber à terre devant vous... Ceci est un « Déclencheur négatif ». Ça va, vous sentez là ?

Quelles pourraient être vos pensées, sensations et émotions dans pareille situation ? Il y a fort à parier que les P ; S ; E qui sont associées à cette expérience seront elles aussi codées négativement. Prenons le temps de les explorer (même si dans votre imagination, vous êtes déjà passé à la Réaction et que vous avez déjà sauté à la gorge de cet individu !) ... Revenons donc un peu en arrière en ralentissant, et posons-nous quelques questions :

  • Quelles seraient les pensées qui vous viennent dans pareille situation ?
  • Quelles sensations pourriez-vous ressentir vis-à-vis de cet inconnu ?
  • Dans quelles émotions vous retrouvez-vous plongé face à lui ?

Percevez-vous que les sensations, pensées et émotions s’activent et se mettent à tourner ensemble comme dans un manège pernicieux (fig. 4) qui s’enfonce irrémédiablement dans une expérience de plus en plus « désagréable ». Indépendamment de l’intensité de ce tourbillon, dans pareille situation, on se dit des choses, on en ressent d’autres et cela nous met dans une émotion à propos de laquelle on ressent d’autres choses, souvent pires, et ainsi de suite... (fig. 5)

La spirale fonctionne dans le deux sens et la spirale agréable peut être tout aussi intéressante à explorer.
Et quand est-ce que ça s’arrête ? Ça s’arrête quand nous réagissons !
C’est d’ailleurs le but de notre Réaction. Notre réaction n’a pas pour objectif de répondre au déclencheur, mais de nous permettre de sortir de cette boucle désagréable, autrement dit : la réaction est une tentative d’évitement des ressentis désagréables. (Fig. 6)

Nous pouvons constater que la plupart de nos réactions n’ont pas pour résultat de solutionner la situation que le déclencheur a fait émerger, que du contraire, nous pouvons constater que nos réactions ont souvent pour résultat de faire empirer les choses... immédiatement ou a posteriori. Ainsi quand un parent en arrive à gifler son enfant (Réaction) cela ne répond bien entendu absolument pas au déclencheur, mais cela permet de calmer le manège infernal des P ; S ; E qui tourbillonnent à l’intérieur du parent. La réaction a pour objectif d’arrêter les processus internes désagréables.

Et quand la réaction apporte une solution, c’est alors une réponse. Nous allons voir comment ça marche.

Explorons encore un peu comment ça fonctionne en découpant plus petit.

Avant d’aller voir comment ça marche quand notre réaction devient une réponse juste, nous allons devoir découper un peu plus petit. Depuis le début de mon propos je vous parle de déclencheur positif ou négatif, de P ; S ; E agréables ou désagréables...
Et vous me lisez sans broncher... enfin c’est souvent le cas quand je présente ce modèle à mes patients ou aux participants de nos formations. Et bien que je n’ai pas pu assister à vos réactions, vous qui me lisez ici et maintenant, je vais continuer à partir de ce principe (vous trouverez nos coordonnées à la fin de cet article pour nous faire part de ce qui vous a peut-être « fait réagir » et qui nous permettra d’affiner ce modèle).
Toujours est-il que la question qui nous est venue à ce stade de l’exploration est : « comment faisons- nous pour que quelque chose soit agréable ou désagréable ?  »

Les notions de « agréable » et « désagréable » nous accompagnent quotidiennement et déterminent nos choix de vie à chaque instant. Nous sommes en permanence occupés à évaluer sur une échelle allant de « très désagréable » (insupportable) à « très agréable » (le bonheur absolu) afin de faire des choix, conscients et/ou inconscients.

  • (En lisant la carte au restaurant) Que vais-je choisir... ?
  • Où et comment allons-nous voyager pour les prochaines vacances... ?
  • Comment me préparer pour cette réunion ?

Et en passant en revue les solutions qui apparaissent nous vérifions notre échelle « d’agréabilité ». Mais, comment faisons-nous pour estimer que quelque chose est agréable ou désagréable ? Comment on fait, concrètement ? ...
C’est tellement habituel, rapide, et fréquent que cela nous semble naturel, c’est « comme ça ». Pourtant, c’est le résultat d’un processus.

Pensez par exemple à un fruit que vous aimez tout particulièrement. Imaginez-vous manger ce fruit. Et imaginez comme c’est agréable de le manger... Comment faites-vous pour que cette expérience soit agréable ?
À l’inverse, imaginez-vous en train de manger un aliment que vous détestez, et ressentez comme c’est désagréable ! Comment faites-vous pour que cette expérience soit désagréable ?
Quelle est la différence entre ces deux expériences car en terme neurologique, les informations gustatives que vos papilles transmettent à votre cerveau sont pratiquement identiques et codées de manières similaires.

C’est intéressant comme question, n’est-ce pas ? Nous sommes occupés à longueur de journée à aller vers ce qui nous est agréable, et à tenter de nous éloigner de ce qui nous est désagréable, et pour la plupart d’entre nous, nous ne nous sommes pas encore posés la question de comment je fais pour trouver mes expériences agréables ou désagréables.

Et bien voici le fruit de notre réflexion : Le fait de considérer une expérience comme « agréable » ou « désagréable » est le résultat d’un TEST. Qu’une expérience soit codée comme agréable ou désagréable n’est absolument pas inné, c’est le résultat d’un test, qui est lui-même le fruit d’un apprentissage et d’un contexte.

Le contexte dans lequel ce test est réalisé en influence bien évidemment le résultat. Ainsi lorsqu’une pensée ou une sensation faisant directement suite à un déclencheur est codée immédiatement comme désagréable, c’est le résultat d’un test qui se réalise dans une quasi immédiateté. Et qui dit TEST, dit Objet du test. Car ce qui est testé ce sont nos VALEURS.

À chaque instant, pour apprécier si notre expérience est agréable ou désagréable, nous testons nos valeurs.

Si nous repartons des exemples présentés ci-dessus :

  • En lisant la carte au restaurant que vais-je choisir... ?
    • En fonction de ma personnalité, du moment et du contexte je vais tester une valeur qui est importante pour moi, soit je teste la valeur de plaisir, ou la valeur de santé, ou peut-être économique, ou encore de sécurité si ce restaurant à mauvaise réputation...
  • Où allons-nous aller pour les prochaines vacances... ?
    • Nous pouvons tester des valeurs telles que : confort, plaisir, curiosité, repos, ...
  • Comment me préparer à cette réunion ?
    • Nous pouvons tester des valeurs telles que : efficacité, performance, justice,
      bienveillance, ...

Si les valeurs testées sont respectées ou renforcées, l’expérience est vécue comme agréable.
Si les valeurs sont non respectées ou transgressées, l’expérience est vécue comme désagréable.

Une valeur est un idéal à atteindre, une cause à défendre, une référence ou une règle morale, sociale, spirituelle ou esthétique d’une personne ou d’un groupe à un moment donné. Les valeurs sont la représentation synthétique des convictions et des conduites qui sont considérées comme idéales, positives et importantes. Par exemple : sécurité, liberté, partage, effort, amour, sens, responsabilité, autonomie, solidarité, éducation, respect, art, justice, ..

Comment passer de la réaction à la réponse ?

Comme nous l’avons vu précédemment « quand ça fonctionne, ne le réparons pas », par contre lorsque le résultat de notre test est « non conforme à nos valeurs » et que nos P ; S ; E sont désagréables, il est opportun de pouvoir ralentir et de s’arrêter pour prendre conscience de la valeur qui est testée. C’est ici que la pratique de la pleine conscience prend tout son sens dans la thérapie ACT. Apprendre et s’entrainer à ralentir et à s’arrêter est très soutenant de ce processus. S’habituer à porter notre attention sur les pensées, les sensations et les émotions qui nous accompagnent va nous permettre d’entendre la ou les valeurs qui sont testées.

Ainsi lorsque nous percevons que notre expérience est codée négativement, nous percevons alors des P ; S ; E désagréables et/ou un emballement de notre carrousel intérieur. C’est le bon moment pour ralentir et s’arrêter en se posant les questions suivantes :

  • Qu’est-ce que je me dis ? (Quelle(s) sont les pensée(s) de mon mental actuellement ?)
  • Qu’est-ce que je ressens ? (Quelle(s) sont les sensation(s) que je ressens dans mon corps ?)
  • Dans quelle(s) émotion(s) est-ce que je baigne ?

Une fois que nous avons ralenti et que nous avons accès à ces réponses, nous pouvons continuer le voyage avec curiosité.

Voici une proposition de monologue intérieur construit au départ de ces questions qui permettent de ne pas tomber dans la réaction, et d’élaborer une réponse juste :

- Qu’est-ce que je testais à ce moment-là ? Quelle est la valeur ?
Quelle est la valeur qui n’est pas respectée et qui rend par conséquent mon expérience désagréable ? Une fois que la ou les valeurs sont clarifiées, nous pouvons rester un instant avec elle(s). Dans l’exemple de la personne qui nous bouscule, je peux tout à fait imaginer que la valeur que je testerais dans cette situation serait liée au respect. La valeur de respect.

- Qu’est-ce que ça dit de moi ?
Qu’est-ce que le fait que je teste cette valeur-là pourrait dire de moi ? Cela dit tout d’abord de moi que la valeur de respect est une valeur importante pour moi ! ET c’est plutôt une bonne nouvelle ! ... non ? La sensation désagréable que je vis m’informe donc qu’il y a une valeur importante pour moi qui n’est pas manifestée. Et ça dit de moi que je suis quelqu’un pour qui la valeur de ... (respect, amour, bienveillance, plaisir, liberté, ...) est importante... en fait ça dit de moi que je suis plutôt quelqu’un de bien ! Vous sentez comme mon expérience se transforme déjà...

Maintenant que nous sommes connectés à cette valeur qui est importante pour nous, la question qui se pose à nous est : Comment vais-je choisir de manifester cette valeur dans MA REPONSE ?

Et voilà qu’apparait la possibilité de transformer notre réaction (tentative d’évitement des ressentis intérieurs désagréables) en une réponse juste. (Réponse au déclencheur en adéquation avec nos valeurs).
Par exemple, comment puis-je vraiment manifester la valeur de RESPECT dans ma réponse. C’est-à- dire le respect de l‘autre et de moi-même !
Cela peut parfois prendre du temps pour explorer et trouver les formes de réponses adéquates. Mais si vous testez, vous constaterez que quoi qu’il arrive votre expérience est déjà différente. Nous ne sommes plus en train de nous laisser entrainer dans la spirale de notre carrousel intérieur, par contre nous sommes occupés à nous connecter à nos valeurs, ce qui modifie considérablement la qualité de notre expérience.

Apprendre à « répondre juste »

Comme on le dit dans l’ACT (Thérapie d’Acceptation et d’Engagement) : « ne croyez pas tout ce que vous pensez, testez les ! », de même ne croyez pas ce que je dis, testez le !

En ce qui me concerne, le processus d’apprentissage s’est déroulé comme ceci. Dans un premier temps j’ai commencé à reprendre des situations que j’avais vécues comme désagréables dans mon passé. Je me suis entrainé à m’associer à ces expériences et à revenir à mes pensées, sensations et émotions de ces moments. J’ai exploré comment s’activait mon carrousel intérieur et quelles étaient les valeurs que je testais. Une fois que j’avais pris note de ces valeurs, j’explorais, j’imaginais quels eussent été les réponses possibles. Au fur et à mesure que je m’entrainais, ma capacité à entrer dans le processus et à élaborer des alternatives de réponses s’est améliorée et le temps nécessaire pour obtenir ce résultat a commencé à diminuer.

Petit à petit les situations que je travaillais se rapprochaient du moment présent. C’était des évènements du mois précédent, puis de la semaine passée, d’hier, jusqu’à ce qu’un jour, lors d’une interaction conflictuelle, je m’entende penser : « ok Fabian, ce que tu vis est désagréable et c’est le résultat d’un test que tu fais... quelle est la valeur que tu testes ? »

J’ai alors pu reconnaitre la valeur en question, m’apercevoir que les premières réactions que je venais d’engager n’avaient absolument pas manifesté la valeur en question, et j’ai pu alors m’adapter et répondre plus justement. Ce changement a eu pour résultat de mettre fin à la difficulté relationnelle et de reprendre un dialogue constructif... tout simplement...

Il s’agit donc bien d’un apprentissage et d’un entraînement qui n’est pas que mental. L’objectif de ce modèle n’est pas de rester dans les pensées. Il vous faudra tout d’abord apprendre à ralentir et à porter votre attention sur vos P ; S ; E. Ensuite, vous entrainer à entendre ce qui est testé pour enfin apprendre à entrer dans la liberté de répondre conformément à vos valeurs profondes.

Je vous invite à tester ce modèle à l’occasion, en entrant dans l’expérience et en répondant à ces questions :

  • Quelle est la valeur que je teste ?
  • Qu’est-ce que ça dit de moi ?
  • Comment vais-je manifester cette valeur dans ma réponse ?

Je vous souhaite un joyeux chemin au pays de vos valeurs et de vos réponses ajustées.

Fabian Battistoni
Psychothérapeute Formateur & Superviseur ACT

Publication proposée par : Battistoni Fabian

Fabian Battistoni est Psychothérapeute à Liège, Maître Praticien PNL, Formateur, Superviseur ACT. Thérapie Individuelle & Familiale. Adulte - Adolescent - Couple. Formations complètes et certifiantes en psychothérapies humanistes, (certification CEP en cours).

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